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«Quatre bonnes raisons de respecter le calendrier électoral républicain...», Par Me Lamine Tirera, Barreau de Paris


Rédigé par leral.net le Jeudi 22 Février 2024 à 08:35 | | 0 commentaire(s)|

«Quatre bonnes raisons de respecter le calendrier électoral républicain...», Par Me Lamine Tirera, Barreau de Paris
Quatre bonnes raisons de respecter le calendrier électoral républicain des 3 ou 10 avril 2024, de l’élection présidentielle de février 2024 et la libération sans délai, du candidat Bassirou Diomaye Faye et de son leader politique Ousmane Sonko.

Les faits de l’espèce

Jamais le Sénégal n’a connu dans toute son histoire politique post indépendance, autant de candidatures à la présidentielle, en particulier celle du 25 février 2024, puisque 266 candidats ont déclaré leur intention de briguer la magistrature suprême. Dans un communiqué datant du 21 décembre 2023, le Conseil constitutionnel avait porté à la connaissance des candidats, des mandataires de partis politiques, de coalitions de partis politiques, d'entités regroupant des personnes indépendantes et des candidats indépendants et de leurs représentants, qu'une permanence serait assurée à son greffe les 23, 24 et 25 décembre 2023, de 8 heures à 17 heures. Il a également rappelé que le délai de dépôt des dossiers de déclaration de candidature, expirait le 26 décembre 2023, à minuit.

La Commission de Contrôle des Parrainages pour l’élection présidentielle a réceptionné 93 candidatures et a établi le calendrier de passage concernant le contrôle de parrainage des candidats s’étalant du samedi 30 décembre 2023 au jeudi 4 janvier 2024. Par une décision n°1/E/2024 en date du 12 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a publié la liste des 20 candidats autorisés à solliciter le suffrage des sénégalais à savoir : Boubacar CAMARA, Cheikh Tidiane DIÈYE, Déthié FALL, Daouda NDIAYE, Habib SY, Khalifa Ababacar SALL, Anta Babacar NGOM, Amadou BA, Rose WARDINI, Idrissa SECK, Aliou Mamadou DIA, Serigne MBOUP, Papa Djibril FALL, Mamadou Lamine DIALLO, Mahammed Boun Abdallah DIONNE, EL Hadji Malick GAKOU, Aly Ngouille NDIAYE, El Hadji Mamadou DIAO, Bassirou Diomaye Diakhar FAYE, Thiemo Alassane SALL.

La candidature de Karim WADE n’a pas été retenue en raison de la publication postérieure de son décret de retrait de sa nationalité française dans le Journal officiel de la République Française, bien après la date de clôture des candidatures. Il est important de rappeler que la crise politique qu’a connue le Sénégal durant ce mois de février, a été déclenchée à la toute dernière minute, par la décision du Président Macky SALL et de l’Assemblée nationale, de reporter l’élection présidentielle qui devrait avoir lieu le 25 février au 15 décembre 2024, avant que le Conseil constitutionnel n’annule la décision présidentielle. Le 16 février 2024, le Président Macky SALL a annoncé son intention de respecter la décision des 7 « Sages », en menant « sans tarder les consultations nécessaires » à l’organisation du scrutin.

Le 20 février 2024, le Conseil constitutionnel a de nouveau publié la dernière liste actualisée des candidats à la présidentielle, suite au retrait de la candidature de Rose WARDINI, en raison de sa supposée double nationalité franco-sénégalaise, ramenant ainsi le nombre des candidats à 19. Au total, quatre raisons sous-tendent l’ardente obligation de respecter le calendrier républicain avant le 2 avril 2024 et la libération sans délai du candidat Bassirou Diomaye FAYE (et de son leader Ousmane SONKO), afin qu’il puisse participer à la campagne électorale à armes égales par rapport aux autres candidats.

En premier lieu, le respect du calendrier électoral, républicain s’impose à tous et exige la convocation du corps électoral, dans le respect du délai constitutionnel.

La décision du Conseil constitutionnel est claire : aucun report de l’élection présidentielle au-delà du délai constitutionnel, ne sera toléré. Dans le même temps, les 7 sages ont indiqué l’impossibilité de maintenir la présidentielle à la date du 25 février et ont demandé aux autorités de l’organiser « dans les meilleurs délais ».

Le Conseil constitutionnel a mis ainsi fin, à toute polémique visant à un réexamen du processus préélectoral par certains candidats recalés, « spoliés ». Or, le mandat du Président Macky SALL se termine le 2 avril 2024 et l’organisation des élections devrait se tenir avant cette date du 2 avril 2024, si l’on veut respecter le délai constitutionnel et éviter de replonger le pays dans une crise politique, sociale et économique sans issue. Il n’y a aucun intérêt selon nous, d’engager un dialogue politique ou des consultations politiques pour repousser le calendrier électoral et plonger le pays dans une nouvelle crise électorale. Dans ce cas, de nouveaux recours seront introduits par les candidats concernés devant le Conseil constitutionnel, qui dira, là encore, le droit, en montrant la voie à suivre.

