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Rebondissement sur la crédibilité de la Cour des Comptes sur les finances publiques : La Cour des comptes au cœur d’une nouvelle tempête ?

Dans un article intitulé “Audit financier au Sénégal : la Cour des comptes a-t-elle outrepassé son mandat ?”, l'hebdomadaire français Jeune Afrique ravive la polémique sur le rapport de la Cour des comptes. Ja révèle que “des documents en interne prouvent que ses membres se sont divisés sur le bien fondé du rapport produit”.


Rédigé par leral.net le Mercredi 30 Avril 2025 à 20:22 | | 0 commentaire(s)|

Sous la plume de Thaïs Brouck, l’hebdo qui dit avoir consulté “des documents exclusifs” qu’avant d’être dévoilé au grand public le 12 février dernier, “le fameux rapport sur la situation des finances publiques du pays a fait l’objet de critiques acerbes en interne, de la part des membres les plus éminents de l’institution”.

A en croire Ja qui cite en exemple un document daté du 23 décembre 2024, “Mamadou Thiao, le président de la Chambre des affaires administratives de la Cour des comptes, s’est dit inquiet vis-à-vis de ‘l’exhaustivité, l’exactitude et la pertinence des informations’ contenues dans le rapport et a estimé que ces éléments pourraient être ‘remis en cause’ par la méthode employée par les auditeurs. “Ja” jette un regard sur le rétroviseur et relate que le 26 septembre 2024. “Ce jour-là, le Premier ministre Ousmane Sonko et son ministre de l’Économie Abdourahmane Sarr réunissent la presse pour présenter l’audit des finances publiques lancé six mois plus tôt, au lendemain de l’investiture du président Bassirou Diomaye Faye.

Lors de cette conférence de presse qui fera date, les deux hommes accusent l’ancien président Macky Sall d’avoir manipulé les chiffres des finances publiques et dénoncent la ‘corruption généralisée’ de l’ancien régime. Des accusations que conteste aujourd’hui l’ex-président sénégalais.

Le journal fait remarquer que dans le même temps, “le gouvernement demande à la Cour des comptes de se pencher sur cet audit des finances publiques, conformément à la loi du 27 décembre 2012, portant sur le Code de transparence des finances publiques. En creux, l’objectif est de faire certifier les accusations portées à l’encontre de la précédente administration par cette institution réputée comme indépendante”.

Ja poursuit : “Pour rappel, la Cour des comptes est composée de cinq chambres. Et, c’est à la chambre des affaires budgétaires et financières (CABF) qu’est confiée la délicate mission. Fin décembre, une première version du rapport est prête. Elle est adressée aux présidents des cinq chambres de la Cour ainsi qu’à Mamadou Faye, le premier président de l’institution”.

L’hebdo écrit parlant du président Faye : “Après avoir analysé le projet de rapport, ce dernier écrit, dans un document en possession de Jeune Afrique, qu’il a été demandé à la Chambre “de commencer ses travaux par la vérification de la fiabilité des données contenues dans le rapport d’audit produit par le gouvernement. Cela n’a pas été fait. Ou bien, si cela a été fait, ce projet de rapport ne le reflète pas”. Un peu plus loin, il observe encore que “ce qui peut être retenu de tout cela est que les auditeurs ne sont pas en mesure de se déterminer sur l’existence ou non d’un surplus de financement, aussi bien en 2022, qu’en 2023”. “Deux versions du rapport circulent”.

D’après le journal Point Actu, Jeune Afrique constate que “Ces remarques font écho à un contre rapport produit mi-avril par l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, intitulé « Clarifications et mise au point ». Dans ce document de 24 pages très étayé, les auteurs dénoncent notamment le fait que le principe du contradictoire n’a pas été respecté et que le rapport « opère sciemment une confusion entre la dette contractée par l’État » et la dette du secteur parapublic avec une « volonté manifeste de gonflement de l’encours total » ou encore que « deux versions du rapport circulent dans le pays depuis plusieurs semaines ». Pourquoi la « dette cachée » du Sénégal va coûter cher au pays.

