Quel commentaire faites-vous des informations faisant état d'une tentative de putsch contre votre personne pour le contrôle du M23 ?
Le voeu le plus profond, aujourd'hui, des gens du pouvoir, c'est de casser le M23. Tout un travail est en cours pour faire imploser le mouvement, mais ceux qui caressent le rêve de la disjonction des forces vives n’ont qu’à déchanter. La société civile est dans son rôle en résistant contre la violation de la Constitution par le Président de la République. Comme ça a été le cas au Bénin, au Niger, en Guinée-Conakry et à Abidjan. Nous sommes dans notre rôle. Le jour où le Président de la République va renoncer à violer la Constitution par un troisième mandat qui n'est pas constitutionnel, ce jour-là, nous retournerons à nos préoccupations habituelles. Maintenant, je pense que ce n'est même pas la peine de répondre à ce genre d'article qui n'apporte absolument rien. Au contraire, je pense qu'ils ont renforcé l'unité, la cohésion et la vigilance des membres du M23.
On vous prête de plus en plus des ambitions présidentielles...
Nous, nous sommes très clairs dans notre tête. Nous n'avons pas d'ambitions présidentielles. Nous n'avons pas vocation à conquérir le pouvoir. Et pour qui connaît Alioune Tine, s'il avait une ambition présidentielle, je vous assure qu'il l'exprimerait de la manière la plus claire et la plus nette. On est bien là où on est dans la société civile.
Jusqu'où compte aller le M23 dans sa croisade contre un troisième mandat de Me Wade, si l'on sait que ce dernier a dit que personne ne peut l'empêcher de se présenter en 2012 ?
Jusqu'ici le Président Wade et ses partisans n’ont pas su faire une lecture correcte des événements du 23 juin. Le Président est dans une bulle et son gouvernement manque de courage et de sens politique. Et c’est pour cela, qu'en dépit de multiples signaux annonciateurs de crise, ils n’ont pas su voir venir les événements du 23 juin. L’arrogance, la morgue et le mépris qu’ils affichent pour le peuple expliquent le modus- operandi choisi pour faire passer leur réforme constitutionnelle en ignorant superbement toute concertation avec les acteurs concernés, avec le peuple, mais avec leur propre parti. Le 23 juin marque un changement profond de paradigme dans la trajectoire historique, démocratique et politique du Sénégal. Personne n’a prévu son caractère soudain, son ampleur, ni la surprenante détermination de la jeunesse. Une manifestation inédite par son caractère populaire, sa spontanéité, son organisation réalisée dans l’urgence. Une véritable tempête dans un contexte politique jusqu’ici morose. Le M23 va utiliser tous les moyens légaux, démocratiques et non-violents pour empêcher Wade d’être candidat. Tout cela constitue le résultat de deux logiques concomitantes : la première est l’indignation consécutive à la saturation des frustrations de toute nature au Sénégal, résultant de la dérégulation des institutions, de la gabegie, de la corruption, de l’impunité, d’actes violents et d’actes de tortures. Tout cela est ressenti profondément par la majorité des Sénégalais comme de nouvelles formes d’actes de tyrannie et d’oppression qu’on ne croyait plus possibles au Sénégal après l’Alternance de 2000. La deuxième logique est celle de l’émergence et la construction d’une conscience citoyenne qui irrigue largement, depuis quelques années, les discours, les pratiques et les actions de beaucoup d’organisations et d’associations de toutes natures, sans compter les échos les plus retentissants des valeurs et principes de la citoyenneté et de la République, de l’éthique et de la responsabilité qui parviennent d’intellectuels, de musiciens et d’artistes. Tout cela a été remarquablement ramassé par le mouvement "Y' en a marre". À tout cela, on peut ajouter, aussi, les signes précurseurs d’un raz le bol par les formes paroxystiques de contestations politiques jusque-là inédites au Sénégal, exemple des immolations par le feu devant le Palais de la République. De plus que la jeunesse sénégalaise arrête de régler ses problèmes par la fuite, l’exil ou l’immigration en Occident, change totalement la donne dans leur vision des enjeux nationaux et de la manière de les régler. D’où l’émergence d’un nouveau paradigme est le fruit de la construction en cours de ce que certains appellent le nouveau type de Sénégalais et que nous à la Raddho qu’on promeut comme la citoyenneté responsable. Ce n’est pas un hasard, si la mobilisation de la jeunesse sénégalaise constitue l’enjeu fondamental du changement social, démocratique et politique dans ce pays.
