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A la découverte de Serigne Mbaye, cheville ouvrière de la communauté sénégalaise en Chine

Rédigé par leral.net le Mardi 11 Juin 2019 à 09:48 | | 0 commentaire(s)|

Mandiaye Diop. Le nom vous dit quelque chose ? Une réponse par la négative ne serait point surprenante tant sa popularité ne dépassait guère le quartier des Hlm de Dakar. Sorti de l’anonymat à travers le tube « sañ sañ0 » du groupe Ceddo au début des années 2000, les paroles de la chanson renseignent néanmoins sur les qualités de l’homme, qu’elles auréolent du diadème de la générosité : « koo xamni da ngay am sa problème, muy réglé problème, ba dootoo amati problème, mandiaye joob no problem… » scandait la voix envoûtante de Khamdel Lo, avec une cadence mélodieuse qui faisait plus danser qu’écouter.


 

La communauté sénégalaise de Chine, tient son « Mandiaye Diop » en la personne de Serigne Mbaye. Qui n’a pas aperçu cette silhouette longiligne arpentant prestement les rues torrides de Guangzhou pour dénouer des situations on ne peut plus délicates ? Véritable banque des faveurs de la communauté selon l’expression consacrée de Paulo Coelho, son identité est sur toutes les lèvres tant l’homme séduit, fascine, intrigue, interloque, étonne et écarquille des yeux par sa disponibilité légendaire.

Un mystère que fait néanmoins sauter le verrou de l’évidence au su de ses attaches familiales. Chambellan de l’illustre Serigne Sam Mbaye, ayant côtoyé Serigne Modou Bousso Dieng Falilou, Serigne se considère tel un missionnaire dans la communauté. Le poste de chargé des affaires sociales de l’association des Sénégalais de Chine lui aura permis pendant longtemps, de bâtir un immense capital sympathie désormais mis à rude épreuve lorsqu’il décide d’entrer dans la mare à crabes que constitue la politique.

Tout de même, dans ses multiples facettes qui vont du guide religieux à l’opérateur économique en passant par le responsable de communauté ou encore le père de famille, Serigne chaque fois que de besoin, dans un calme toujours olympien, débusque les viatiques et vertus du type sénégalais arabisant, que l’intellectuel compatriote formé à l’occidental a toujours injustement snobé.

Pour les innombrables services connus, reconnus et méconnus rendus à la communauté, embouchons la trompette de Khamdel pour lui dire du fond du cœur et en chœur : « Mënuñulaa baña wëy, ndax yaa ngi seet lu baax nga diko diglé… ndax soxla mbër langak moom ma ca gënn muy bëré daan ngay ree, Serigne Mbaye yaay suñu mbër ! »

Entretien

Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs s’il vous plait ?

D’emblée, je tiens à vous transmettre mes salutations les plus chaleureuses. Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour vous féliciter d’abord et vous encourager ensuite pour le magnifique travail que vous êtes en train d’accomplir et qui a fait le tour du monde. Votre media est d’autant plus utile qu’il s’insère dans la modernité avec l’application android qui permet de s’informer en temps réel tout en vaquant à ses occupations. Je m’appelle Serigne Mbaye et j’habite à Louga, Keur Maam Cheikh Mbaye plus précisément. Je suis venu en Asie en décembre 2006. Installé ici depuis lors, j’ai pu ouvrir un bureau. Je me définis comme un marabout – businessman (éclats de rire) !

Il est connu que la Chine est un pays de commerce. Pouvez-vous nous dire concrètement quels sont les services que vous offrez ?

(Il se redresse) Nous faisons de l’import-export. La plupart de nos clients viennent certes du Sénégal, mais aussi de la sous-région (Mali, Gambie…) et également d’Europe. Ils viennent pour s’approvisionner en marchandises. Le client peut directement se rendre au marché pour l’achat des produits dont il a besoin et auquel cas, nous pouvons par la suite lui offrir un service de chargement. Il s’agira de lui permettre de stocker ses marchandises dans notre entrepôt jusqu’au moment de charger ses marchandises dans le conteneur.

