Leral.net - S'informer en temps réel

SONKO-PARIS, UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ QUI EN DIT LONG

Rédigé par leral.net le Samedi 6 Septembre 2025 à 00:59 | | 0 commentaire(s)|

L'annulation d'un voyage à Paris prévu le 23 septembre divise les observateurs. Simple contrainte protocolaire ou signal politique ? La décision du Premier ministre questionne la "redéfinition" promise des relations avec l'ancienne puissance coloniale

(SenePlus) -Le Premier ministre Ousmane Sonko a créé la polémique en déclinant une invitation pour un forum d'investisseurs à Paris prévu le 23 septembre. Cette décision, qui aurait concerné "son premier voyage officiel en France", relance les interrogations sur la nouvelle diplomatie sénégalaise et la gestion délicate des relations avec l'ancienne puissance coloniale.

L'affaire semblait pourtant banale : une invitation de Bpifrance Création pour "un événement autour du thème 'Entrepreneuriat et innovation' à l'Accor Arena de Paris", comme le rappelle Damien Glez dans sa chronique du 5 septembre pour Jeune Afrique. Mais la décision de Sonko de décliner cette invitation a immédiatement alimenté les spéculations sur les orientations diplomatiques du nouveau régime sénégalais.

La controverse prend une dimension particulière quand on apprend que "certains parlent d'annulation, ce qui laisse supposer un premier accord de principe". Cette nuance terminologique suggère qu'un engagement initial aurait pu être pris avant d'être revu, alimentant les théories sur un possible revirement politique.

Conscient des enjeux, Sonko a rapidement tenté de calmer le jeu. Il "a tenu à publier lui-même, sur X et sur le site de la primature, un communiqué qui explique l'indisponibilité du chef de gouvernement à la date indiquée, en raison d'un empêchement lié à son agenda."

Cette explication officielle n'a pas convaincu tous les observateurs. Selon l'analyse de Glez, "les pinailleurs n'ont pas manqué d'éplucher ledit agenda, pour en conclure que le Premier ministre aurait en réalité achevé, à la date du rendez-vous français, ses deux déplacements officiels prévus aux Émirats arabes unis et en Italie."

Cette minutie dans l'examen de l'emploi du temps révèle l'attention particulière portée aux moindres gestes du nouveau gouvernement sénégalais. Chaque décision diplomatique est scrutée à l'aune du discours de rupture porté par le parti Pastef au pouvoir.

Pour désamorcer la polémique, Sonko a annoncé qu'il recevrait "prochainement son homologue français à Dakar, dans le cadre d'un séminaire intergouvernemental des deux pays." Une promesse qui pourrait toutefois s'avérer complexe à tenir dans le contexte politique français actuel.

L'agenda de Sonko semble également influencé par celui du président Bassirou Diomaye Faye. Comme le souligne l'auteur, "il est souvent admis qu'un chef d'État et son Premier ministre ne devraient pas quitter en même temps le territoire national. Or Bassirou Diomaye Faye sera à New York le 23 septembre, pour la fin de la 80e Assemblée générale des Nations unies."

Cette contrainte protocolaire classique offre une explication rationnelle au refus de Sonko, mais n'épuise pas les interrogations. D'autant que se pose la question de "l'opportunité que le Premier ministre aille à Paris, moins d'un mois après le petit-déjeuner pris par son président à l'Élysée le 27 août."

Cette proximité temporelle avec la visite présidentielle soulève des questions sur la coordination diplomatique et la répartition des rôles entre les deux têtes de l'exécutif sénégalais dans la gestion des relations franco-sénégalaises.

L'incident révèle la délicate équation politique que doit résoudre le gouvernement sénégalais. Comme l'interroge Glez : "Où Ousmane Sonko place-t-il le curseur de la bonne rupture politique, entre les bouderies des 'francosceptiques' de l'Alliance des États du Sahel (AES) et les ronds de jambe des rombiers de l'indéfectible relation privilégiée avec l'ancien colon ?"

Les leçons d'un non-voyage

Cette question saisit parfaitement le dilemme du nouveau pouvoir sénégalais, pris entre un électorat en partie acquis au discours souverainiste et les réalités économiques qui lient encore étroitement le Sénégal à la France.

"Les plus grinçants des observateurs spéculent sur l'inopportunité, pour Ousmane Sonko, de s'afficher en France, en parallèle d'un discours souverainiste et de positions parfois tranchées vis-à-vis de Paris", note le chroniqueur. Cette analyse met en lumière les contraintes d'image auxquelles fait face le Premier ministre, figure emblématique de l'opposition avant d'accéder au pouvoir.

Malgré ces tensions apparentes, la position officielle du Sénégal reste mesurée. "Le Sénégal n'a pour le moment pas souhaité de prise de distance significative à l'égard de la France", constate Glez. Plus encore, "il est même officiellement question de renforcer la coopération bilatérale dans plusieurs domaines clés, notamment l'investissement, le commerce, la défense et la sécurité."

Cette approche pragmatique s'inscrit "dans le cadre, tout de même, de la redéfinition d'une relation historique". Une formule qui résume bien l'ambition du nouveau régime : maintenir les liens économiques essentiels tout en rééquilibrant une relation perçue comme déséquilibrée.

L'épisode du forum parisien manqué illustre les défis que rencontre le nouveau pouvoir sénégalais dans sa quête d'un nouvel équilibre diplomatique. Entre les attentes d'une base électorale sensible aux questions de souveraineté et les impératifs économiques qui nécessitent le maintien de relations stables avec les partenaires traditionnels, la marge de manœuvre s'avère étroite.

Cette affaire révèle également l'intense scrutin auquel est soumise chaque décision du gouvernement Sonko. Dans un contexte où les symboles prennent une importance démesurée, le moindre geste diplomatique est analysé, décortiqué, interprété comme un signal politique.

L'enjeu pour Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye sera de parvenir à naviguer sur cette "étroite ligne de crête" entre rupture et continuité, en inventant une diplomatie qui satisfasse à la fois les aspirations souverainistes de leur électorat et les nécessités d'un pays qui ne peut se permettre l'isolement économique.

Primary Section: 
Secondary Sections: 
Archive setting: 
Unique ID: 
Farid


Source : https://www.seneplus.com/politique/sonko-paris-un-...