leral.net | S'informer en temps réel

On ne peut pas discuter de l'islam au Sénégal

L'Islam officiel qui a cours dans ce pays, est un Islam radical et totalitaire qui normalise toutes les relations sociales et contrôle les libertés publiques et individuelles. Cet Islam radical ne tolère en fait aucune réflexion.


Rédigé par leral.net le Samedi 21 Juillet 2018 à 10:13 commentaire(s)|

M; Wone qui affirme le contraire se dédit aussitôt puisqu’il proclame d’emblée que « l’Islam, ultime révélation du Seul Créateur des Mondes dispose d’un Livre qui contient toutes les réponses aux questions qui lui sont posées.. ».

En outre, il limite nettement son champ : « discuter de l’Islam suppose donc une maîtrise du Saint-Coran par l’un au moins des participants à une véritable discussion… » Alors nous autres, qui ne savons ni tā, ni alif, sommes donc discrédités ! Serions-nous tentés de discuter malgré tout ?

Nous risquerions l’assimilation à cette « islamophobie érudite, férocité savante et malin plaisir à pointer du doigt les anachronismes dont regorgent les livres de la tradition » que M. Wone brocarde comme pour intimider les esprits critiques ! Et d’enfoncer le clou : « ce message fondateur n’est pas négociable du point de vue de l’Islam. C’est le credo de la Foi, le leitmotiv de tous les Prophètes. Depuis la nuit des temps, en effet, 124 000 Envoyés et Messagers de Dieu se sont succédé… »

Taisons-nous donc, nous risquerions d’être taxés d’islamophobes voire carrément d’apostats, crime abominable puni de la peine de mort voire de la lapidation dans plusieurs pays musulmans. Le credo musulman dont M. Wone se fait l’écho ici, relève d’un islam radical qui est quasiment religion d’État dans ce pays, propagé et défendu par la classe politique toutes chapelles confondues, ainsi que par les « tarikas » de toutes obédiences.

Sous ses atours démocratiques et laïques, son engagement diplomatique ostentatoire en faveur du « dialogue islamo-chrétien », cet islam radical ne tolère en fait aucune réflexion en dehors de son cadre de référence. Voyez comment l’ouvrage de Madame Hela Ouardi, « les derniers jours de Muhammad » a été interdit.

Si l’on en croit le Président de Jamra, l’association islamique qui a porté le combat pour l’interdiction de cet ouvrage, c’est un ancien Premier Ministre, Abdoul Mbaye, opposant notoire désormais pourtant, qui a alerté le Premier Ministre qui à son tour, a saisi le Président de la République dont la décision a été immédiatement relayée auprès du ministre de la Culture puis des « autorités religieuses musulmanes ».

Rappelons que cet ouvrage a été écrit par une tunisienne, universitaire enseignante à l’Université de Tunis, qui n’a jamais été ni agressée ni inquiétée en aucune manière dans son pays. Le livre a été débattu partout, dans les médias et à l’Université et a été vendu dans les librairies de Tunis.

Rappelez-vous qu’en son temps Les Versets Sataniques, le roman de Salman Rushdie a aussi été cloué au pilori, a même fait l’objet de manifestations publiques hostiles et a été interdit à la vente. Voyez comment le professeur Sangharé a été vilipendé, insulté, menacé dans son intégrité physique, pour avoir publié « Le Coran et la Culture grecque » signalant des influences de la philosophie grecque dans le message de l’Islam.

Je suis convaincu que cette cabale a précipité la mort de cet intellectuel de grande valeur, une des sommités de l’Université sénégalaise. Souvenez-vous du sort du film Carmen Gei réalisé par le Sénégalais Joseph Gai Ramaka, en 2001 je crois. Lors de ses toutes premières projections à Dakar, la salle de cinéma fut saccagée. Le film fut immédiatement retiré de l’affiche et interdit. La raison : la bande son de khaissaides lors de l’enterrement de l’héroïne, une lesbienne a été interprété comme un blasphème.

Je crois savoir que le réalisateur du film et l’actrice qui jouait le rôle principal ont été affectés à vie par le traitement que leur œuvre a reçu au Sénégal. Alors, non Penda, on ne peut pas discuter de l’Islam au Sénégal. Car l’islam officiel qui a cours dans ce pays, est un islam radical et totalitaire qui normalise toutes les relations sociales et contrôle les libertés publiques et individuelles.

Si on ne fait pas ici l’apologie du terrorisme et si on n’a recours que symboliquement à la violence, c’est que les esprits sont pour la plupart modelés depuis l’enfance, depuis les daaras ou par « l’éducation religieuse » à la maison et contrôlés par les prêches incessants diffusés par les médias de masse.

Les libertés de pensée et d’expression du citoyen individuel, proclamées pourtant dans notre Constitution comme des droits fondamentaux, sont ainsi brimées dès l’enfance, niées quotidiennement par les prêches de nos marabouts et reniées par la pratique de notre classe politique, gouvernants et opposants confondus.

Comment peut-on alors fonder une démocratie ? Comment peut-on dès lors discuter non pas entre musulmans du dogme et de la pratique de l’islam, mais entre citoyens de la place de l’islam ainsi que de toute autre religion dans la société et notamment, de ses rapports avec la Démocratie et les droits et libertés.

Le journaliste tunisien Mourad Loussaief auteur d’une critique sans concession de l’ouvrage de Hela Ouardi publié dans le grand quotidien tunisois en français Le Temps, écrit en introduction ceci : « En démocratie, fût-elle juvénile, il est donné à toute personne de donner son avis sur tout sujet et il est permis à toute personne d'apporter la contradiction… ».

Mais le Sénégal n’est pas la Tunisie ! On ne peut pas imaginer un débat public au Sénégal sur des questions telles que l’homosexualité et l’égalité entre hommes et femmes en matière d’héritage, qui sont en discussion au sein de la Commission Tunisienne chargée des Libertés individuelles et de l’Egalité (COLIBE) instaurée par le Président de la République Béji Caïd Essebsi lui-même.

On ne peut évidemment pas discuter ici de l’origine de la vie, de la création du monde et de l’évolution des espèces puisque les théories qui semblent découler du Coran, sont indiscutables et tous doivent s’y conformer ou faire semblant au risque d’être…. excommuniés sinon agressés !

On ne peut malheureusement discuter ici d’Islam que dans le cadre bien délimité que M. Wone a indiqué. On comprend dès lors que l’émergence économique et sociale annoncée est un leurre puisque la Révolution Culturelle et scientifique qui est son indispensable corollaire et ouvre à la modernité, est impossible.

seneplus