L’autre portefeuille de services possibles, c’est de lui affecter un guide qui se chargera de lui montrer les bagages dont il a besoin. Dans ce cas-ci également, nous pouvons lui réserver un conteneur en cas de besoin ou alors un groupage. Par ailleurs, nous faisons un service de frêt aérien vers Dakar avec une fréquence hebdomadaire (chaque vendredi). Ainsi, les clients pressés peuvent disposer de leurs marchandises en une semaine. Notre entreprise s’appelle Darou Mbaye Trading Company, en hommage à notre village d’origine.

Comment analysez-vous l’évolution du trading depuis votre arrivée en 2006 ?

Il y a une énorme différence entre 2006 et maintenant. A l’époque, l’environnement des affaires était meilleur pour plusieurs raisons. D’abord, le change se faisait à un taux jamais égalé. Voyez-vous, 1 euro équivalait à 11 yuans alors qu’aujourd’hui, il équivaut à 7 yuans. Cela se répercute sur le pouvoir d’achat du client qui diminue. Ensuite, les autres charges ont beaucoup augmenté. Qu’il s’agisse du recrutement d’employés chinois ou de la location du bureau. Enfin, il y a l’inflation des prix des marchandises. Tous ces changements font qu’il devient plus difficile de s’en sortir mais il faut prendre cela avec philosophie, en comprenant que c’est cela la réalité des affaires et que voyager constitue une épreuve divine.

Toutefois, êtes-vous en train de réfléchir sur des voies et moyens de pouvoir adopter des stratégies de résilience face à ces chocs ?

Absolument ! Nous avons toujours tenté des choses comme nous regrouper sous une même bannière pour nos réservations de conteneurs afin de pouvoir bénéficier de ristournes à la fin de l’année. Par contre, il faut reconnaître que cela n’a jamais fonctionné. Vous savez, ceci constitue une maladie chez les Sénégalais. Regardez la communauté libanaise comme elle est soudée ! Dès que quelqu’un décide d’ouvrir un restaurant par exemple, il a à ses côtés plusieurs autres partenaires potentiels.

Par contre, chez nous, cela ne se fait pas en général. A titre personnel, je ne me décourage pas de pouvoir un jour unir les Sénégalais autour d’une structure. Cela permettra à chaque acteur de tirer son épingle du jeu, car aucun d’entre nous n’a un volume pouvant lui permettre de bénéficier de ristournes des compagnies maritimes. Il est nécessaire dès lors de mutualiser nos ressources.

L’autre chose, c’est que nous songeons à notre retour au pays. Comme vous le savez, le voyage permet d’acquérir soit du capital ou de l’expérience. Notre séjour asiatique nous a permis d’effectuer un excellent benchmarking. Tenez, saviez-vous qu’à ce jour, nous importons même du cure-dents en très grande quantité alors que notre pays dispose de la matière première que constitue le bois en grande quantité. Il en est de même pour le coton – tige, les tasses à jeter et ces produits sont les plus dérisoires.

Dès lors, notre défi est de trouver des partenaires chinois qui pourront nous accompagner dans ce retour au bercail. Il faut comprendre que l’ère d’importer des produits finis et de ne se confiner qu’à la vente, est en train d’être révolue. Il nous faudra donc commencer à envisager l’exportation de produits locaux. Nous avons de la mangue qui pourrit en grande quantité par exemple. Nous avons d’autres produits comme l’arachide, le poisson…

Un jour, le maire de Canton nous avait expliqué la disposition des Chinois à acheter tous ce que nous leur proposerions. Dès lors, à charge pour nous de corriger la détérioration des termes de l’échange. Cela nous permettrait de lutter efficacement contre le chômage. Ma conviction est que chacun d’entre nous devrait pouvoir mettre en place une structure qui emploierait au moins 50 personnes au Sénégal. Ainsi, notre jeunesse n’emprunterait plus des pirogues de fortune vers l’Europe, au péril de sa vie.

