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Message d'outre-tombe destine à Mamadou Moustapha Bâ, ‘’Bosquier’


Rédigé par leral.net le Jeudi 9 Octobre 2025 à 23:18 | | 0 commentaire(s)|

“Un an déjà que nous quittait Mamadou Moustapha Bâ, ‘’Bosquier’’, pour les intimes. A-t-il juste eu le temps de humer l’air sec et lourd des premiers mois de la troisième alternance du Sénégal, que la mort nous l’a arraché. Sans crier gare. Un dernier message électronique envoyé par lui le 6 octobre 2024, à 21heures 18 : ‘’Plus de messages’’. La forme, plutôt inhabituelle, nous a intrigué. Moustapha Bâ enjoignait généralement ses messages du terme ‘’bleu’’ et nous lui rendions toujours la politesse, par ‘’l’ancien’’.

Un usage hérité de notre passage au Prytanée militaire de Saint-Louis, qui est à la fois un signe de respect, d’affection mais aussi d’hiérarchie dépendant de son statut d’arrivée à l’école militaire.
J’ai répondu ‘’Ok’’.

Légèrement frustré et surtout surpris. Ensuite, plus aucun message de lui, jusqu’au jour où l’on m’annonça son décès, le 4 novembre, presque un mois plus tard. Nous avons cependant continué à lui envoyer des messages, remuant ciel et terre pour savoir ce qui ne tournait pas rond. Nous saurons après coup, qu’il n'a jamais vu les derniers signes d’affection que nous lui avons envoyés, puisque Moustapha Bâ, n’était plus, en vérité, avec nous, depuis le 8 octobre 2025.

Nous faisons partie du cercle de personnes qui ne croyaient pas un seul instant qu’il a mis fin à ses jours. Il aurait laissé des signes d’une manière ou d’une autre à ses amis ; lui qui a évolué dans un stress infernal, les sept dernières années du règne de Macky Sall, sans jamais flancher, pendant qu’il était Directeur général du Budget et ministre. Ses collègues du ministère des Finances peuvent témoigner qu’il lui arrivait de rester au bureau souvent jusqu’à 2 heures du matin, pour boucler ses dossiers. Aurait-il eu l’intention de mettre fin à ses jours, qu’il ne se serait sûrement pas jeté sous un train. Et assurément il aurait attendu que sa fille adoptive qu’il adorait par-dessus tout, finisse au moins sa lune de miel. Simple question de bon sens.

N y a-t-il finalement pas dans cette affaire, une conjugaison de faits qui laissent penser à un maquillage de la réalité ? Un ami de certains services m’a confié qu’il sera difficile de reconstituer les pièces du puzzle. Nous craignons qu’il ait raison. Mais partiellement, osions-nous espérer; le temps, comme dans l’affaire Me Babacar Sèye, étant l’allié le plus sûr. Puisse la ‘’prophétie’’ de feu Mame Abdoul Aziz Sy ‘’Dabakh’’, s’appliquer sur cette âme noble, injustement jetée en pâture par la ‘’meute’’ !

Les ‘’signes’’ qui se donnent à voir, démontrent à souhait, que l’esprit de ce digne fils du Nioro, où il repose en paix, continue à travailler. Tous nos problèmes procèdent en partie de la mauvaise gestion de la communication gouvernementale sur les ‘’passifs’’ du régime de Macky Sall. On a voulu présenter Moustapha Bâ, avec un machiavélisme primaire, comme un faussaire en chiffres qui aurait fini par avouer le “crime”. Quelle lecture réductrice ! En vérité, ses initiatives relevaient moins d’une manipulation que d’une réelle ingénierie financière, doublée d’une volonté de préserver, autant que possible, l’image financière du pays dans un contexte d’extrême tension. Fidèle à son rôle de serviteur de l’État, il cherchait davantage à retarder l’inévitable, qu’à maquiller la réalité à son profit. Toujours en quête de solutions, Moustapha Bâ a été injustement été payé par l’Etat, dont l’une des qualités saillantes n’est sûrement pas la reconnaissance.

