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Quand une porte se ferme à Washington, une autre doit s'ouvrir à Addis-Abeba.

Rédigé par leral.net le Mardi 9 Décembre 2025 à 18:23 | | 0 commentaire(s)|

Car l'histoire n'est pas écrite par ceux qui excluent, mais par ceux qui transforment l'humiliation en levier. L'Afrique, longtemps fragmentée, porte en elle la puissance d'un continent qui ne demande qu'à s'unir. Et chaque frontière fermée doit devenir une invitation à bâtir nos propres routes, nos propres alliances, notre propre dignité.
Le 27 novembre 2025, Donald Trump a annoncé la suspension définitive de l'immigration en provenance des pays du tiers-monde.
Présentée comme une (...)

- LIBRE PROPOS /

Car l'histoire n'est pas écrite par ceux qui excluent, mais par ceux qui transforment l'humiliation en levier. L'Afrique, longtemps fragmentée, porte en elle la puissance d'un continent qui ne demande qu'à s'unir. Et chaque frontière fermée doit devenir une invitation à bâtir nos propres routes, nos propres alliances, notre propre dignité.

Le 27 novembre 2025, Donald Trump a annoncé la suspension définitive de l'immigration en provenance des pays du tiers-monde.

Présentée comme une mesure sécuritaire, cette décision vise en réalité des millions de personnes issues d'Asie, d'Amérique latine et surtout d'Afrique. Elle installe un climat de suspicion généralisée dans les grandes villes américaines, où les communautés africaines se sentent désormais traquées.

Au-delà de l'aspect sécuritaire, cette décision traduit une peur profonde : celle de voir les équilibres mondiaux se transformer et l'Afrique devenir un acteur incontournable.

Elle illustre aussi la politique de l'humiliation que Trump pratique régulièrement : surnoms dégradants pour ses adversaires, discours agressifs, mise en scène de rapports de force. L'humiliation devient pour lui une arme stratégique, un outil de domination symbolique.

Le continent africain dispose de ressources stratégiques essentielles à l'économie mondiale : cobalt et lithium pour les batteries électriques, gaz naturel pour la transition énergétique, terres rares pour les technologies de pointe, pétrole et or comme leviers financiers, cacao et café comme produits agricoles de base.

Pourtant, faute d'unité, chaque pays négocie isolément avec les multinationales, ce qui réduit la capacité de pression collective.

Pour exemples : sans le cobalt africain, aucune entreprise américaine ne peut produire de batteries à grande échelle. Sans le cacao ivoirien et ghanéen, l'industrie mondiale du chocolat s'effondrerait.

Mais ces leviers restent inexploités faute de stratégie commune.

Chaque fois que l'idée d'une union africaine forte émerge, elle suscite des résistances. Kwame Nkrumah rêvait dès les années 1960 des « États-Unis d'Afrique », tandis que Mouammar Kadhafi proposait une monnaie africaine adossée à l'or et une banque centrale continentale.

Ces projets menaçaient directement la domination économique occidentale. Leur échec illustre la difficulté de bâtir une puissance collective face aux pressions extérieures et aux divisions internes.

Une stratégie SMART pour sortir de la dépendance

La décision américaine doit être lue comme un signal d'alarme. Elle rappelle que l'Afrique ne peut rester spectatrice. Une planification stratégique est nécessaire, fondée sur des objectifs clairs et reliés entre eux par une logique de progression.

Ainsi, l'Afrique doit d'abord mettre en place une politique migratoire unifiée, en harmonisant les visas pour faciliter la libre circulation des citoyens africains, et en visant 40 pays signataires d'ici 2035. Mais cette mobilité ne peut être efficace que si elle s'accompagne d'un renforcement du commerce intra-africain, en passant de 15 % à 40 % des échanges continentaux grâce à la ZLECAf, et en réduisant les barrières douanières internes.

Et parce que le commerce repose sur les ressources, il est indispensable de créer un cartel africain global des ressources, regroupant non seulement le cobalt et le lithium, mais aussi le pétrole, le gaz, l'or, les terres rares et les produits agricoles stratégiques comme le cacao et le café. Ce cartel, inspiré de l'OPEP, permettrait de contrôler les prix, de conditionner l'accès aux ressources à des partenariats équitables et de financer l'éducation et la recherche.

Ce levier économique doit être soutenu par un investissement massif dans l'éducation et la recherche technologique, en doublant le nombre d'universités spécialisées et en formant un million d'étudiants supplémentaires dans les filières scientifiques et techniques d'ici 2035.

Enfin, ces avancées ne peuvent porter leurs fruits que si elles s'inscrivent dans une diplomatie de dignité, où chaque accord international est conditionné au respect mutuel et à la non-discrimination, avec un objectif de renégocier au moins dix accords majeurs d'ici 2030.

Ainsi, chaque objectif est spécifique, mais aussi mesurable, atteignable, réaliste et temporel, et tous s'articulent entre eux : la mobilité nourrit le commerce, le commerce valorise les ressources, les ressources financent l'éducation, et l'éducation renforce la diplomatie. C'est cette cohérence qui transforme une humiliation migratoire en levier stratégique.

La fermeture des frontières américaines aux pays du tiers-monde n'est pas seulement une mesure migratoire. Elle est une humiliation symbolique qui doit servir de catalyseur. L'Afrique doit comprendre que sa dignité ne se négocie pas à Washington, mais se construit à Addis-Abeba, Lagos, Libreville ou Johannesburg.

L'union africaine n'est pas une utopie : c'est une nécessité stratégique. Chaque exclusion extérieure doit devenir un moteur de mobilisation intérieure. Car sans l'Afrique, il n'y a pas de transition énergétique, pas de stabilité géopolitique, pas de futur économique équilibré.

L'Afrique n'a pas besoin d'être acceptée pour exister, elle doit s'unir pour imposer sa dignité.

Blaise EDIMO,
Enseignant et penseur stratégique



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...