Il est connu que la communauté malienne en Chine a relevé le défi d’unité autour du regretté Ibrahim Soungalo (paix à son âme) depuis longtemps. Dès lors, si les Sénégalais en sont encore au stade de balbutiement, ne faut-il pas rechercher la cause dans l’association qui, selon d’aucuns, plombe toute action fédératrice ?

(Il se redresse) C’est effectivement vrai que les autres communautés nous ont damé le pion sur ce point. Voyez-vous, un Malien peut se permettre le luxe de prendre une journée entière à se prélasser dans une cafétéria car il sait qu’à la fin du mois ou de l’année, il y a une bonne ristourne qui l’attend. Idem pour les Mauritaniens. Par contre, vous me permettrez de lever l’équivoque consistant à engager la responsabilité de l’association dans cette impasse.

L’association n’a pas pour vocation d’effectuer des activités commerciales. C’est aux Sénégalais de s’unir autour de l’essentiel. Je suis ici depuis 13 ans mais je n’ai pas encore vu quatre Sénégalais réussir à faire des choses ensemble. Au contraire, chacun préfère rester dans son bureau, préférant être un général dans une pirogue plutôt qu’un matelot sur un paquebot. Alors que si on le faisait, la plupart de nos problèmes cycliques seraient résolus de fait. Tout de même, je dois avouer que l’association n’a toujours pas réussi à fédérer tout le monde. Mais enfin, des changements majeurs sont en vue, à la prochaine assemblée générale.

Quel est votre rôle dans l’association ?

J’en suis le vice-président, chargé des affaires sociales. J’essaie dans la mesure de mes moyens financiers et de mes connaissances, de servir la communauté. Le grand érudit El Hadj Malick Sy avait conseillé à tout émigré, de faire connaissance avec les personnes responsables du pays d’accueil : médecin, imam, homme de loi… J’ai le privilège d’avoir su tisser un vaste réseau d’amis avec bon nombre d’autorités d’ici grâce à ce conseil de Maodo. Dès mon arrivée, j’ai eu la chance de connaitre l’imam de la grande mosquée

Sahad ibn abbil waqqass qui est devenu mon ami. Lorsque les musulmans africains de la ville ont voulu disposer de la mosquée pour faire le hayaamu Leyli 1 pendant le mois de ramadan par exemple, il leur a dit que la seule venue de Serigne aurait suffi pour que j’accepte. Il me voue beaucoup d’égards en m’informant de l’actualité de la communauté musulmane d’ici. Il m’a même envoyé des laveurs de mort chaque fois que de besoin.

Dans le domaine médical aussi, j’ai des relations avec des médecins traitants dans beaucoup d’hôpitaux. Il est arrivé que je leur recommande des patients de la communauté selon le type de la maladie. Je peux donner l’exemple récent d’un commerçant sénégalais qui a eu une chute a l’aéroport à 03h du matin. Me considérant comme un missionnaire dans la communauté, je n’éteins jamais mon téléphone.

Lorsque le préposé a l’enregistrement des bagages m’a informé de l’impossibilité qu’il embarque du fait de son état de santé, je leur ai recommandé un hôpital non loin de l’aéroport où j’ai une connaissance. Par la grâce de Dieu, il a pu bénéficier de soins idoines jusqu’à son retour au pays au moment opportun. Nous nous sommes jamais rencontrés et n’avons échangé que par téléphone. Des exemples de ce genre sont foison, avec des cas de femmes enceintes ou autre chose. Parfois même, il arrive que je n’aie pas de moyens de transport pour me rendre au lieu indiqué mais Allah dans Son Grand Voile de Pudeur (Suturë2), nous assiste de mille manières.

C’est pour cela que je mets toujours une réserve dans la programmation des déplacements professionnels avec les clients, car il peut arriver par exemple qu’entre-temps, un appel m’informe d’une personne dans les mailles de la police et à partir de ce moment, je ne suis plus tranquille jusqu’à ce que son problème soit solutionné. Voyez-vous, je ne suis jamais resté 10 jours francs sans me rendre dans un des quatre commissariats des alentours. Ils me connaissent tous au point parfois de me recommander des personnes en situation irrégulière !

