Les urnes finiront-elles par parler ? Quatre jours après les Législatives du 30 juillet, leur verdict se fait toujours attendre. L’annonce de certains résultats -encore provisoires- se fait au compte-gouttes via les Commissions départementales de centralisation des votes. Les résultats officiels tardent, alimentant ainsi la guerre des chiffres qui accompagne les auto-proclamations et les théories en tout genre.
A Dakar, la Commission départementale de recensement des résultats a tenu un conclave jusque tard dans la nuit du mercredi 2 août. Au terme de ce huis-clos nocturne, la commission a annoncé, avec un délai légal dépassé de 24 heures, les résultats provisoires partiels pour la très stratégique circonscription, pourvoyeuse de 7 sièges sur les 165 du Parlement.
Benno gagne, Mankoo monte au créneau
Dans la foulée d'une guerre médiatique de chiffres et d'auto-proclamations, la Commission annonce à 2h du matin (GMT), la victoire de la coalition présidentielle avec une avance de plus de 2 000 voix. Dans le détail, Benno Bokk Yakkar (au pouvoir) rafle 114 603 voix, contre 111 849 voix pour la coalition Mankoo Taxawu Senegaal, menée depuis la prison de Rebeuss par Khalifa Sall, le maire de Dakar.
Sans attendre, Moussa Sow, le représentant de Manko Taxawu Senegaal à la Commission départementale a indiqué que son camp rejetait les résultats provisoires, «préfabriqués en complicité avec l'administration territoriale». Il annonce d'ores et déjà le recours devant la Commission nationale de centralisation des résultats et même devant le Conseil constitutionnel.
Les effluves d'une contestation post-électorale des résultats des législatives, déjà répandues avec les revendications de victoire par presse interposée , risquent d'envelopper de fumée blanche l'annonce nationale des chiffres provisoires du scrutin. Les dysfonctionnements recensés dans la distribution des nouvelles cartes d'électeurs, l'organisation chaotique des opérations de vote et la pléthore des 47 listes en lice, ont dû compliquer et retarder les opérations de dépouillement.
Pour autant, les délais légaux pour la publication des résultats ont-ils été dépassés ? «A l'exception du département de Dakar où les résultats provisoires devaient être publiés au plus tard mardi 1er août à midi, c'est l'impatience des électeurs qui fait qu'on a l'impression d'attendre la publication des premiers résultats plus que pour les autres élections. Les résultats de plusieurs départements sont connus», confie à La Tribune Afrique, une source au fait du dossier.
Vers la dépolitisation de la tutelle sur les élections ?
La suite ? La Commission nationale, présidée par le président de la Cour d'appel, devrait publier, d'ici le 4 août, la compilation des résultats des 45 départements locaux et des 8 circonscriptions de la diaspora. Les résultats devront ensuite être transmis au Conseil constitutionnel qui étudiera les recours déposés, avant de publier les résultats définitifs. La composition définitive de l'Assemblée sera alors connue.
Pour l'heure, la presse locale informe que la victoire de la coalition présidentielle ne fait plus aucun doute dans au moins 40 départements dans le pays et près d'une demi-douzaine de circonscriptions à l'étranger. Seule ombre au tableau, l'organisation décriée de ces Législatives, qui constituent un véritable test à 18 mois de la présidentielle qui se profile.
Avec les nombreux couacs décelés lors des législatives, plusieurs hommes politiques ont réclamé la démission d'Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre de l'Intérieur. En plus d'être maire de la communauté rurale de Boké Dialoubé (nord-ouest), le «premier policier» du Sénégal est un membre fondateur du parti présidentiel. Un conflit d'intérêts pour lequel il devrait être «disqualifié pour les prochaines échéances électorales», analyse notre source.
«Il faut aller, comme les experts n'ont cessé de le proposer du temps d'Abdou Diouf et d'Abdoulaye Wade, vers un système d'organisation des élections avec soit un ministre de l'Intérieur technocratique, soit vers la mise en place d'une structure autonome d'organisation des élections», plaide la même source.
Après l'organisation d'un scrutin aux allures de capharnaüm électoral, le principe de rigueur est sans doute l'enjeu de l'autre bataille électorale, la présidentielle de 2019. Comme le dit l'adage : «La femme de César ne doit pas être soupçonnée» !