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Pour une refondation des sociétés politiques en Afrique

Les difficultés des Etats africains tiennent, à mon avis, de l’inadéquation entre leurs constitutions et leurs organisations sociale et tribale. Je le soulignais dans une de mes dernières contributions, nos constitutions sont inappropriées. Les organisations politiques et sociales qui en découlent ne collent en rien avec nos réalités. Elles ne reflètent en rien nos modes de vie et sont, de ce fait, source de tensions et de bouleversements sociaux. Prenons l’exemple des partis politiques qui sont tous d’inspiration occidentale et dont la majorité des partisans connaissent à peine sinon rien des statuts qui les régissent. Ces partis qui sont créés aujourd’hui comme on crée une entreprise, ne servent, dans les faits, qu’à meubler le paysage politico-médiatique offrant à ses dirigeants la possibilité de se faire entendre et de lutter pour la conquête du pouvoir.


Rédigé par leral.net le Jeudi 7 Juillet 2011 à 00:36 | | 0 commentaire(s)|

Pour une refondation des sociétés politiques en Afrique
C’est le règne du politique business. On investit, on communique à outrance, on cherche la bonne place sur le baromètre des sondages, on se cherche une clientèle fidèle que l’on entretient à coups de millions dont les origines sont souvent douteuses, etc. A quelles fins, pour quels objectifs ? Importante question si l’on part du constat que la plupart des programmes de nos partis se recoupent pour ne pas dire qu’ils se ressemblent. Certains partis sont simplement arrimés à des doctrines occidentales avec de grands concepts dont l’applicabilité dans nos sociétés est sujette à caution voire impossible. Mais c’est dans l’air du temps d’appartenir à telle ou telle organisation libérale, socialiste ou communiste. Cela rapporte aussi, comme au loto. Surtout lorsque l’on peut exciper que l’on fait l’objet de brimades dans son pays à cause de ses idées politiques. En quoi donc les partis politiques concourent-ils à l’expression démocratique quand on sait que, par essence, ils défendent, qu’on veuille le dire ou non, des intérêts partisans ? Comment pourrait-on dès lors reprocher à ces partis ou à ces groupes de partis qui accèdent au pouvoir de faire la part belle à leurs partisans avant d’offrir la portion congrue aux autres ? En Afrique, on parle de partage du gâteau. Allez-y comprendre quelque chose. En quoi l’accession au pouvoir ou à un poste important peut-il être assimilé à un gâteau, à découper et à partager entre ceux-là qui ont contribué à l’acquérir ? A mon avis, les partis politiques œuvrent simplement à la confiscation du pouvoir souverain au service d’intérêts particuliers, à la domination d’un groupe sur le reste de la population. Celle-ci tombe dans le jeu pervers de la « démocratie » qui lui donne l’illusion qu’elle a les cartes en main alors qu’il n’en est rien. Le peuple ne sert qu’à voter après avoir été abreuvé de bonnes paroles et de promesses qui ne seront jamais réalisées. Et il en sera ainsi tant que nous garderons ce système politique qui permet le parti politique comme mode d’accès au pouvoir. Nous nous devons de faire une analyse introspective et nous poser véritablement la question de savoir s’il est dans l’intérêt de nos sociétés africaines de garder ou plutôt d’encourager ce système de partis ? Les pays africains sont passés très rapidement du système de parti unique au multipartisme intégral en passant par un système où les courants politiques étaient limités. Mais à l’analyse, cette multiplicité de partis ne participerait-elle pas à l’émiettement de nos démocraties avec pour corollaire l’accentuation du sous développement endémique de nos pays qui tardent à se mettre sur la piste de départ de l’émergence ? La multiplicité des partis ne serait-elle pas une des conséquences du classique préjugé de l’efficacité de la civilisation occidentale sur la civilisation africaine qui nous commanderait de démontrer à la face du monde la vitalité de nos démocraties en autorisant la création de partis à foison ? Les deux sociétés ne fonctionnent pas du tout de la même façon et bien que la mayonnaise ne veuille pas monter, nous persistons dans cette voie qui ne nous mène que vers une impasse, à quelques exceptions près.
Chaque jour, de nouveaux partis se créent et contribuent, plus encore, à obscurcir l’horizon de nos semblants de démocratie. L’une des leçons magistrales à tirer de cet état de fait est qu’il faut rendre la voix aux peuples. Tant que les partis s’exprimeront à leur place, il n’y aura pas d’issu. Il est temps en Afrique que le pouvoir retourne à ceux qui sont censés le détenir. L’expression tant galvaudée « le pouvoir par le peuple et pour le peuple » trouvera alors tout son sens. Pour cela, nos coutumes ancestrales et traditionnelles délaissées, devront être mises à profit dans ce travail de refondation de nos sociétés politiques. Pour l’élection des représentants du peuple, les candidatures indépendantes devront être de mise. En effet, nos assemblées locales et nationales devront être composées d’hommes et de femmes élus au suffrage direct dans leurs localités respectives sur la base de programmes discutés et acceptés par les populations avec, pour le candidat élu, une obligation de résultats. Ces hommes et femmes n’auront pas besoin d’un appareil de parti pour solliciter le suffrage des électeurs. La conséquence directe de ce mode d’élection est que l’élu n’est pas redevable d’un parti quelconque dont il aurait à obéir aux injonctions et autres demandes de nature clientéliste. Dans le cas d’espèce, l’élu n’aurait de compte à rendre qu’à la population de sa localité qui peut le sanctionner positivement ou négativement suivant ses résultats dans l’exercice de sa mandature. Ces élus devront se faire remarquer par leur notabilité, leur respectabilité mais aussi par leur grand intérêt pour la chose publique. Ils devront servir et non pas se servir. L’intérêt public devra primer sur les intérêts particuliers ou partisans. Une assemblée ainsi composée serait véritablement une assemblée du peuple et non des représentants d’un petit nombre de partis qui ne sont en rien représentatifs de la majorité. Adopter ce système permettrait de mettre fin à cet anachronisme qui veut que des personnes élues sur la base d’un scrutin de liste se prévalent du titre ronfleur de Représentants du peuple, d’Honorables députés.