On ne reste pas un mois sans que des policiers ne confisque 3 à 6 passeports et que j’aille négocier pour les récupérer. Il faut bien comprendre que la législation d’ici est très sévère. Si vous êtes arrêté une première fois au motif de non enregistrement administratif, vous payez une amende de 2000 yuans. A la seconde arrestation, vous payez 10 000 yuans. A la troisième, vous êtes soit emprisonné ou tout bonnement refoulé. Mais vous savez, il y a beaucoup de jeunes ici et de commerçants qui logent dans des appartements qui ne peuvent dûment les enregistrer. Donc ils sont dans un jeu de cache-cache avec les policiers.

Dès lors, je suis obligé d’user de mon influence pour les faire bénéficier d’enregistrements administratifs(registration) dans d’autres lieux. Je le fais d’autant plus qu’il s’agit de préserver la crédibilité de notre communauté. Récemment par exemple, j’ai été invité par le Service d’immigration de Canton à une réunion des responsables associatifs étrangers. Séance tenante, le service d’immigration a demandé à tous les africains de prendre exemple sur la communauté sénégalaise, car elle n’a aucun cas de séjour illégal (over stay), ni de cas de détention préventive. Toutefois, il faut reconnaitre que tout dernièrement, avec les quelques cas notés, notre prestige aux yeux des autorités chinoises a pris un coup.

Donc comprenez mon acharnement à servir notre communauté. Je puis dire en toute modestie que chaque année, je négocie le retrait d’une trentaine de de passeports confisqués par la police sans l’appui ni de l’ambassade, ni du consulat. Au-delà même du poste que j’occupe au sein de l’association, je considère ce travail comme une mission dont Dieu m’a investie.

Pourriez-vous nous dire ou énumérer vos réalisations concrètes après treize annees d’existence ?

Pour m’en limiter aux mandatures dont j’ai été membre de bureau, je puis dire que la majeure partie des réalisations concerne le volet social. Nous avons eu à rapatrier des corps sans vie aux frais de l’association et des bonnes volontés d’ici. Nous avons mis en place un fonds d’aide aux Sénégalais en séjour illégal ou ayant un différend avec la police ou étant malades. Une personne par exemple a été victime d’un incendie au cours duquel il a perdu ses biens. L’association l’a assisté de manière conséquente. Dans ce sillage, des étudiants ont pu même bénéficier de compléments de scolarité pour le paiement de leur semestre d’étude.

Il nous arrive même d’aider des personnes en difficulté dans d’autres pays du continent asiatique comme la Malaisie, Jakarta en Indonésie, Singapour et le Viêt-Nam. Je m’étais même déplacé personnellement jusqu’en Malaisie pour rencontrer l’Ambassadeur sénégalais qui s’y trouve, pour discuter avec lui sur un certain nombre de dossiers de ressortissants sénégalais en Asie. C’est à l’occasion de ce séjour qu’il m’avait demandé de sensibiliser les Sénégalais qui voulaient séjourner en Malaisie, de se munir d’un carnet de vaccination, d’une réservation d’hôtel, d’un ticket de retour et de l’argent de poche afin de pouvoir aider l’ambassade à les aider.

Toutefois, l’ensemble de ces aides s’effectuent en conformité avec le règlement intérieur. Au-delà de l’association, j’use de mon capital sympathie pour venir en aide aux nécessiteux. Par ailleurs, nous avons mis en place une coopérative d’habitat. A la venue du président de la République, nous l’avions rencontré pour l’entretenir des évolutions de la coopérative. Actuellement, nos cotisations valent une soixantaine de millions. L’objectif est de permettre à tout membre de pouvoir disposer d’un toit au moment de rentrer au pays. A ce jour, la coopérative constitue notre réalisation phare. De surcroît, durant les grandes fêtes de la communauté, l’association réunit les Sénégalais pour discuter avec eux.

