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Plan de redressement économique et social: "Il ne peut y avoir de redressement sans stabilité politique ni paix sociale" (Habib Vitin)

Rédigé par leral.net le Mercredi 6 Août 2025 à 00:47 | | 0 commentaire(s)|

Plan de redressement économique et social:
" Le plan de redressement économique et social du Sénégal a été présenté en grande pompe au Grand Théâtre par le Premier Ministre, en présence du Président de la république, son Excellence Bassirou Diomaye FAYE. Si le fond peut susciter un intérêt légitime, la forme et le contexte interrogent. 
 
Mais comme dans tout projet d’envergure nationale, la réussite de ce plan ne repose pas uniquement sur les chiffres, les discours officiels. Ce plan ne réussira pas sans une appropriation populaire, sans civisme sincère, patriotisme actif, justice sociale, et un rôle actif de la presse nationale pour sa vulgarisation et son suivi. Et certainement pas dans un climat social tendu, marqué par des grèves récurrentes, de parole publique verrouillée.
 
I - L’appropriation citoyenne : la pierre angulaire
 
Un plan, même excellent sur le papier, ne vaut que s’il est compris, accepté et porté par les populations. L’appropriation citoyenne passe par la participation des communautés à toutes les étapes : diagnostic, mise en œuvre, suivi et évaluation. L’élaboration du plan semble avoir été le fait d’une technocratie administrative repliée sur elle-même, enfermée dans des chiffres, des indicateurs et des tableaux Excel.
 
Mais le redressement économique ne se décrète pas dans des bureaux climatisés. Il se construit dans les marchés, les foyers, les exploitations agricoles, les ateliers et les rues. Où étaient les syndicats de base, les GIE de femmes, les jeunes en chômage, les petits commerçants et les travailleurs précaires dans l’élaboration du plan ?
 
Le peuple n’a pas été convié à penser son propre avenir. Cela ne signifie pas que nous devons rester dans l’erreur, mais corriger ensemble, pour aller de l’avant. Il faudra réintégrer la parole citoyenne dans l’espace public et corriger l’image élitiste et fermée de la première présentation. Après ces retours citoyens, le gouvernement pourra publier une version actualisée du plan avec :
 
• Une annexe sur les suggestions citoyennes, 
• Des modifications concrètes apportées, 
• Un calendrier de mise en ouvre avec indicateurs de performance.
 
II - Le civisme et le patriotisme comme leviers de réussite
 
Redresser l’économie exige des sacrifices partagés et une discipline collective. Cela suppose :
• Le paiement régulier des impôts,
• Le respect des règles de transparence,
• La lutte contre la corruption au quotidien,
• La valorisation du « made in Sénégal ».
 
On appelle au civisme. On invoque le patriotisme. Mais à quoi bon demander aux citoyens de faire des sacrifices, si les symboles de justice et d’équité sont malmenés. La grève des greffiers, révélatrice d’un mal profond dans l’administration de la justice, n’a reçu qu’un mépris glacial. Comment parler de patriotisme quand les marchés sont envahis de produits importés, pendant que l’artisanat local agonise ? Le patriotisme économique commence par l’exemple d’en haut, par des actes concrets, pas par des slogans.
 
III - L’importance d’un climat politique et social apaisé
 
Il ne peut y avoir de redressement sans stabilité politique ni paix sociale. L’histoire économique nous enseigne que : "Les investisseurs fuient le bruit et la fureur ; ils préfèrent la sérénité au tumulte". Le débat public est crispé, verrouillé. Ceux qui osent critiquer sont taxés de saboteurs. La parole citoyenne est souvent disqualifiée par un discours technocratique, paternaliste, et parfois condescendant.
 
Pourtant, l’opposition n’est pas l’ennemie du progrès. Elle est une sentinelle.
 
Le gouvernement doit garantir les libertés publiques, encourager le dialogue social, respecter la diversité des opinions, et créer un cadre institutionnel propice à la co-construction des politiques. L’opposition, elle, a la responsabilité de critiquer de manière constructive.
 
 
IV - Le rôle fondamental de la presse : vulgariser, expliquer, interroger
 
Un plan aussi ambitieux soit-il, ne peut aboutir dans un climat de méfiance généralité, d’hostilité vis-à-vis des médias, et d’exclusion des voix divergentes. Il est temps de renouer avec la démocratie du dialogue et la confiance dans l’intelligence collective.  
 
La presse ne doit pas être simple spectatrice ou commentatrice. Elle doit expliquer les enjeux du plan de redressement, traduire les termes techniques en langage citoyen, vérifier la mise en œuvre sur le terrain, et offrir des tribunes à tous les segments de la société pour un débat démocratique et productif.
 
Dans ce contexte, l’appel au boycott de certains médias par une partie des militants de PASTEF est une erreur politique et démocratique. Le Sénégal a besoin de débats contradictoires dans un espace public apaisé, pas de silence imposé. Aucune relance économique sérieuse ne peut se faire dans une République où la parole est amputée. Loin d’être un obstacle, la presse peut et doit être un levier majeur pour la réussite du plan de redressement. Une presse responsable et professionnelle peut être un véritable partenaire de développement.
 
Dans cette dynamique, la presse nationale a une mission patriotique : vulgariser, certes, mais aussi poser les bonnes questions, traquer les incohérences, donner la parole à ceux qu’on n’écoute jamais. Ce plan mérite un débat national, pas une ovation obligatoire.
 
Conclusion : Un pari collectif pour un nouveau départ
 
Le redressement économique du Sénégal n’est pas seulement une affaire de chiffres, de taux de croissance ou de financements extérieurs. C’est avant tout un projet de société.
 
Comme le disait Amadou Hampâté Bâ : "Un arbre sans racines ne peut grandir". Le plan de redressement doit s’enraciner dans la conscience citoyenne, le civisme et l’amour du pays.
 
Il faut donc plus qu’un plan : il faut un élan national, une adhésion collective et un pacte républicain autour du progrès partagé. La presse, en sentinelle engagée, aura un rôle historique à jouer.
Ce plan peut être une opportunité. Mais il ne peut réussir dans une République amputée de sa démocratie participative, de sa justice sociale, et de son bon sens populaire".
 
Maître Habib VITIN 
Juriste, citoyen engagé, 
Président du "Mouvement THIÈS D’ABORD".

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Source : https://www.dakaractu.com/Plan-de-redressement-eco...