Pour ce qui est du Président de la République, je proposais qu’il soit élu par un Conseil des Sages composé de l’ensemble de nos principaux Chefs traditionnels auxquels on pourrait adjoindre les Chefs religieux les plus en vue. Là aussi, il faut noter que ce mode de désignation du président de la République présente des intérêts non négligeables. Notamment dans le fait que le Chef de l’Etat ne serait plus tributaire d’un système de parti dont il est le plus souvent l’otage, l’obligeant à choisir des personnages politiques qui ne connaissent rien à l’administration et à la gestion de la chose publique. Il faut souligner que le fait que le Chef de l’Etat puisse être désigné par les Chefs traditionnels n’enlèverait en rien la primauté de l’Etat sur le Conseil des Sages et les autres institutions. La fonction présidentielle gagnerait en prestige et retrouverait son caractère d’institution sacrée et respectée de tous. Des économies d’échelle seraient aussi réalisées quand on connaît le coût d’une élection présidentielle. Enfin, le président élu aurait la plénitude des pouvoirs sous le contrôle du Conseil des Sages qui veillerait à tout éventuel dérapage. Dès son élection, le président élu pourrait faire appel à toutes les compétences nécessaires à la réalisation de son programme politique par la mise place d’un gouvernement de technocrates sur lequel il aurait la haute main avec un Premier ministre chargé de la coordination de ses activités. En approfondissant la réflexion, il est certain que l’on trouverait encore d’autres avantages à ce mode de désignation du Chef de l’Etat.
Je ne voudrais pas terminer cette réflexion sans évoquer des problèmes connexes qui minent nos sociétés et qui l’empêchent d’évoluer comme il se devrait. Vous l’aurez compris, en plus des problèmes de dévolution des pouvoirs et de l’exercice d’une véritable démocratie, nos sociétés sont aujourd’hui corrompues, avides d’argent et n’ont plus aucun sens de l’honneur. Le Président de la République du Cameroun, Son Excellence Monsieur Paul Biya en faisait déjà cas dans un ouvrage paru en 1987 dont le titre est Pour le libéralisme communautaire. M. Célestin Sietchoua Djuitchoko, Assistant à la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques à l’Université de Dschang au Cameroun ne dit pas le contraire quand il affirme : « le fait est qu’aujourd’hui, à l’instar de Samba Diallo dans l’aventure ambigüe, l’africain en général et le camerounais en particulier, est un déraciné perdu entre la civilisation occidentale qu’il est incapable d’assimiler et sa propre culture à l’égard de laquelle il a pris ses distances. La mondialisation dont on parle tant, malgré ses vertus, risque encore d’aliéner les populations. Or il est reconnu à la civilisation de l’Afrique certaines vertus cardinales aux antipodes des vices que déplore Ibrahima Dieng, personnage principal du célèbre roman Le mandat de Sembène Ousmane. Les pouvoirs publics sont conscients qu’un retour à l’éthique dans nos sociétés passe par la revalorisation des traditions d’autant qu’elles sont à même de remobiliser les populations en leur fournissant des thèmes d’espérance ». Ce passage est évocateur de cette urgente nécessité de plus d’éthique et d’enracinement dans nos valeurs traditionnelles. L’opération « Epervier » au Cameroun en est une illustration patente. Le Président de la République a beau avoir les meilleures ambitions pour son pays, si dans l’inconscient de nos hommes politiques ou de ses proches collaborateurs gargouille encore l’idée de s’enrichir à milliards sur le dos de l’Etat et au détriment du peuple, le développement ne sera qu’une chimère derrière laquelle on courra en vain. Il nous faut changer fondamentalement de mentalité et faire de notre patriotisme une réalité, dans notre façon de vivre, de penser et d’agir.
Ces réflexions peuvent sembler utopiques, aériennes, chimériques et que sais-je encore pour certains, j’en suis persuadé. Mais à l’analyse, on devra bien se rendre à l’évidence de l’inopérabilité des systèmes politiques qui prévalent aujourd’hui en Afrique et qui font que, après cinquante années d’indépendance, nous en sommes encore à chercher les voies de l’émergence de nos fragiles sociétés qui se révoltent quelquefois, par-ci, par là, parce que ne voyant pas le bout du tunnel et perdant toute confiance en l’avenir. Nous en sommes à nous opposer mutuellement dans des luttes intestines souvent fratricides pour la conquête du pouvoir pour le pouvoir. Pendant ce temps, des questions lancinantes restent en suspend. Quels sont nos plans pour la Jeunesse africaine ? Doit-elle se résumer en litanies de vœux pieux pour mieux la maîtriser et l’endormir dans l’espérance de lendemains meilleurs ? N’est-il pas grand temps de faire table rase de tout ce qui plombe ses diverses initiatives, retarde le développement de nos pays et l’épanouissement de nos populations en général ? Oui, tout cela est bien possible ! Encore faudrait-il que nous ayons la ferme volonté politique de tout remettre en cause et donner enfin aux populations africaines le droit de rêver enfin d’une société meilleure. Dans cette quête, la Jeunesse aura un rôle majeur à jouer, elle qui aspire à une nouvelle voie pour sortir l’Afrique de l’ornière et ouvrir rapidement le grand portail de l’Espérance.

Théodor Dikongué Ekwalla
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