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Pourquoi attendre la confirmation du FMI ? Par Pape Sadio Thiam

Rédigé par leral.net le Vendredi 17 Octobre 2025 à 17:43 | | 0 commentaire(s)|

Faillite médiatique et responsabilité politique dans l’affaire de la dette cachée La récente confirmation par le Fonds monétaire international (FMI) de l’existence d’une dette cachée contractée sous le régime de Macky Sall, a provoqué un émoi considérable dans l’espace public sénégalais. Pourtant, cette « révélation »n’en est pas une : nos corps de contrôle avaient […]

Faillite médiatique et responsabilité politique dans l’affaire de la dette cachée

La récente confirmation par le Fonds monétaire international (FMI) de l’existence d’une dette cachée contractée sous le régime de Macky Sall a provoqué un émoi considérable dans l’espace public sénégalais. Pourtant, cette « révélation »n’en est pas une : nos corps de contrôle avaient depuis longtemps, mis au jour ces dérives budgétaires et financières. De surcroît, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko, avaient eux-mêmes reconnu publiquement, l’existence de cette dette dissimulée, confirmant la véracité des constats nationaux. Dès lors, une interrogation s’impose : pourquoi fallait-il attendre la parole du FMI pour que cette vérité devienne audible et reconnue ?

La réponse, en apparence simple, révèle en réalité une pathologie collective : celle d’une dépendance intellectuelle et symbolique, où la légitimité du savoir national est suspendue à la validation d’une instance extérieure. Et cette dépendance ne touche pas seulement la société politique et civile : elle a contaminé une large partie de la presse sénégalaise, pourtant censée être le miroir critique du pouvoir.

Dans cette affaire, la société médiatique et politique a préféré attendre la confirmation du FMI, comme si la parole nationale manquait de légitimité. Ce réflexe est symptomatique d’une aliénation cognitive que Frantz Fanon décrivait déjà : « L’Européen est devenu le juge ultime de la vérité du colonisé. » Transposée au champ économique, cette domination prend la forme d’une tutelle symbolique, où la vérité sénégalaise n’est considérée comme crédible qu’une fois certifiée à Washington.

Le rôle des médias dans cette affaire mérite une attention particulière. Car la presse, censée être le contre-pouvoir démocratique, s’est elle aussi révélée captive de ce réflexe d’attente vis-à-vis du FMI. Loin de valoriser le travail de nos corps de contrôle et les déclarations du chef de l’État, une grande partie des médias sénégalais a préféré s’en remettre au jugement du FMI, pour “authentifier” l’existence de la dette cachée. Cette posture traduit une perte d’autonomie intellectuelle et une soumission symbolique à la parole internationale.

Cette situation illustre ce que Pierre Bourdieu appelait la dépendance des champs dominés, c’est-à-dire la tendance des élites culturelles et médiatiques des pays périphériques, à chercher la validation dans le centre de légitimation mondial. En d’autres termes, la presse nationale, au lieu de produire une vérité sénégalaise sur la dette, s’est contentée d’attendre la bénédiction du FMI pour oser en parler avec gravité.

Il y a là une faillite de la mission critique du journalisme. Car informer, ce n’est pas attendre l’étranger pour confirmer ce que les institutions locales établissent ; c’est au contraire, donner sens, contexte et légitimité, à la parole nationale. En se plaçant dans une posture d’attente, la presse sénégalaise s’est faite l’écho d’une tutelle symbolique, confirmant que la dépendance politique s’accompagne d’une dépendance médiatique.

Cette dérive a des conséquences redoutables : elle désarme l’opinion publique, fragilise la confiance dans les institutions et réduit le champ médiatique à une simple caisse de résonance des puissances extérieures. Dans un pays où la presse devrait être un espace de souveraineté intellectuelle, ce renoncement est une trahison du rôle démocratique fondamental du journaliste.



Source : https://xalimasn.com/2025/10/17/pourquoi-attendre-...