Cette dernière information a d’ailleurs été confirmée à JA par un financier, qui a souhaité garder l’anonymat. Plusieurs questions se posent désormais”. “Le rapport de la Cour des comptes qui a été diffusé le 12 février avait-il été amendé en tenant compte des remarques du premier président et celles du président de la Chambre des affaires administratives ?”, s’interroge Ja. “Pourquoi la CABF est-elle allée au-delà de son mandat en auditant les finances publiques au lieu de se cantonner, comme la loi l’y oblige, à un contrôle de la qualité de l’audit des finances publiques ?”, se demande l’hebdo français. “Et, enfin, pourquoi le rapport final n’a-t-il pas été signé par le premier président de la Cour des comptes ?
Sollicité pour répondre à toutes ces questions, Aliou Niane, le président de la chambre de discipline financière de la Cour des comptes, n’était pas revenu vers JA au moment de la publication de cet article”. Face aux nombreuses critiques suscitées par le rapport sur l’audit des finances publiques, le président de la Chambre de discipline financière de la Cour des comptes, Alioune Niane, avait apporté des clarifications, le 7 avril dernier. “La Cour ne dépend d’aucun pouvoir. Nous assumons pleinement cette indépendance”, avait-il déclaré, révélant qu’un ancien président avait tenté de dissoudre la Cour en vain. Selon lui, la Cour est un pouvoir à part entière, au même titre que l’exécutif et le législatif.

Concernant les délais de publication du rapport, il avait expliqué qu’un audit nécessite au minimum trois mois, suivis d’un mois pour les observations du parquet et un autre pour respecter le contradictoire. “Il est donc impossible de publier un rapport complet en moins de temps”, avait-il souligné. Sur le principe du contradictoire, il avait précisé que les audits ne visent pas des individus, mais les administrations, avec lesquelles les échanges ont bien eu lieu.

Enfin, Alioune Niane a réfuté l’idée que le rapport n’était pas signé : “Toutes les versions officielles le sont. Les publications en ligne ne comportent pas de signature, comme c’est le cas dans les autres cours des comptes”. Il a aussi rappelé qu’il n’existe pas de certification des comptes, mais une déclaration générale de conformité entre les ordonnateurs et les comptables.

Ce rebondissement au sujet du rapport de la Cour des Comptes survient deux semaines après que le député Guy Marius Sagna a officiellement déposé une proposition de résolution visant à mettre en accusation l’ancien Président de la République, Macky Sall, pour haute trahison, devant la Haute Cour de Justice. L’initiative repose sur des faits graves relevés dans les rapports de la Cour des comptes, mettant en cause la gestion financière du pays sous le magistère de Macky Sall.

Dans l’exposé des motifs accompagnant sa proposition, le député rappelle que l’article 101 de la Constitution sénégalaise réserve la responsabilité du Président de la République, dans l’exercice de ses fonctions, aux seuls cas de haute trahison. Pour Guy Marius Sagna, les éléments relevés par la Cour des comptes sont suffisamment alarmants pour enclencher cette procédure exceptionnelle.

Des accusations fondées sur des montants colossaux hors contrôle parlementaire. Selon le député, la Cour des comptes aurait identifié plus de 2 517 milliards de francs CFA contractés en dehors de tout cadre légal, sans autorisation du Parlement ni inscription dans les lois de finances.

S’y ajoute l’utilisation massive et jugée irrégulière de comptes de dépôts au Trésor (SNPE), pour un montant avoisinant 2 562 milliards de francs CFA, échappant également à tout contrôle parlementaire. Ces pratiques, estime-t-il, constituent une « violation manifeste des principes de transparence, de sincérité et de responsabilité budgétaires », ainsi qu’une « dissimulation délibérée de la réalité financière de l’État ».

Ousseynou Wade