Quelle place pour Bennoo Siggil Senegaal dans le M23?
Le M23 est une nouvelle «chose» qui émerge après deux événements fondamentaux dans ce pays. Les Assises nationales qui constituent un grand moment de réflexion et de concertation qui a impliqué les partis politiques, la société civile, les intellectuels et les scientifiques de ce pays; et les événements historiques du 23 juin qui ont véritablement mobilisé le peuple sénégalais. Il ne faut absolument pas se tromper du M23 qui n’est ni l’opposition politique, ni la société civile, ni les mouvements citoyens. Ce sont les forces vives de la nation qui aujourd’hui incarnent les aspirations les plus profondes à la responsabilité citoyenne, à l’éthique de pouvoir, autrement dit à un changement qualitatif de gouvernance et de démocratie et un changement qualitatif du comportement citoyen par la mise en œuvre des principes républicains et citoyens dans le sens fort du terme. Les 117 organisations que constituent le M23 ont le loisir de dérouler leur agenda comme elles l’entendent, selon leur mandat et leur mission. Ce qui nous unit, c’est notre réprobation totale et notre ferme opposition à un troisième mandat du Président Abdoulaye Wade qui viole la Constitution du Sénégal. Le plus scandaleux, c’est que l’intéressé est totalement conscient du caractère anticonstitutionnel de son acte et des dangers qu’il constitue pour la paix et la sécurité de ce pays et de la sous-région. Le deuxième axe qui nous unit, c’est la lutte pour un processus électoral consensus, transparent et apaisé. Si effectivement le M23 réussit ces deux missions fondamentales, et tous les moyens seront mis en œuvre pour cela, je pense qu’on pourra dans l’avenir créer les conditions de la mise en place d’un Observatoire national de la démocratie et de la gouvernance.
Le M23 est en passe de ravir la vedette à Bennoo qui peine toujours à trouver un candidat unique. Peut-on s'attendre à ce que le M23 présente un candidat à la présidentielle ?
Le M23 n’est pas là pour désigner un candidat à la présidence de la République, parce que la presque totalité des candidats à la présidence de la République sont membres du M23. Le M23 ne va pas s’immiscer dans les affaires des partis, des candidats et des coalitions. Ce que je puis vous assurer, c’est que la jonction des différentes forces que composent le M23 fait terriblement peur. Le séminaire du 13 août dernier a été une belle occasion pour renforcer les liens de confiance, les acquis engrangés dans la lutte par les différentes commissions et les structures du M23.
Me Wade ne semble toujours pas avoir abandonné son projet de dévolution monarchique du pouvoir...
La dévolution monarchique du pouvoir, c’est fini. Elle a été d’abord réglée par les élections municipales de mai 2009, et définitivement enterrée par le peuple sénégalais le 23 juin dernier. Que le Président Abdoulaye Wade rêve et travaille à ce que son fils devienne un Président, c’est son droit le plus absolu, mais les événements récents viennent de lui rappeler que les Sénégalais sont viscéralement attachés à la République.
Quelle est aujourd'hui la situation des droits de l'homme au Sénégal ?