Il nous arrive également de soutenir nos frères de l’association des étudiants à l’occasion des journées culturelles sénégalaises qu’elle organise annuellement pour célébrer la fête de l’indépendance du Sénégal en Chine. J’en profite d’ailleurs pour te féliciter pour l’immense travail que tu as accompli durant ton mandat. Nos relations avec les étudiants sont excellentes. Nous magnifions les activités que vous tenez chaque année ainsi que la rotation biennale des membres de votre bureau. Je le dis souvent aux membres de notre organisation : vous constituez une fierté pour la communauté.

Il n’est pas rare d’entendre des gens dire que les membres de l’association ne sont là que pour leurs propres intérêts, ce qui fait qu’ils ne veulent pas passer la main. Que répondez-vous à ceux-là ?

(Affirmatif)Ils ont tout faux ! Je parle sous ton contrôle, pour avoir été président d’association. Tenez, il n’y a aucun membre de notre bureau ayant bénéficié d’une quelconque aide de l’organisation. Tout au contraire, ils usent de leur temps et de leur énergie pour tenir des réunions. Il faut reconnaitre qu’à chaque assemblée générale, il n’y a pas d’autres prétendants à la présidence. C’est pour cela que la présidence est d’office reconduite.

Toutefois, des voix se sont levées pour dire clairement que tant que Moustapha Dieng le veut, personne d’autre ne sera élu président. Ce genre de déclarations péremptoires ne constituent-elles pas un frein à l’élan d’autres potentiels candidats surtout que d’aucuns ajoutent même que sa longévité est liée au fait qu’il est le principal argentier de l’organisation ?

Moustapha doit sa popularité à son éducation, ses bonnes manières, sa générosité à l’égard de la communauté. Rappelle-toi que nous avions saisi par lettre tous les autres Sénégalais sur le territoire chinois pour les informer de la tenue de notre assemblée générale. Seuls les étudiants nous avaient favorablement répondu en nous envoyant un membre dépositaire de leur confiance. Ils n’avaient pas de prétendants à la présidence. Tout compte fait, les prétendants n’ont qu’à se manifester à la prochaine assemblée générale. Il faut savoir que l’assemblée générale s’effectue sous la supervision du consulat général. Donc rien ne se fait en catimini.

Pour revenir sur la coopérative d’habitat, est-elle ouverte à toutes les couches de la communauté ?

C’est d’ailleurs une recommandation que le président de la République nous a faite lors de son dernier séjour à Pékin. Tout Sénégalais résident sur le territoire chinois peut en faire partie. La cotisation est de 300 rmb/mois. Il suffit de se munir de sa carte consulaire, de la carte de l’association des Sénégalais en Chine ainsi que du montant de l’adhésion qui est fixé à 200 Rmb. D’ailleurs, il y a déjà des étudiants qui en font partie.

Nous vous avons vu vous engager en politique aux côtés du pouvoir aux dernières élections. Quel en est le motif ?

Lors de sa dernière visite en Chine, le Président et moi avions eu une entrevue. Je lui avais exposé des doléances de mon village natal Darou Mbaye et il m’avait promis de nous aider. Au-delà de cela, je l’ai vu initier d’ambitieux projets dans le cadre de la coopération bilatérale entre nos deux pays. J’ai la conviction que nous serons des bénéficiaires de ces projets une fois réalisés.

C’est le lieu d’ailleurs de rendre un vibrant hommage à l’ancien Ambassadeur, le Général Fall Abdoulaye qui nous a permis de franchir un nouveau palier dans le cadre de notre coopération avec la Chine. L’actuel ambassadeur, Son Excellence M. Mamadou Ndiaye s’inscrit dans cette même dynamique, ce qui fait que le Président Xi Jin Ping a choisi Dakar comme première destination lors de son dernier périple africain.

Il faut également ajouter le fait que notre pays soit davantage prisé par les Chinois dans leurs choix de déploiement. Voilà autant de raisons qui m’ont poussé à soutenir le Président de la République pour sa réélection. Vous savez, il y a un hadith qui dit : « Hutbul watani minal imaani (aimer son pays fait partie de la foi.) » Certes des gens seront surpris car ils ne m’avaient jamais vu dans la politique auparavant. Mais enfin, en tant que patriote, je m’étais juré de le réélire ici avec la manière. Je sais en âme et conscience que n’eut été mon appui à Guangzhou, on allait le battre à plate couture ! Je tiens à préciser qu’aucun franc rond ne m’a été remis pour ce faire.

