Le village de Touba Trankil, situé dans l’arrondissement de Diouloulou, département de Bignona, à seulement 500 mètres de la ligne frontalière avec la Gambie, est l’un de ces territoires qui sont plus proches du pays du Président Adama Barrow que du Sénégal. Électrifié en 2017 grâce au programme d’accès universel à l’électricité mis en place par l’État du Sénégal, Touba Trankil vit au rythme de la modernité avec le Dalasi (monnaie gambienne) comme principale monnaie, mais tout en gardant sa «sénégalité» et son instruction.
Par Gaustin DIATTA (Correspondant)
ZIGUINCHOR – Pour regagner Touba Trankil (département de Bignona), nous avons emprunté, à partir de Diouloulou, une piste latéritique. La distance à parcourir a été longue. Pour se protéger de la poussière, le chauffeur de notre véhicule en très bon état décide d’appliquer le vitrage automobile. La voiture roule à vive allure. Mais, souvent au pas pour céder le passage aux animaux, notamment les vaches et les ânes. Diouloulou est très loin derrière nous. Nous nous approchons davantage de ce village sénégalais qui se situe à un jet de pierre de la Gambie. Au fur et mesure que l’on avance, des chants et applaudissements nous provinrent de l’intérieur. C’était le 20 mai dernier, jour de l’inauguration de la Maison des jeunes offerte par le Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma), mis en place par le Chef de l’État, Macky Sall, pour promouvoir l’équité. Au bout de quelques minutes et après avoir traversé les forêts luxuriantes, nous découvrons des maisons construites sous le même format (en banco puis cimentées). Sur le toit de plusieurs habitations, paradent jalousement des antennes pour capter des images satellites afin de pouvoir regarder les différents championnats européens.
Bienvenue à Touba Trankil, un village très propre situé dans la commune de Kataba 1. Une localité très proche de la République de Gambie, mais aussi si loin de celle-ci. Ici, c’est le Dalasi, la monnaie gambienne, qui y circule. Le voyageur qui y débarque pour la première fois est étonné de constater qu’à Touba Trankil, ce n’est pas le Franc Cfa qui est utilisé dans le commerce. Ce sont les billets de Five, Ten, Fifteen ou encore One hundred Dalasi qui remplacent les pièces de 5, 10, 15 et 100 FCfa. En dépit d’user au quotidien de cette monnaie, les populations ne se sentent pas Gambiens.
Sénégalais un jour, Sénégalais pour toujours
Tous revendiquent leur appartenance à la République du Sénégal et disent tout attendre du Gouvernement du Président Sall. Les propos du chef de ce village en disent long. « Nous savons que notre village est très proche de la Gambie. D’ailleurs, c’est la monnaie de ce pays ami qui circule à Touba Trankil. Mais, cela ne fait pas de nous des Gambiens. Nous sommes des citoyens sénégalais », explique le Chef de village, Yankhoba Sagna. Le chef de village se réjouit d’avoir reçu, le 20 mai 2021, de hautes autorités du Sénégal venues pour inaugurer le foyer des jeunes. « Je puis vous assurer que ce jour restera à jamais gravé dans la mémoire des populations de Touba Trankil. C’est un jour historique. Encore une fois, nous savons que nous sommes des Sénégalais», confie-t-il au « Soleil ».
À Touba Trankil, une école a été construite par le Gouvernement du Sénégal et ses partenaires. Ce village, en plus d’être électrifié en 2017, dispose d’un poste de santé. Des actions magnifiées par le chef de village. En revanche, M. Sagna demande à l’État de poursuivre l’œuvre de construction déjà entamée, en acceptant de goudronner l’axe Diouloulou-Touba Trankil. Aussi, rappelle-t-il, que c’est la principale doléance des populations de ce village.
Né dans ce village il y a 23 ans, le jeune Bacary Sambou maîtrise mieux le Dalasi que le Franc Cfa. Il dit reconnaître parfois les pièces de 100 ou encore 200 FCfa. Mais, dès qu’on lui présente un billet de 500 FCfa par exemple, il le confond au billet de one hundred (100) Dalasi. Tout comme le chef de village, il précise que l’utilisation du Dalasi ne fait pas de lui un citoyen gambien. Il vit sa « sénégalité » comme un jeune de son âge qui est né, par exemple, dans la ville de Ziguinchor. « Par moments, j’ai fréquenté l’école gambienne. Mais, dès mon enfance, je savais que je n’étais pas Gambien. Je suis Sénégalais et je le resterai pour toujours. L’État du Sénégal a déjà beaucoup fait dans notre village. Ce n’était pas évident, vu la position géographique dans laquelle se trouve Touba Trankil », explique Bacary, qui reste néanmoins« convaincu » que le Gouvernement peut encore mieux faire. Le jeune homme espère, toutefois, que le Chef de l’État, Macky Sall, les aidera à goudronner de l’axe Diouloulou-Touba Trankil. « Nous voulons aussi un forage pour avoir un accès à l’eau potable comme ça a été le cas avec le courant », poursuit-il.
Aussi, le secrétaire général adjoint de l’Union pour le développement de Touba Trankil sollicite-t-il de l’État du Sénégal la construction d’un Collège d’enseignement moyen (Cem).
La renaissance de Touba enclenchée
Bien avant 2017, dit-on, s’informer ou regarder la télévision était un luxe. Il y avait pratiquement rien à Touba Trankil, situé à 500 mètres de la bande frontalière avec la Gambie. Mais, au fil du temps, le village a commencé à retrouver toute sa tranquillité en basculant vers la modernité grâce aux programmes et projets concoctés par l’État du Sénégal.
Aujourd’hui, grâce au Programme d’urgence de modernisation des axes et territoires frontaliers (Puma) qui a construit et équipé le foyer des jeunes en matériel de sonorisation et informatique, cette localité est connectée au reste du monde. L’espoir de percer le mystère des pays situés de l’autre côté de l’Atlantique semble être retrouvé. Selon le gérant de la salle informatique, les jeunes rêvaient de ce moment depuis années. Un rêve synonyme de renaissance de Touba Trankil qui se concrétise. « Avant, on voyait les ordinateurs hors de notre village ou à la télévision. Nous pensions que ce sont les génies qui les manipulaient. Je suis persuadé que cette salle informatique va nous rapprocher du monde. Nous sommes de plain-pied et vivons désormais l’ère de la mondialisation. Grâce à cette salle informatique, tout ne sera plus comme avant. Nous sommes désormais une jeunesse et un village respectés », se réjouit Kalaro Kamara. Il précise qu’un calendrier sera mis en place pour aider les plus jeunes à se familiariser, dès le bas âge, avec l’outil informatique.
Citant entre autres réalisations de l’État du Sénégal dans ce village (poste de santé, maternité, école élémentaire), le gérant de la salle informatique et membre actif de la jeunesse soutient que Touba Trankil « n’a rien à envier à aucune une autre localité de ce pays ». G. DIATTA
Source : http://lesoleil.sn/village-frontalier-a-la-gambie-...