La situation des droits de l’homme au Sénégal n’est pas du tout reluisante, comme vous le constatez vous-même; sans être exhaustif, on peut constater, depuis une dizaine d’années, qu'il y a une réelle dérégulation des institutions de la République (Parlement, justice, administration etc.). Depuis dix ans, la pratique de la torture et l’impunité dont jouissent les tortionnaires ont fini de convaincre certaines organisations de droits humains comme Amnesty International que le Sénégal est devenu une terre d’impunité. Les institutions qui s’occupent des crimes économiques comme la Cour des comptes ont beau épingler des ministres et de hauts responsables de l’État de fautes de gestion plus ou moins graves, aucune suite n’est donnée à ces actes. Pires, certains ministres sont reconduits à leur poste comme si de rien n’était. On assiste ici à la promotion d’anti-valeurs et à une inversion des normes d’éthique et de responsabilité qui ont beaucoup joué dans la montée des colères et indignations partout et dans l’impopularité du régime actuel. L’un des problèmes les plus préoccupants pour la Raddho, c’est la faible protection des droits de l’enfant. Tout d’abord avec le cas de la mendicité dont l’une des formes est apparentée aux formes modernes et contemporains de l’esclavage. Ce qui a valu au Sénégal un vrai coup de semonce des États-Unis à la suite de la publication du rapport de Human Rights Watch sur les Talibés. En dépit des résolutions des réunions interministérielles, des conseils présidentiels sur la question, il n’existe pas de vision et de stratégie cohérentes pour en finir avec le phénomène, même s’il faut reconnaître une baisse sensible du phénomène. La deuxième question est relative à la protection des jeunes filles contre une forme de pédophilie plus ou moins socialement acceptée contre laquelle il faut véritablement se mobiliser, car elle a pour conséquence de violer un droit fondamental des enfants, notamment le droit à l’éducation, le viol persistant des jeunes filles et la prostitution des filles mineures souvent dus à l’extrême pauvreté et la misère dont souffrent silencieusement certaines populations des banlieues de Dakar et des villes balnéaires et touristiques du Sénégal.
Quels sont les autres droits bafoués au Sénégal ?
Les droits les plus bafoués au Sénégal sont le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à une alimentation de qualité (bien qu’on ne souffre pas de famine au Sénégal), le droit au logement. Il faut souligner la récurrence du problème lié à la question foncière sur toute l’étendue du territoire, le droit à un environnement saint, notamment celui de jouir des bienfaits de la mer avec la privatisation du littoral et du domaine maritime : il n’existe plus de plages pour les populations dakaroises. Mais, les choses les plus graves constituent l’affaiblissement, voire le dépérissement des institutions des droits de l’homme avec la disparition du ministère des droits de l’homme, sans compter la quasi-inexistence du comité sénégalais des droits de l’homme snobé et oublié par le Président et son gouvernement; en dépit des efforts énormes que déploient le Coordonnateur et ses collaborateurs pour exister. La persistance de la situation de ni guerre ni paix en Casamance fait de ce conflit, le conflit de basse intensité le plus long du continent avec les graves dommages collatéraux qui ont pour noms exécutions sommaires, pillages, exils forcés et viols. Par-dessus tout, le fait le plus humiliant pour tous les Sénégalais, c’est le fait pour le président de la République de persister à briguer un troisième mandat dont il est totalement convaincu du caractère anticonstitutionnel. C’est humiliant pour un intellectuel et un homme politique qui a contribué tout au long de son combat dans l’opposition, à promouvoir la démocratie. C’est humiliant pour les Sénégalais qui, depuis 1974, date du démarrage du processus multi partisan post-colonial, et qui, jusqu’en 2000, ont fini de faire de notre pays une exception démocratique sur le continent. Aujourd’hui, les diplomates sénégalais dans la plupart des institutions régionales et internationales gardent le profil bas, s’ils ne rasent pas les murs du fait de la dégradation de l’image du Sénégal, liée au troisième mandat et à la dévolution du pouvoir. Il faut rappeler que tout n’est pas noir, le paysage médiatique s’est véritablement enrichi, la liberté d’opinion, d’expression et d’association sont une réalité au Sénégal, même si la Dic, par moments, joue la police des idées.
Qu’en est-il du dossier de votre agression du 23 juin dernier ?