Des gens soutiennent que vous devez votre victoire à un achat massif de consciences avec des portes de bureaux de vote assiégés, exigeant la remise des autres bulletins moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Que répondez-vous à ces accusations qui n’ont pas eu de démentis publics à l’époque ?

Vous savez, entre ce que disent les gens et la réalité, il y a un grand fossé. Je suis sûr à 100% que vous qui êtes mon neveu, si je vous demandais votre carte, vous alliez me la donner au nom de nos rapports. Et d’ailleurs, ce n’est pas avec de l’argent que Serigne Mbaye pourrait convaincre des électeurs pour la bonne et simple raison qu’il n’en a pas et que le Président ne m’en a pas remis. Si toutefois il avait remis des fonds de campagne à d’autres personnes, cela n’a pas été déterminant dans le vote des électeurs. Comme fonds de campagne, je n’étais muni que de mon téléphone et de mes deux jambes pour faire du porte-à-porte et convaincre les gens.

Il se susurre même que 30 000 dollars sont venus de Dakar avec des nègres de service qui ne sont pas membres de la communauté comme Hakim Dieng & Cie, qui avaient pour mission de faire réélire leur candidat par tous les moyens au point de vouloir salir d’honnêtes personnes dans le strict accomplissement de leur travail.

Je condamne les mauvais propos d’où qu’ils puissent venir. Effectivement, j’ai eu des échos des agissements de ces jeunes et je ne les avais pas magnifiés à l’époque. Ce que je puis te jurer, c’est de n’avoir vu la couleur de cet argent. Tout comme toi, j’ai juste entendu parler de ces 30 milles dollars. Je suis à l’aise pour répéter cela urbi et orbi. Je puis vous dire quel que soit le montant qu’il aurait remis à qui que ce soit, il serait laminé n’eût été mon soutien. Maintenant, il faut comprendre que ce genre de propos pas du tout catholiques sont fréquents pendant la période d’une campagne électorale.

Tenez, des gens m’ont même lancé des piques en disant des propos du genre « lorsque deux ennemis jurés en viennent à cheminer ensemble… » mais je n’en ai pas tenu compte car mon seul objectif était de faire réélire le président de la République et par la grâce de Dieu, j’ai eu gain de cause.

Iriez-vous jusqu’à affirmer de manière catégorique que vous êtes l’artisan de la victoire de Macky Sall à Guangzhou ?

(Affirmatif !) Absolument ! C’est maintenant que d’autres voix se lèvent par voie de presse et autres réseaux sociaux pour revendiquer cette victoire. Mais chacun d’entre eux sait qui a fait quoi. Durant la campagne, des électeurs me montraient leur sympathie et affection au point de me dire que même s’il y avait une candidature à la députation au niveau de notre diaspora, nous allions faire tout pour que tu la remportes. D’autres m’ont même dit que si le choix du consul général obéissait à la logique du vote, personne d’autre que toi ne serait élu. Voilà autant de marques de considération. Vous savez, aucune des autorités sénégalaises d’ici ne rencontrent les délicats problèmes que je suis en train de rencontrer et de résoudre. S’ils sont véridiques, ils le reconnaitront si vous leur posez la question.

A présent que vous avez fait réélire le Président de la République, vous attendez-vous  à un retour d’ascenseur selon la conception que beaucoup de personnes ont de la politique ?

J’ai tantôt évoqué mon village natal Darou Mbaye sis à côté de Louga. J’aimerais que le Président nous soutienne sur les infrastructures de base dont les populations ont besoin : hôpital, énergie, route… Au-delà de cela, je suis ouvert à toute sollicitation du Président de la République au vu de mon expérience et de mon utilité dans la communauté. Toutefois, si je l’ai soutenu, c’est davantage par conviction au vu de son bilan qu’autre chose.

Vous êtes connu comme un proche de feu Serigne Sam Mbaye. Quels étaient vos rapports ?