Acharnement à outrance…

Mais pendant qu’on s’acharnait sur le défunt régime, à coups de conférences de presse, de posts, de rapports, on en oubliait la première urgence nationale : la bonne réputation du pays. Comme si nous étions sortis de la cuisse de Jupiter, nous avons cru que nous pouvons sans grand dommage, narguer les bailleurs de fonds, fouler du pieds les règles des marchés et nous passer des notations des agences comme Standard & Poor’s, Moody’s Investors Service, Fitch Ratings. Tout pays qui se respecte, doit veiller à rendre transparente la gestion de ses finances publiques, mais faudrait-il pour autant pousser le bouchon jusqu’à révéler une ‘’dette cachée’’ qui, elle-même, a toujours besoin de se camoufler derrière des guillemets, comme si elle n’était pas si cachée que cela.

Tous les spécialistes en Finances publiques, vous avoueront que c’est impossible de cacher quoi que ce soit, sans que cela ne finisse par se savoir d’une manière ou d’une autre, tant les projecteurs (BCEAO, UEMOA, FMI, TRESOR, INSPECTION DES Finances, etc.) sont nombreux et connectés entre eux. En pleine campagne d’auto-flagellation, Moustapha Bâ a pu confier à ses proches, avec un brin d’inquiétude, une semaine seulement avant sa mort : ‘’Ils sont en train de se mettre une balle dans le pied’’. L’avenir lui donne raison car pour l’essentiel, les dérives budgétaires étaient connues et maîtrisées. C’est principalement ce que font des pays en Afrique et même en Europe, pour se rendre ‘’sexy’’ auprès des marchés et attirer les investissements. Quelle était l’urgence vitale qui nous obligeait à prendre cette voie escarpée, si risquée, alors que le pays n’avait aucun plan B pour faire face à ses obligations, si ce n’est la volonté politique de satisfaire un électorat ?

L’argutie morale est d’une puérilité déconcertante, car un pays ne se gère ni comme une mosquée, ni comme une église, mais sur la base des intérêts fondamentaux qui en assurent la stabilité. Voire sa survie ! Il faut être naïf pour croire que les pays qui se sont développés, l’ont été sur la base de la vertu. La manière dont les richesses se forment, s’accroissent et se concentrent, a été analysée par tous les économistes sérieux, d’Adam Smith à Thomas Piketty, en passant par Marx. L’une des tares du nouveau pouvoir réside dans cette tendance à vouloir, coûte que coûte, flatter les instincts les plus basiques de la société, quitte à tout perdre ; l’essentiel étant de nourrir l’illusion d’une totale liberté ou pour être à la mode, d’un souverainisme aux contours idéologiques flous. Dans ce contexte, le souci du pays devient secondaire, effacé par ce qu’on pourrait qualifier de ‘’souci de soi’’, le culte du chef et la pensée unique. Tout le narratif contre le FMI, est un piège dans lequel s’engouffre, tête baissée, nos dirigeants. Cette institution financière internationale, n’est pas seulement un bailleur ordinaire. Son pouvoir réel réside en grande partie en cela qu’il influence et oriente le regard que d’autres bailleurs et investisseurs porte sur notre pays.

Les nouveaux maîtres de Dakar ont tout intérêt à revoir leur logiciel et à corriger rapidement ce qui peut l’être, avant que nous ne perdions le contrôle de la situation. Le pouvoir a cette caractéristique bien particulière, qu’il garde les apparences de puissance, même lorsqu’il vous déserte. Les erreurs qu’on accumule, s’agrègent lentement mais sûrement, jusqu’à ce que la magma, invisible, devienne une force incontrôlable.

Attention aux éruptions surprises !"





b[Mahmoudou Wane]

Ousseynou Wade