Le dossier est entre les mains de la justice, nos avocats s’en occupent. À la suite de mon agression du 23 juin dernier, j’ai été auditionné de même que mon collaborateur Oumar Diallo et mon garde du corps Souhayibou Sy. Nous avons mis à la disposition de la police des images qui montrent très clairement toutes les étapes de l’agression devant de multiples témoins dont certains ont eu le courage de nous secourir et de nous aider à échapper des mains des nazillons. Quant à l’enquête, elle est entre les mains de la Dic qui est une police d’élite qui, malheureusement, se mêle de temps en temps de questions politiques qui ne sont pas de son ressort. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une police républicaine et citoyenne imprégnée des valeurs et principes de l’État de droit et des droits humains. Nous espérons tout de même que la Dic va donner des résultats concrets, car nous les jugerons sur les résultats. On est tellement habitué à l’impunité dans ce genre d’affaire qu’on a tendance à baisser les bras. Mais vous pouvez compter sur nous pour pousser la justice, et tout particulièrement le Procureur, à faire ce qu’on attend de lui. La justice a intérêt à faire la lumière sur cette affaire, et je suis persuadé qu’elle le fera.
Propos recueillis par Barka Isma BA
Le Populaire
Le voeu le plus profond, aujourd'hui, des gens du pouvoir, c'est de casser le M23. Tout un travail est en cours pour faire imploser le mouvement, mais ceux qui caressent le rêve de la disjonction des forces vives n’ont qu’à déchanter. La société civile est dans son rôle en résistant contre la violation de la Constitution par le Président de la République. Comme ça a été le cas au Bénin, au Niger, en Guinée-Conakry et à Abidjan. Nous sommes dans notre rôle. Le jour où le Président de la République va renoncer à violer la Constitution par un troisième mandat qui n'est pas constitutionnel, ce jour-là, nous retournerons à nos préoccupations habituelles. Maintenant, je pense que ce n'est même pas la peine de répondre à ce genre d'article qui n'apporte absolument rien. Au contraire, je pense qu'ils ont renforcé l'unité, la cohésion et la vigilance des membres du M23.
On vous prête de plus en plus des ambitions présidentielles...
Nous, nous sommes très clairs dans notre tête. Nous n'avons pas d'ambitions présidentielles. Nous n'avons pas vocation à conquérir le pouvoir. Et pour qui connaît Alioune Tine, s'il avait une ambition présidentielle, je vous assure qu'il l'exprimerait de la manière la plus claire et la plus nette. On est bien là où on est dans la société civile.
Jusqu'où compte aller le M23 dans sa croisade contre un troisième mandat de Me Wade, si l'on sait que ce dernier a dit que personne ne peut l'empêcher de se présenter en 2012 ?
Jusqu'ici le Président Wade et ses partisans n’ont pas su faire une lecture correcte des événements du 23 juin. Le Président est dans une bulle et son gouvernement manque de courage et de sens politique. Et c’est pour cela, qu'en dépit de multiples signaux annonciateurs de crise, ils n’ont pas su voir venir les événements du 23 juin. L’arrogance, la morgue et le mépris qu’ils affichent pour le peuple expliquent le modus- operandi choisi pour faire passer leur réforme constitutionnelle en ignorant superbement toute concertation avec les acteurs concernés, avec le peuple, mais avec leur propre parti. Le 23 juin marque un changement profond de paradigme dans la trajectoire historique, démocratique et politique du Sénégal. Personne n’a prévu son caractère soudain, son ampleur, ni la surprenante détermination de la jeunesse. Une manifestation inédite par son caractère populaire, sa spontanéité, son organisation réalisée dans l’urgence. Une véritable tempête dans un contexte politique jusqu’ici morose. Le M23 va utiliser tous les moyens légaux, démocratiques et non-violents pour empêcher Wade d’être candidat. Tout cela constitue le résultat de deux logiques concomitantes : la première est l’indignation consécutive à la saturation des frustrations de toute nature au Sénégal, résultant de la dérégulation des institutions, de la gabegie, de la corruption, de l’impunité, d’actes violents et d’actes