2012, le Sénégal ne mérite un Paul Deschanel bis : le président dérangé.

En dépit des volontés affichées de faire la transparence sur leur état de santé, les présidents de la République, ont, tout au long de leur mandat, eu tendance à cacher leurs maladies. Retour sur ce sujet tabou qui a valu tous les déboires au Pr. Mame Marie Faye. La France pays de référence en matière de démocratie n’échappe à ce débat, qui préoccupe à juste titre tout citoyen et tout républicain soucieux du devenir harmonieux de son pays. Pour mémoire revisitons ensemble ce sujet tabou dans la Veme république française. Le 2 avril 1974, Georges Pompidou décède, à 63 ans. Si les rumeurs couraient depuis des années sur son état de santé des plus fragiles, son visage avait fini par être déformé par la maladie, jamais ses services n’ont confirmé de son vivant qu’il était atteint de la maladie de Waldenström. La polémique née de ce tabou entourant l’état de santé des présidents, pousse Valéry Giscard d'Estaing, alors candidat âgé de 48 ans, à promettre de publier deux bulletins de santé par an. Un engagement de fait que ses successeurs réitéreront. François Mitterrand y compris. Elu en 1981, à l’âge de 64 ans, le président publie régulièrement des bulletins de santé. Des rumeurs de cancer circulent rapidement. Mais ce n’est que onze ans plus tard, alors qu’il doit être opéré d’un cancer de la prostate, que François Mitterrand se verra contraint de reconnaître que ces bulletins étaient erronés. En 1995, son successeur, Jacques Chirac (62 ans), prend donc lui aussi cet engagement. Dix ans plus tard, lorsqu’il est hospitalisé pour un accident vasculaire cérébral, l'Elysée officialise la nouvelle le lendemain.

«Si je suis élu, je m'engage à publier un bulletin de santé dès mon entrée en fonction, au moins deux fois par an ensuite, et plus si l'évolution de mon état de santé devait le justifier», avait à son tour déclaré Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007. S’il publie depuis effectivement des rapports de santé, ceux-ci n’ont aucunement mentionné, en octobre 2007, l’opération d'ablation d'un abcès à la gorge qu’il avait subi à l’époque. Cette intervention a en effet été révélée par les journalistes Denis Demonpion et Laurent Léger dans un livre consacré à Cécilia, l'ex-femme du président de la République, «Cécilia, la face cachée de l'ex-première dame». On comprend donc, que ce phénomène n’est pas seulement propre aux présidents africains. Cependant, en France jamais le sujet tabou n’a conduit un citoyen devant les juges tel le Pr. Mame Marie Faye et avant elle, l’ancien Premier ministre Idrissa Seck a eu à faire face à de telles accusations. L’état de santé du président Wade est une affaire de touts les sénégalais. Quant on invoque le secret médical à l’endroit du président de la république, pour des raisons d’Etat (stabilité, de sécurité), nous dit-on, on oublie que ce même président administre onze (11) millions de sénégalais. Qu’il dispose de toute l’administration sous ses ordres, qu’il est le chef suprême des forces armés et qu’il nomme à toutes les hautes fonctions de l’Etat, qu’il dispose des deniers publics à sa guise. Cet homme ou cette femme, doit incontestablement être en bonne santé et disposer de toutes ses facultés mentales mais pas ressembler à Paul Deschanel le président dérangé.

Or à quatre vingt six ans révolus, il est permit de douter de l’état de santé du président Wade. Que sa longévité et sa santé de fer soient héréditaires, tant mieux pour lui, mais son mandat de président de la république n’a jamais figuré dans son héritage par conséquent ce mandat n’est pas un patrimoine transmissible. Au moment où l’on festoie à Dakar pour une Afrique conquérante, une Afrique, responsable, bref, la Renaissance africaine, son initiateur, le président Wade cherche à installer le Sénégal dans un système féodal jamais vécu dans ce pays. Quel paradoxe, quelle contradiction et quel contraste, entre ce discours panafricaniste et cette posture de Pharaon absolu régnant sur toute l’Afrique. La Renaissance africaine passe incontestablement par un renouvellement démocratique de la classe politique mais non par le rétablissement des « Bourba, Damel, Almamy ». Il va s’en dire que ces nombreux hommes politiques dont Abdoulaye Wade, qui ont courageusement participé à l’émancipation des colonies dans les années 50 à 60, doivent aujourd’hui comprendre que présentement, les objectifs, les visions, les démarches ne sont plus les mêmes, pour cette jeunesse intelligente et opérationnel que regorge l’Afrique. Au moment où en Europe, aux USA, dans les grandes démocraties, ces pays développés, la moyenne d’âge des dirigeants est de 55 à 60 ans, l’Afrique, tout en revendiquant son génie, son histoire si riche, sa place dans la cours des grands, marche à reculons avec des dirigeants octogénaires voir centenaires. Ne dit-on pas en ouolof « magate doyna fébare » c'est-à-dire «la vieillesse suffit comme maladie» ? N’oublions jamais que (11) onze millions de sénégalais dépendent des décisions prises par le président Abdoulaye Wade, et que des traités entre nation, signés par le président Wade, engagent la République du Sénégal. Le plus vieux candidat aux USA était Ronald Reagan à 69 ans en 1981. Elu deux fois il termine son dernier mandat en 1989 à 77 ans.



Alioune Ndao Fall

Secrétaire national chargé de la Diaspora Apr.