leral.net | S'informer en temps réel

Sénégal: Le changement climatique fragilise la pêche artisanale et pousse de nombreux jeunes à l’exil

Au Sénégal, le changement climatique fragilise la pêche artisanale et pousse de nombreux jeunes à l’exil. À Bargny, dans le département de Rufisque, la situation est particulièrement alarmante, avec des milliers de départs enregistrés. Ce vendredi 12 septembre 2025, un atelier de partage organisé par l’IPAR, a réuni chercheurs, autorités et acteurs locaux, pour réfléchir au lien entre pêche, climat et mobilité.


Rédigé par leral.net le Vendredi 12 Septembre 2025 à 18:17 | | 1 commentaire(s)|

Le littoral sénégalais est en première ligne face au changement climatique. À Bargny, ville côtière située à quelques kilomètres de Dakar, la raréfaction des ressources halieutiques bouleverse le quotidien des pêcheurs artisanaux et accentue un phénomène inquiétant : le départ massif des jeunes vers d’autres horizons, souvent par des voies irrégulières.

Le Sénégal, dont l’économie repose largement sur la pêche, est fortement exposé aux effets du réchauffement climatique. L’intensification des événements extrêmes – fortes chaleurs, sécheresses, inondations – fragilise les écosystèmes marins, réduit les stocks de poissons et menace la survie de milliers de familles vivant de la pêche artisanale. À cela s’ajoutent d’autres facteurs : gouvernance insuffisante du secteur, pression démographique, pollution industrielle et pauvreté croissante. Résultat : les communautés de pêcheurs, autrefois résilientes, deviennent de plus en plus vulnérables et voient dans la migration, une échappatoire.

C’est dans ce contexte que l’Initiative Prospective Agricole et Rurale (IPAR) a organisé, ce vendredi, à Bargny, un atelier de partage sur le nexus « pêche – climat – mobilités ». L’objectif : débattre mais aussi proposer des pistes de solutions. Dr. Laure Tall, directrice exécutive de l’IPAR, rappelle que la mobilité a toujours fait partie de la tradition des pêcheurs, mais qu’aujourd’hui, elle prend une ampleur dramatique.

« La pêche ne nourrit plus ni les hommes ni les femmes. Face à la baisse des revenus, beaucoup n’ont d’autre choix que de partir. Nos recherches montrent que ce secteur, historiquement marqué par les déplacements, enregistre désormais le plus grand nombre de départs. Il est urgent d’instaurer une meilleure gouvernance et de renforcer le dialogue entre tous les acteurs de la chaîne de valeur », a-t-elle déclaré.

Elle plaide pour une pêche durable, une gestion concertée des ressources et surtout, la reconnaissance du droit à la mobilité. « Nos poissons migrent, mais nous, pêcheurs sénégalais, avons de plus en plus de mal à circuler. Comment suivre ces ressources si les barrières administratives nous en empêchent ? », ajoute-t-elle.

Pour Sidya Diouf, chef de la division Pêche artisanale à la Direction des Pêches maritimes, les changements climatiques modifient profondément les habitudes de pêche et accentuent les tensions entre acteurs. « L’acidité des océans et le réchauffement bouleversent les migrations des espèces. Là où il n’y avait pas de sardinelles auparavant, on en trouve aujourd’hui. Les pêcheurs doivent les suivre, parfois très loin, ce qui engendre des conflits, non seulement entre pêche artisanale et pêche industrielle, mais aussi entre techniques de pêche. Certaines pirogues restent désormais deux à trois jours en mer avant de revenir, alors qu’autrefois, la pêche se faisait à la journée », souligne M. Diouf, estimant que cette situation doit pousser l’État et les acteurs à revoir la législation, adapter les stratégies et renforcer les capacités de résilience des communautés.

Au niveau local, la situation devient alarmante. Ismaëla Ndiaye, représentant du maire de Bargny, évoque des chiffres préoccupants : « En 2024 seulement, 2 200 jeunes pêcheurs ont quitté Bargny. C’est une véritable hémorragie. Au-delà du climat, il faut aussi évoquer les installations industrielles polluantes qui fragilisent encore plus notre littoral. Aujourd’hui, les jeunes n’ont plus de perspectives. Il est temps de penser à leur reconversion, à travers la formation professionnelle, l’aquaculture ou l’entrepreneuriat. Sinon, l’émigration clandestine continuera de faire des ravages ».

Les acteurs réunis à Bargny s’accordent sur une chose : la crise de la pêche au Sénégal est multidimensionnelle et nécessite des réponses globales. Entre résilience climatique, reconversion économique et gouvernance participative, les pistes existent mais tardent à se concrétiser. Pour l’IPAR, cet atelier constitue une étape importante pour alimenter les politiques publiques et inciter l’État, les collectivités et les organisations locales, à agir ensemble. Mais sur le terrain, les pêcheurs de Bargny attendent plus que des discours : ils réclament des solutions urgentes pour que la mer redevienne une source de vie et non de désespoir.






Birame Khary Ndaw

Ousseynou Wade