leral.net | S'informer en temps réel

Octobre Rose : «Au-delà du ruban, prévenir, soutenir, reconstruire »

Derrière le ruban rose se cachent des histoires de courage, de peur et d’espoir. Cette lutte appelle toute la société à s’engager pour prévenir, soutenir et reconstruire.


Rédigé par leral.net le Dimanche 5 Octobre 2025 à 15:20 | | 0 commentaire(s)|

"C’est parti pour une période de communication et d’actions contre un fléau qui hante le sommeil de toute l’humanité. Partout dans le monde le mois d’octobre à un sens particulier et notre pays ne déroge pas à la règle. Le Sénégal se pare de rose pour rappeler la lutte contre le cancer du sein. Et au-delà de l’aspect symbolique, cette campagne mondiale interroge notre rapport à la santé, à la solidarité et à la manière dont la société accompagne les femmes face à la maladie. Il est important de rappeler que le cancer du sein comme toutes les autres formes de cancer, n’est pas qu’une question médicale : c’est aussi un fait social total, qui met en jeu les croyances, les normes et les inégalités.

En effet, le Sénégal enregistre environ 1 800 nouveaux cas de cancer du sein par an. La maladie demeure la première cause de mortalité féminine par cancer, et touche de plus en plus de femmes jeunes. Derrière ces chiffres se cachent des histoires de courage, mais aussi de silence et de tabou.

Dans de nombreuses familles, parler du sein reste difficile, et l’acte même du dépistage demeure entouré de gêne. Comme le rappelle la sociologue Fatou Sow dans un de ces discours « la santé des femmes ne peut se comprendre en dehors des normes de pudeur et des rapports sociaux de genre ». C’est dire que la prévention exige un travail culturel, au-delà des examens médicaux. Il s’agit de déconstruire les représentations sociales qui enferment les femmes dans la peur du regard et de la honte.

D’ailleurs, les campagnes d’Octobre Rose jouent un rôle fondamental car, elles ouvrent l’espace public à une parole collective sur le corps féminin, la maladie et la vie. Elles sont des moments de reconnaissance sociale, où la femme malade retrouve sa place dans la cité. Mais la sensibilisation ne suffit pas , il faudrait encore des politiques publiques pérennes, des centres accessibles et un soutien psychosocial durable.

Concernant la prise en charge psychosociale, malgré toute la communication faite sur cet aspect, elle demeure un pilier souvent négligé. Comprenons que le cancer du sein bouleverse l’identité, la famille, le couple. Il met à l’épreuve les solidarités et le lien social. L’accompagnement moral et émotionnel devient alors une forme de thérapie sociale car, il aide à restaurer l’estime de soi, à rompre l’isolement et à maintenir la dignité. Les associations comme la LISCA ou d’autres illustrent bien cette dynamique communautaire où la solidarité se transforme en soin.

Sur le plan institutionnel, les efforts du ministère de la Santé et des partenaires sont visibles á travers les campagnes de dépistage gratuit, l’ouverture de services de cancérologie, ou les subvention de mammographies. Cependant, les disparités persistent entre les régions. Beaucoup de femmes découvrent la maladie à un stade avancé, faute de moyens ou d’informations. Il faut donc aller plus loin et faire de la prévention un droit citoyen, inscrire le dépistage dans les programmes de santé communautaire et intégrer la dimension psychologique dans la prise en charge.

Rappelons aussi que les médias y jouent un rôle majeur dans cette campagne. Ils ne sont pas de simples relais d’information , ils sont plutôt des acteurs de socialisation. Par leurs récits, leurs reportages et leurs campagnes, ils peuvent transformer la perception du cancer du sein, passer du drame à la résilience, du silence à la parole. En valorisant les témoignages et en déconstruisant les stéréotypes, les médias participent à une éducation sanitaire collective.

En définitive, Octobre Rose doit dépasser le cadre du mois symbolique pour devenir un projet social permanent. Prévenir, dépister, accompagner; ces trois notions peuvent paraitre simples, mais elles peuvent être des concepts clés pour un changement de société. Le combat contre le cancer du sein et les autres formes de cancer est un combat pour la vie, mais aussi pour l’égalité, la dignité et la solidarité. Parce qu’en parler, c’est déjà résister à la peur. Et agir, c’est construire une société qui prend soin de ses femmes, et donc de l’humanité tout entière."

NENE JUPITER NDIAYE
JOURNALISTE/SOCIOLOGUE


Ousseynou Wade