(Voix tremblotante) Au-delà d’être mon grand-père, il était ma référence. Le nombre de personnes qui ont suivi le droit chemin grâce à ses prêches, est innombrable. J’ai été témoin oculaire de ses déplacements, parfois à des heures tardives, pour aller éclairer la lanterne de plus d’un en matière de sciences religieuses. C’est de lui que j’ai hérité cette habitude de servir son prochain quelle que soit l’heure. Il arrivait même que nous rejetions des demandes de conférence parce qu’il était hyper sollicité. Mais il fallait compter sur son obstination à servir à cet effet.

N’ayant pas son niveau de connaissance, j’essaie de perpétuer son legs en étant utile aux autres. Il est ma référence à tout point de vue. Il est le digne fils du Vénéré Ahmadou Kabir Mbaye, qui a toujours été utile à la communauté musulmane par son immense savoir, toutes confréries confondues. Il était l’ami de Serigne Abdoul Ahad Mbacké et de Serigne Abdoul Aziz Sy (paix à leur âme). Il m’a élevé dans la voie de l’islam, du soufisme et de Cheikh Ahmadou Bamba (qu’Allah soit satisfait de lui). Il nous a fait connaitre les grands érudits de notre pays : Cheikh Ahmed Tidiane, Cheikh Abdou Khadre Jeylani, Cheikh Oumar Foutiyou, Elhadj Malick Sy (qu’Allah soit satisfait d’eux tous !) Ecoutez, je ne peux continuez de parler de lui sinon… (voix cassée et pleine d'émotion !)

Quels sont vos rapports avec la communauté musulmane chinoise qui ne connaît pas le soufisme comme courant de l’Islam ?

J’ai connu l’imam Abdallah (Imam ratib de la grande mosquée de Canton) sur les rangées à l’occasion des prières à la mosquée. Nous sommes tellement devenus proches au point qu’un jour, il m’a dit que je suis le seul étranger qu’il visite chez lui. Il est à la fois mon ami et mon conseiller. Durant mon séjour ici, j’ai eu à convertir à l’islam, 4 Chinois. J’ai eu à réaliser aussi des mariages avec son soutien. Il m’a aussi présenté d’autres autorités musulmanes chinoises présentes dans d’autres villes de la Chine. Il m’associe à tout ce qui touche aux musulmans étrangers de Guangzhou.

Vous êtes également une figure emblématique du Dahira Mouride de Guangzhou. Quelle posture y avez-vous ?

Le Jewriñ3 Médoune Boye entretient avec moi le même type de relations qu’entretenaient Cheikh Ahmadou Bamba et Mame Cheikh Mbaye (paix à leur âme). A toutes les occasions, il sollicite mes prières avant le démarrage de la cérémonie. Il me voue un énorme égard que je lui rends toujours au nom de mon amour pour Serigne Touba. Au vu de la relation qu’entretenaient Serigne Touba et Mame Cheikh Mbaye (paix à leur âme), il est du ressort de tout descendant de Mame Cheikh, de s’investir corps et âme pour œuvrer pour Cheikh Ahmadou Bamba. Nous nous voyons tous les samedis pour vivre notre foi.

Quelles sont vos ambitions ainsi que vos réalisations dans la vulgarisation de la voie tracée par Serigne Touba Khadim Rassoul4en Chine ?

Vous savez, la Chine est un pays particulier. Il faut comprendre qu’ils n’appliquent pas le soufisme. En plus de cela, les rassemblements n’y sont pas autorisés. A chaque demande, ils demandent de se rendre à la mosquée. Il y a un Maggal5 qu’on a même failli annuler car les autorités voulaient que nous le fassions à la mosquée. Normalement, notre Daara6 devait être un lieu d’enseignement des humanités musulmanes à nos enfants. Malheureusement, les autorités ne nous le permettent pas.

