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Vivez les minutes “choc” de l'audition de Victor Tendeng devant la barre : "Karim Wade, Me Wade et moi, et l'argent remis à Me Patricia Lake Diop"

Le procès de Karim Wade et de ses co-prévenus continue son petit bonhomme de chemin. Hier, après avoir rejeté la demande de renvoi de la défense, la Cour est passée à l’audition des témoins, malgré l’opposition de la défense. Et c’est le chauffeur de Kaarim Wade qui a ouvert le bal.


Rédigé par leral.net le Vendredi 26 Septembre 2014 à 11:27 | | 0 commentaire(s)|

Vivez les minutes “choc” de l'audition de Victor Tendeng devant la barre : "Karim Wade, Me Wade et moi, et l'argent remis à Me Patricia Lake Diop"
On n’arrive pas à cerner l’homme ; Tantot drôle évasif, Victor Tendeng est soldat, un dur à cuir. Parfois, on a l’impression qu’il ne maîtrise pas on sujet ou qu’il cherche à protéger quelqu’un, mais l’homme semble avoir une ligne de conduite et il l’a suit. Chauffeur et assistant de Karim Wade, il a comparu devant la Crei en tant que témoin dans le procès Karim Wade et Cie. C’est dès sa présentation qu’il a eu le don de faire sortir le président Henri Grégoire Diop de ses gonds. "Je suis chauffeur et assistant du détenu politique Karim…". Il n’aura pas le temps de terminer sa phrase que le juge le recadre : "Vous n’avez pas à faire de commentaire. Dites juste ce qu’on vous demande", balance le président Diop. Victor Tendeng revient à la charge : "Mais, c’est Karim Wade qui s’est présenté comme cela devant vous". "Cela ne vous regarde pas ?", fait remarquer le président. Gendarme de profession, il a été détaché à la maison du Président Abdoulaye Wade, au service de Karim Wade, le 02 octobre 2002. Et, depuis ce jour, est née une grande amitié, une grande confiance entre les deux hommes. Victor Tendeng est chargé des missions de conduite de Karim Wade et de la liaison entre le bureau de celui-ci et les autres ministères pour l’évacuation du courrier. Cette précision faite, il est soumis au feu roulant des questions de la Cour.

"Est-ce que Karim Wade vous donnait des fonds pour des versements ? "
"Oui, il me donnait des fonds que je déposais soi à la Sgbs soit à la Cbao."
"D’où vient provenait cet argent ?"
"C’est son père qui le lui donnait".
"Est-ce que vous avez une fois donné de l’argent à Me Patricia Lake Diop de la part de Karim Wade ?"
Là, Victor Tendeng se redresse et lance à la Cour : "J’ai versé de l’argent dans le compte de Me Patricia Lake Diop. C’est une somme de 10 millions de FCfa ; Karim Wade m’avait demandé de le rejoindre au Palais. J’ai été témoin physique, oculaire et auditif quand le Président Wade remettait de l’argent à Karim Wade. Nous sommes entrés dans un salon, dans l’un des appartements privés du Président Wade. Le Président Wade a tendu un bloc à Karim Wade et lui a dit : "Je voudrais que tu remettes cet argent à un homme de confiance parce que, quand je donne à certains des fonds, ils les utilisent à autre chose". C’est ainsi que Karim m’a remis l’argent. Je me suis rendu à l’étude de Me Patricia Lake Diop et à la comptabilité, ils m’ont dit que, pour des raisons de transparence, ils ne pouvaient pas prendre l’argent. Ils m’ont donné un numéro de compte et je suis allé verser l’argent dans ce compte et je suis encore retourné à l’étude ( de Me Patricia Lake Diop) pour donner le reçu de versement à la comptabilité de Me Patricia Lake Diop.
"Combien de fois avez-vous versé de l’argent dans le compte de Me Patricia LAKE Diop ?"
"Une ou deux fois, si mes souvenirs sont bons".
"Il vous donnait-il des chèques ?"
"Non c’est toujours du liquide et j’ignorais toujours les raisons de ces versements".
"Connaissez-vous Bibo Bourgi ?"
"Oui, je l’ai connu en 1996, si mes souvenirs sont bons. A ce temps-là, je venais en renfort à la garde présidentielle, et, comme la famille Bourgi n’habitait pas loin, quand on les voyait faire la fête, on me disait c’est la famille Bourgi, les riches de Dakar."
"Connaissez-vous un endroit où Karim Wade gardait de l’argent chez lui ?"
"Oui, il m’a montré un placard dans sa chambre où il gardait de l’argent, mais il me disait toujours que c’est l’argent que son père lui a laissé. Cet argent était utilisé quand Karim Wade était hors du pays pour les courses de la maison".

Henri Grégoire Diop s’énerve et accule Victor Tendeng

Le juge n’en finit pas : "Donc, c’est dans ce compte que vous puisiez de l’argent en cas de besoin ?".
Victor Tendeng est comme piqué au vif. Le ton ferme, il rétorque : "Je n’ai jamais dit puiser, c’est quand on dit puiser, c’est comme s’il y avait des milliards alors que ce n’est pas le cas".
"C’est bon-là, on a compris, vous dites prendre et non puiser."
Victor Tendeng réplique : "Oui parce que puiser, c’est comme s’il avait de l’argent qui ne finissait pas".
Henri Grégoire Diop hausse le ton : "Ce n’est pas la peine d’insister, on a rectifié".

