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SÉNÉGAL-CÔTE D'IVOIRE, LE DUEL ÉCONOMIQUE

Rédigé par leral.net le Lundi 9 Juin 2025 à 14:45 | | 0 commentaire(s)|

Dette cachée, déficit budgétaire à 11,7% du PIB : les finances sénégalaises inquiètent les agences de notation. À l'inverse, la Côte d'Ivoire affiche une trajectoire rassurante et s'impose comme le modèle économique de référence en Afrique de l'Ouest

(SenePlus) - Comme lors de leur mythique affrontement en huitième de finale de la CAN 2024 à Yamoussoukro, où les Éléphants l'avaient emporté aux tirs au but face aux Lions de la Teranga, Sénégal et Côte d'Ivoire poursuivent leur duel au sommet. Cette fois, c'est sur le terrain économique que se joue la partie, avec pour enjeu le titre de première puissance francophone d'Afrique de l'Ouest.

La rivalité entre ces deux locomotives de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa) a pris une nouvelle dimension depuis l'élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence sénégalaise en 2024. Selon l'analyse de Jeune Afrique, les deux pays, qui affichaient jusqu'alors "une stratégie de développement semblable", prennent désormais "des directions opposées".

D'un côté, la Côte d'Ivoire d'Alassane Ouattara maintient le cap d'une économie libérale ouverte aux investissements étrangers. De l'autre, le Sénégal de Bassirou Diomaye Faye mise sur le souverainisme économique, "l'alpha et l'omega de sa politique économique", note le magazine panafricain.

En matière de production de richesse, Abidjan affiche une "confortable longueur d'avance". Les chiffres de 2023 le confirment : avec un PIB de 78,88 milliards de dollars pour 31 millions d'habitants, la Côte d'Ivoire devance largement le Sénégal et ses 30,85 milliards de dollars pour 18 millions d'habitants. L'écart se traduit par 800 dollars de différence en PIB par habitant : 2 506 dollars contre 1 706 dollars.

Cette supériorité ivoirienne s'est construite progressivement. En 2012, rappelle Jeune Afrique, "les deux pays sont au coude à coude et l'écart de PIB par habitant est alors inférieur à 200 dollars". La transformation s'opère sous les mandats d'Alassane Ouattara, quand "la Côte d'Ivoire a profondément transformé son économie et enregistré l'un des taux de croissance les plus rapides et soutenus au monde".

L'économiste ivoirien Séraphin Prao, cité par le magazine, explique cet avantage : "Le premier producteur mondial de cacao peut compter sur ses ressources agricoles et minières. Le secteur minier, qui contribue pour 5 % du PIB, est appelé à se développer fortement à moyen terme grâce à l'ouverture de nouvelles mines."

Le pétrole, atout maître du Sénégal

Mais la donne pourrait changer. Le Sénégal mise sur ses récentes découvertes pétrolières et gazières pour inverser la tendance. Dès cette année, selon les projections du FMI citées par JJA, le pays "devrait afficher la plus forte croissance du continent avec 8,4 %". Séraphin Prao précise : "De vastes gisements de pétrole et de gaz ont été découverts. Les réserves des blocs de Rufisque et de Sangomar sont évaluées à plus d'un milliard de barils de pétrole."

Toutefois, le défi reste colossal pour Dakar. Pour "espérer rattraper la Côte d'Ivoire, le Sénégal va devoir maintenir cette performance pendant au moins une décennie", analyse le magazine.

Sur le terrain des infrastructures, les deux pays rivalisent d'ambition. Au Sénégal, "des infrastructures modernes ont poussé à travers tout le pays", souligne Jeune Afrique. Le train express régional (TER) reliant Dakar à Diamniadio, la ville nouvelle avec son nouvel aéroport international, symbolisent cette modernisation. "Ces dernières années, des centaines de kilomètres d'autoroute ont été construits, le taux d'électrification rurale a été multiplié par deux et dépasse désormais 90 % en zones urbaines."

La Côte d'Ivoire répond présent dans cette course aux équipements. Entre 2011 et 2023, précise le magazine, "le gouvernement affirme avoir investi 2,6 milliards d'euros dans la production, le transport et la distribution d'électricité". L'objectif est ambitieux : "l'intégralité des localités du pays seront connectées d'ici la fin de l'année."

Abidjan témoigne de cette transformation urbaine. Alors que "la capitale économique ne comptait que deux ponts au début des années 2010, il aura fallu moins d'une décennie pour que trois de plus enjambent la lagune Ebrié". Le constat de Jeune Afrique est sans appel : "La Côte d'Ivoire possède le réseau routier le plus développé de la sous-région."

Infrastructures : la course au développement

C'est sur le terrain des finances publiques que l'écart se creuse le plus dangereusement pour le Sénégal. L'agence Moody's, qui plaçait début 2024 "les deux pays ex æquo" avec la même note Ba3, a depuis opéré un bouleversement spectaculaire. En un an, elle a "rétrogradé le pays de trois crans à B3, tandis que Yamoussoukro a vu sa note relevée à Ba2".

Les raisons de cette divergence sont structurelles. Au Sénégal, un audit des finances publiques a révélé "une 'dette cachée' de plus de sept milliards d'euros". Les chiffres du FMI cités par Jeune Afrique sont alarmants : "le déficit budgétaire s'est établi à 11,7 % du PIB tandis que la dette a atteint 105,7 % du PIB" fin 2024.

L'économiste sénégalaise Seydina Alioune Ndiaye, interrogée par le magazine, y voit "la perte de confiance des investisseurs internationaux dans la capacité du Sénégal à honorer ses engagements financiers à moyen terme".

À l'inverse, la Côte d'Ivoire affiche une trajectoire rassurante. Moody's justifie sa note positive par "la résilience économique de la Côte d'Ivoire, soutenue par une diversification économique croissante, des niveaux de revenus en hausse et des perspectives économiques robustes". Dès 2025, "le déficit budgétaire du pays devrait même redescendre en dessous de 3 % du PIB".

Le nouveau cap sénégalais inquiète les observateurs économiques. Seydina Alioune Ndiaye, citée par Jeune Afrique, nuance : "La posture souverainiste qui a conduit à réviser les accords signés et privilégier des partenariats gagnant-gagnant n'est pas mauvaise. Mais il ne faut pas que cette stratégie se transforme en un repoussoir d'investissements directs étrangers (IDE)."

L'enjeu est crucial. En 2023, rappelle le magazine, "le Sénégal était même la première destination de l'Uemoa" en matière d'IDE "avec 2,64 milliards de dollars d'investissements", devançant "le voisin ivoirien" qui "parvenait à attirer 1,75 milliard de dollars".

L'élection présidentielle ivoirienne d'octobre prochain constitue un test pour la stabilité économique du pays. Mais l'agence Fitch Ratings, selon Jeune Afrique, estime que "contrairement à ce qui s'est passé au Sénégal, l'élection n'aura pas de conséquences sur l'activité économique du pays".

Au terme de cette analyse comparative, Jeune Afrique dresse un bilan sans équivoque : "Dans la course à l'émergence, la Côte d'Ivoire a incontestablement pris une longueur d'avance." Reste à savoir si les hydrocarbures sénégalais permettront d'inverser cette tendance dans les années à venir.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/economie/senegal-cote-div...