THIAROYE, L’APPEL PANAFRICAIN

En marge de sa visite, ce mardi 7 octobre 2025, au cimetière de Thiaroye à Dakar, Ousmane Sonko a appelé à substituer l’expression tirailleurs africains à tirailleurs sénégalais , jugeant la formule héritée de la colonisation « réductrice » et contraire à une mémoire inclusive des combattants du continent. Le Premier ministre a effectué ce déplacement en compagnie de responsables burkinabè et nigérien, dans un contexte de relance des travaux mémoriels autour du massacre de 1944.

Pour Sonko, la terminologie doit refléter la diversité des origines des soldats mobilisés par l’armée française, venus de nombreuses colonies d’Afrique de l’Ouest et centrale. « Perpétuer cette appellation, c’est prolonger une logique colonialiste », a-t-il soutenu, rappelant que les rangs comptaient des combattants du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la Haute-Volta (Burkina Faso), du Niger, du Tchad, de la Guinée et d’autres territoires.

Le chef du gouvernement a rappelé avoir, dès 2022, impulsé des gestes symboliques en ce sens lorsqu’il était maire de Ziguinchor, en baptisant une voie en hommage aux tirailleurs africains afin de corriger l’angle colonial de la toponymie et de la mémoire publique. Cette orientation s’inscrit dans une séquence plus large où le Sénégal cherche à documenter et à reconnaître pleinement l’ampleur du drame de Thiaroye.

Ce déplacement intervient alors que les autorités ont engagé, en 2025, des fouilles archéologiques à Thiaroye pour établir avec précision le nombre de victimes et localiser d’éventuelles fosses communes, une étape jugée décisive pour lever les zones d’ombre de l’épisode. L’initiative, annoncée au plus haut niveau de l’État, répond aux critiques formulées de longue date sur l’insuffisance des archives et la nécessité d’un travail de vérité.

Le débat mémoriel a aussi été ravivé par la reconnaissance, en 2024, de six tirailleurs « morts pour la France », décision saluée comme un pas mais jugée insuffisante par Dakar, qui refuse que Paris fixe seule le périmètre de la reconnaissance et des réparations. Cette controverse souligne la sensibilité persistante du dossier et renforce l’appel de Sonko à une narration partagée.

Au cimetière de Thiaroye, haut lieu du souvenir, Sonko a appelé à une mémoire panafricaine qui embrasse l’ensemble des trajectoires africaines engagées sous l’uniforme français. Le choix des mots, selon lui, commande une justice symbolique à la hauteur du sacrifice consenti, et une pédagogie historique tournée vers l’unité et la dignité des peuples du continent.