L’audition continue. Et Victor Tendeng nie connaitre Pape Mamadou Pouye, Mbaye Ndiaye et tous les autres co-prévenus, à l’exception de Bourgi.
"Qu'est-ce que vous avez fait de l’argent que Karim Wade vous a laissé ?"
"J’ai payé des factures d’eau et d’électricité. Et le reste, Karim Wade m’a demandé de le verser dans son compte". "C’était combien cet argent ?"
"Pas plus de 50 millions de FCfa".
"Est c’est dans ce compte que vous puisez ?"
"Ecoutez président, arrêtez de dire puiser, ce n’est pas ce que j’ai dit"
Henri Grégoire Diop est hors de lui. "Ce n’est pas à vous de donner des ordres. C’est la dernière fois que je vous préviens, revoyez votre ton", bredouille-t-il, presque en bégayant. Il ne terminera pas ses questions et demande à ses accesseurs s’ils voulaient interroger le témoin. La parole est ensuite donnée au Parquet spécial. Alioune Ndao, qui trouve que le témoin a dit des choses qu’il n’a pas révélées à la gendarmerie, entre dans la danse.
"Pourquoi n’avez-vous pas dit à la gendarmerie que vous avez remis de l’argent à Me Patricia Lake Diop au nom de Karim Wade ?"
Victor Tendeng refile sa tenue de soldat et lance : "M. le Procureur, nous sommes dans un combat et vous n’avez jamais vu un militaire dévoiler sa stratégie de combat en allant au front. Nous sommes à la phase de jugement, c’est pourquoi je fais des précisions".
Alioune Ndao saisit la balle au rebond : "Alors vous êtes au combat, vous combattez pour qui ?"
"Je ne défends personne, je suis là pour la vérité", tempère Victor Tendeng.
"Avez-vous une fois dit à Cheikh Diallo d’aller au Cabinet de Me Patricia Lake Diop pour signer des papiers ?"
"Non. Cheikh Diallo n’avait pas besoin d’intermédiaire pour s’adresser à Karim Wade. Il entrait dans le bureau de celui-ci comme s’il entrait dans sa chambre. CD-Média lui appartient, il le disait à qui voulait l’entendre dans les couloirs de l’Anoci".
Comme s’il attendait que le nom de Cheikh Diallo soit cité, Victor Tendeng se lâche : "Ce que je ne comprends pas, c’est que le jour où je devais être confronté à Cheikh Diallo, je me suis présenté à la Crei et Cheikh Diallo était avec ses conseils. Ils se sont enfermés dans une pièce avec la commission d’instruction de la Crei et quand ils sont sortis, ils m’ont dit que la confrontation n’avait plus sa raison d’être. J’aurai vraiment voulu savoir le pourquoi. Peut-être que Cheikh Diallo leur a servi un succulent couscous et il ne voulait pas que j’y mette du sable".
Henri Grégoire Diop pète les plombs. Il estime que c’est l’honorabilité des magistrats de la Crei qui est mise en cause. "Répétez ce que vous venez de dire et dites-nous ce que vous insinuez, vous ne pouvez pas vous permettre d’accuser des magistrats depuis ce matin".
Victor Tendeng s’excuse. Ce qui provoquera l’ire du juge : "Arrêtez de vous excuser tout le temps". Là Seydou Diagne pète un câble et commet un lapsus : "J’ai le droit d’interroger mon client. Il faut que la Cour arrête d’intimider le témoin. Vous m’empêchez de poser mes questions". La partie civile s’en mêle. Me Seydou Diagne est hors de lui. S’ensuit un dialogue de sourds entre avocats. Tout le monde parle et personne n’écoute. Henri Grégoire peine à faire régner l’ordre. "Depuis ce matin, la Cour s’énerve pour un oui ou un non", déplore Me Seydou Diagne. Aly Fall de rétorquer : "On interroge comme on veut."

"50 millions, ce n’est pas de l’argent"

Revenant sur la somme de que Karim Wade a laissé à Victor alors qu’il était absent du pays d’août à octobre 2012. Antoine Diome (le substitut du procureur) a voulu encore savoir comment cet argent a été utilisé. Victor Tendeng, qui a rappelé qu’il a payé les factures d’eau et d’électricité, a informé la Cour qu’il a fait cinq versements dans le compte de Karim Wade. Sur la provenance licite ou non de cet argent. Victor dit ne s’être jamais intéressé à cela, puisque ce n’était pas ses affaires. "Verser de l’argent dans un compte n’est pas un crime", soutient-il.
"Cela ne vous pas choqué qu’on vous laisse 50 millions en liquide dans un placard ?".
"50 millions, ce n’est pas de l’argent".
Antoine Diome sourit : "Vous perceviez combien comme salaire ?".
"Le salaire est privé", affirme le témoin.
"Vous êtes tenu de répondre. Karim Wade est poursuivi pour enrichissement illicite. Donc, il faut qu’on sache où est allé cet argent".
"Il ne me payait pas, il me donnait".
"Combien ?"
"Ça peut être 50 mille, 25 mille ou encore 10 mille FCfa".
Mais, ce qui étonne Me Yérim Thiam, c’est que Victor Tendeng, qui avait un salaire de de 280 mille à 300 mille FCfa puisse avoir dans son compte 5 millions de FCfa. Pour toute réponse, le témoin dira : "J’ai travaillé pendant 20 ans. J’ai fait des économies". A la question de savoir pourquoi il avait démissionné de la gendarmerie pour se consacrer au service d’un homme, il dira : "C’est un choix personnel". Sur ce, la Cour demande au témoin de rester à sa disposition pour d’éventuelles confrontations et fixe la prochaine audience au 13 octobre 2014. Tout souriant, Victor Tendeng sort de la salle d’audience, félicité par les sympathisants de Karim Wade.

Avec L'Observateur

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