Néanmoins, chaque année, nous apportons le addiya7 de Cheikh Ahmadou Bamba, celui de Mame Cheikh Ibrahima Fall et celui de Sokhna Diarra. Nous le faisons à l’occasion de chaque nouvel an chinois. La dernière mission que Cheikh Sidi Al Moukhtar nous avait donnée et que Cheikh Mouhamadou Mountakha a renouvelée, c’est la fourniture des parapluies devant couvrir l’esplanade et la cour de la grande Mosquée de Touba. La dahira8de Chine se charge de l’achat, du transport et de l’installation du matériel. Voici une réalisation phare de la dahira dans la voie.

Quels sont vos rapports avec les autres communautés religieuses sénégalaises de Chine ?

Vous savez, j’ai personnellement connu Serigne Abdou Aziz Sy. J’étais très jeune certes, mais je le voyais venir chez nous à Louga. Et je nourris un grand amour et une grande affection pour lui. C’est en toute logique que les mêmes types de relations existent entre les deux communautés religieuses d’ici. Il m’arrive des fois d’aller leur rendre visite. Vous savez, par la grâce de Dieu, nous avons réussi quelque chose d’unique dans la diaspora sénégalaise. En effet, toutes les confréries du Sénégal célèbrent ensemble la nuit du Mawlid9. Il en est de même pour la célébration de la nuit du destin. Il y a même des tidianes qui ont cotisé dans l’achat des parapluies. C’est le lieu de rendre hommage au président du Dahira Wakeur Cheikh10 Abdoulaye Diané, qui fait toujours prévaloir notre droit d’aînesse sur lui.

Rendons grâce à Dieu dès lors que nos rapports soient à l’image de ceux qu’entretenaient nos deux guides que sont Cheikh Ahmadou Bamba et Elhadj Malick Sy (paix à leurs âmes). Nous partageons et les joies et les peines qui s’abattent sur la communauté. Aux récitals de Coran, il est impossible de distinguer mourides et tidianes.

Quels sont vos conseils à l’égard de la communauté sénégalaise expatriée en Chine ?

Ce serait d’emblée de les inviter à plus de solidarité entre compatriotes. II nous faut plus d’entraide. Ce serait ensuite de les inviter à ne ménager aucun effort pour le strict respect de la législation du pays. Il leur faut comprendre que tout ce qui arrive à une personne détenant le passeport sénégalais engage automatiquement toute la communauté. Si par exemple un Sénégalais est blacklisté, automatiquement tout Sénégalais est mis sous surveillance policière. Si par exemple on te demande de t’enregistrer à la police dans les 24 heures qui suivent ton entrée sur le territoire chinois, franchement ce n’est pas trop demander. De même, pour ceux qui n’ont qu’un visa d’un mois, il leur faut commencer à se préparer à sortir du territoire 5 jours avant la date d’expiration. Quant aux étudiants, je les exhorte à redoubler d’efforts dans leurs études et à se départir de toutes les choses pouvant les détourner de leur voie. Que chacun se considère comme une vitrine du Sénégal.

Votre mot de la fin ?

Je vous remercie et vous encourage sur votre chemin. Restez comme vous êtes. Déwénëty9 à tous.

Entretien réalisé par Alhassane Diop

0lien du clip sañ sañ https://www.youtube.com/watch?v=0hoL2gKznoI

1hayaamu Leyli : prières surérogatoires que font les musulmans durant les nuits du mois béni de Ramadan

2Suturë : Mot walaf dérivé du nom de Dieu As-Sataaru (Celui qui voile par pudeur)

3Jewriñ : mot wolof qui veut dire responsable (chef de file)

4Khadim Rassoul : Littéralement signifiant serviteur du Prophète, titre mystique délivré au Saint Cheikh Ahmadou Bamba du Sénégal

5Maggal : Evènement religieux majeur du Sénégal également célébré un peu partout dans le monde par la communauté mouride marquant le retour de 7 ans d’exil de Cheikh Ahmadou Bamba

6Daara : Mot walaf signifiant medersa.

7addiya : sorte de dîme généralement remise par le disciple à son marabout

8dahira : sorte d’organisation communautaire de base regroupant les disciples d’une même confrérie

9Mawlid : Célébration de la naissance du Prophète Mohamed (PSL)

10Dahira Wakeur Cheikh : nom du dahira des tidianes de Chine


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