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Pape Matar Diallo : « Honte à ceux qui festoient pendant que le peuple souffre »

Chômage massif, misère silencieuse, jeunesse abandonnée : alors que les Sénégalais se battent pour survivre, le gouvernement prépare des meetings comme si le pays n’était pas en urgence sociale. Honte à ceux qui festoient pendant que le peuple souffre. Les images récentes de files interminables de jeunes déposant leurs CV devant une simple boutique de cosmétiques sont plus qu’un fait divers : elles sont le miroir d’un drame national.


Rédigé par leral.net le Mardi 4 Novembre 2025 à 15:57 | | 2 commentaire(s)|

« Le chômage des jeunes n’est plus une donnée abstraite, c’est une plaie ouverte. Dans chaque quartier, chaque famille, on trouve des jeunes – diplômés ou non – qui cherchent désespérément un emploi décent, un avenir, une place dans leur propre pays.

On nous répète que l’État n’a pas vocation à créer des emplois. Certes. Mais l’État a le devoir absolu de créer un environnement propice à l’emploi, de favoriser l’entrepreneuriat, d’encourager l’investissement productif, de soutenir la jeunesse. C’était la promesse de Wade. C’était la promesse de Macky Sall. Et tous deux ont échoué à la tenir.

Aujourd’hui, un nouveau régime est en place. Il serait sans doute trop tôt pour parler d’échec, mais les signaux ne rassurent pas. Pendant que le chômage, la pauvreté et la misère gagnent du terrain, le débat public s’enlise dans des querelles politiciennes, des calculs personnels et des spectacles inutiles. On parle de meetings comme si le salut du pays allait se jouer sur une estrade, à coups de slogans et de cris de foule. Certains attendent cette date comme s’il s’agissait d’un tournant historique, mais si le peuple s’y accroche avec autant d’ardeur, c’est peut-être parce qu’il n’a plus rien d’autre à espérer. Quand un peuple en détresse attend un meeting politique comme une promesse de changement, c’est que l’État a cessé de lui offrir de véritables raisons d’espérer autrement.

Et franchement, qu’attendre d’un meeting du Premier ministre ? S’il veut parler, il a les cadres institutionnels pour le faire. S’il choisit la place publique, c’est qu’il veut encore faire de la politique alors que le pays a besoin d’action. On va donc mobiliser des gens toute une journée pour chanter, danser et crier des slogans, pendant que les écoles manquent de tables, que les hôpitaux manquent de lits, et que les familles manquent de pain. Il y a vraiment problème. Ah, j’allais oublier : il serait temps que les fonds politiques servent enfin à quelque chose d’utile.

On parle de rigueur, de rationalisation, de modestie — mais toujours pour le peuple, jamais pour ceux qui dirigent. On applaudit des responsables qui se vantent de ne pas avoir acheté de véhicule de fonction, mais qui ose parler des indemnités de transport qu’ils perçoivent en silence ? Ne prenez pas les Sénégalais pour des moutons. Le peuple voit, comprend, encaisse — mais il n’oublie pas.

Si l’austérité doit être réelle, qu’elle commence au sommet de l’État. Il faut plafonner les salaires des ministres, directeurs généraux et PCA, supprimer les voyages inutiles qui coûtent une fortune à un peuple appauvri, réduire les privilèges et afficher une transparence totale sur les dépenses publiques. Et surtout, il faut aller jusqu’au bout de la logique : supprimer purement et simplement les fonds politiques. Dans un pays où des enfants meurent faute de soins, où des femmes accouchent à même le sol, où des jeunes diplômés errent sans emploi, il est indécent de continuer à distribuer des milliards sans contrôle ni justification.

Quand le pays souffre, la sobriété n’est pas une posture, c’est une obligation morale. Partout, la misère se voit, même si elle se tait. Les prix flambent, les salaires stagnent, les services publics s’effondrent. Il y a quelques jours encore, une femme a perdu son enfant faute de soins devant une structure de santé. Ce drame n’a pas fait la une, mais il dit tout. Le Sénégal est un pays à redresser, pas une scène de spectacle politique. Les dirigeants doivent quitter les estrades, se retrousser les manches, et se souvenir de ce pourquoi le peuple les a choisis.

Alors oui, honte à celui qui festoie pendant que son peuple souffre. Honte à celui qui oublie pourquoi il a été porté au pouvoir. Honte à ceux qui confondent communication et gouvernance. Les Sénégalais n’attendent plus des promesses, ils attendent du travail, de la justice, de la dignité, et surtout du respect. Ce peuple mérite qu’on l’écoute, pas qu’on le manipule. Il mérite un État qui soigne, qui forme, qui protège — pas un État qui parade.

Parce qu’au fond, le Sénégal n’a pas besoin de plus de meetings. Il a besoin de plus de conscience, de vérité et de courage. Et peut-être, enfin, de dirigeants capables de regarder leur peuple dans les yeux sans baisser la tête.

Pape Matar Diallo
OPINIONS LIBRES
ÉTERNEL INDIGNÉ







Ousseynou Wade