La logique et le bon sens recommanderaient donc de suivre à la lettre, la voie tracée par le Conseil constitutionnel. En deuxième lieu, la participation de tous les candidats déclarés par le Conseil constitutionnel, à concourir à l’expression du suffrage universel. Dans un pays comme le Sénégal, où tout le monde se considère roi et constitutionnaliste d’un jour, le décret portant report de l’élection présidentielle a donné libre cours, une fois de plus, aux citoyens lambda, journalistes, hommes politiques, en mettant en avant leur argumentation politique, juridique, en lieu et place du juge constitutionnel.

Chacun y est allé de ses propres pronostics et commentaires, en attendant la décision du Conseil constitutionnel. Nous soutenons avec force ici, que seuls les candidats déclarés par le Conseil constitutionnels doivent concourir à l’expression du suffrage électoral et rien que ces candidats et tous ces candidats ! Il est illusoire et impensable de vouloir recommencer le processus de sélection des candidats. Toute démarche allant dans ce sens, aura de fortes chances d’être annulée par le Conseil constitutionnel.

La seule et unique liste valable est celle qui a été arrêtée par les 7 sages. En troisième lieu, la libération du candidat Bassirou Diomaye Faye et le respect du principe constitutionnel d’égalité de traitement des candidats à la compétition électorale, deviennent incontournables dans ce processus électoral. La logique voudrait que tous les candidats déclarés par le Conseil constitutionnel, puissent faire campagne comme leurs adversaires politiques.

Sous ce rapport, le monde démocratique attend et regarde le Sénégal. La libération du candidat Diomaye Faye, dont la candidature a été validée par le Conseil constitutionnel, est une nécessité impérieuse. De plus, il n’a pas fait l’objet de condamnation pénale et bénéficie de ce fait, de la présomption d’innocence. Ce sont sans doute ces éléments-là qui ont milité en sa faveur devant le Conseil constitutionnel. Le bon sens et la logique voudraient donc que le régime en place le libère, afin qu’il puisse se présenter devant le peuple sénégalais, car une élection présidentielle est la rencontre d’un homme politique et son peuple. Il est donc important que Bassirou Diomaye Faye puisse bénéficier des mêmes armes politiques, légales, médiatiques, stratégiques que ses concurrentes, pour une compétition saine, inclusive et démocratique.

Toute stratégie visant à garder le candidat Bassirou Diomaye Faye derrière les barreaux, s’attireraient les foudres des électeurs sénégalais, des démocrates du monde libre, au sens large du terme. Un telle démarche s’avérerait contreproductive pour le pouvoir en place. Déjà, à la fin de janvier 2024, l'Union européenne avait jugé très important que les candidats qui ont été retenus par le Conseil constitutionnel, puissent faire campagne en toute égalité avec leurs adversaires. La libération du candidat Diomaye Faye est une ardente obligation. C’est une demande sociale, une exigence démocratique et un élément de décrispation du champ politique, qui s’inscrit dans le cadre d’un climat politique et social apaisé.

Le candidat Bassirou Diomaye Faye ne pourra qu’être libéré. En quatrième lieu, plus largement, la libération du leader de l’opposition, Ousmane Sonko, ainsi que tous les détenus politiques incarcérés pour des raisons politiques, s’impose dans les meilleurs délais. Le pouvoir en place a toujours nié l’existence de détenus politiques au Sénégal. Mais ces récents évènements ont montré le contraire. On est impressionné par le nombre record de détenus politiques libérés en peu de temps.

Selon certaines sources concordantes citant la « Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme » (RADDHO), 664 détenus auraient recouvré la liberté provisoire en l’espace de deux jours entre le jeudi 15 février et le vendredi 16 février 2024 et 344 libérations provisoires à Dakar et 272 autres dossiers sont en attenten selon les déclarations du ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, lors de la conférence de presse de ce mardi 20 février 2024. La libération de leader de l’opposition, Ousmane Sonko et de celle de l’ensemble des détenus politiques, ne pourront que contribuer à l’apaisement du climat social et politique et un élément de vivication de la démocratie sénégalaise.




Maître Lamine Tirera,
Avocat au Barreau de Paris,
Docteur en Droit,
Enseignant en droit public à l’Université Paris Nanterre,
La Défense tirera.avocat@gmail.com


Ousmane Wade