de tortures. Tout cela est ressenti profondément par la majorité des Sénégalais comme de nouvelles formes d’actes de tyrannie et d’oppression qu’on ne croyait plus possibles au Sénégal après l’Alternance de 2000. La deuxième logique est celle de l’émergence et la construction d’une conscience citoyenne qui irrigue largement, depuis quelques années, les discours, les pratiques et les actions de beaucoup d’organisations et d’associations de toutes natures, sans compter les échos les plus retentissants des valeurs et principes de la citoyenneté et de la République, de l’éthique et de la responsabilité qui parviennent d’intellectuels, de musiciens et d’artistes. Tout cela a été remarquablement ramassé par le mouvement "Y' en a marre". À tout cela, on peut ajouter, aussi, les signes précurseurs d’un raz le bol par les formes paroxystiques de contestations politiques jusque-là inédites au Sénégal, exemple des immolations par le feu devant le Palais de la République. De plus que la jeunesse sénégalaise arrête de régler ses problèmes par la fuite, l’exil ou l’immigration en Occident, change totalement la donne dans leur vision des enjeux nationaux et de la manière de les régler. D’où l’émergence d’un nouveau paradigme est le fruit de la construction en cours de ce que certains appellent le nouveau type de Sénégalais et que nous à la Raddho qu’on promeut comme la citoyenneté responsable. Ce n’est pas un hasard, si la mobilisation de la jeunesse sénégalaise constitue l’enjeu fondamental du changement social, démocratique et politique dans ce pays.
Quelle place pour Bennoo Siggil Senegaal dans le M23?
Le M23 est une nouvelle «chose» qui émerge après deux événements fondamentaux dans ce pays. Les Assises nationales qui constituent un grand moment de réflexion et de concertation qui a impliqué les partis politiques, la société civile, les intellectuels et les scientifiques de ce pays; et les événements historiques du 23 juin qui ont véritablement mobilisé le peuple sénégalais. Il ne faut absolument pas se tromper du M23 qui n’est ni l’opposition politique, ni la société civile, ni les mouvements citoyens. Ce sont les forces vives de la nation qui aujourd’hui incarnent les aspirations les plus profondes à la responsabilité citoyenne, à l’éthique de pouvoir, autrement dit à un changement qualitatif de gouvernance et de démocratie et un changement qualitatif du comportement citoyen par la mise en œuvre des principes républicains et citoyens dans le sens fort du terme. Les 117 organisations que constituent le M23 ont le loisir de dérouler leur agenda comme elles l’entendent, selon leur mandat et leur mission. Ce qui nous unit, c’est notre réprobation totale et notre ferme opposition à un troisième mandat du Président Abdoulaye Wade qui viole la Constitution du Sénégal. Le plus scandaleux, c’est que l’intéressé est totalement conscient du caractère anticonstitutionnel de son acte et des dangers qu’il constitue pour la paix et la sécurité de ce pays et de la sous-région. Le deuxième axe qui nous unit, c’est la lutte pour un processus électoral consensus, transparent et apaisé. Si effectivement le M23 réussit ces deux missions fondamentales, et tous les moyens seront mis en œuvre pour cela, je pense qu’on pourra dans l’avenir créer les conditions de la mise en place d’un Observatoire national de la démocratie et de la gouvernance.
Le M23 est en passe de ravir la vedette à Bennoo qui peine toujours à trouver un candidat unique. Peut-on s'attendre à ce que le M23 présente un candidat à la présidentielle ?
Le M23 n’est pas là pour désigner un candidat à la présidence de la République, parce que la presque totalité des candidats à la présidence de la République sont membres du M23. Le M23 ne va pas s’immiscer dans les affaires des partis, des candidats et des coalitions. Ce que je puis vous assurer, c’est que la jonction des différentes forces que composent le M23 fait terriblement peur. Le séminaire du 13 août dernier a été une belle occasion pour renforcer les liens de confiance, les acquis engrangés dans la lutte par les différentes commissions et les structures du M23.
Me Wade ne semble toujours pas avoir abandonné son projet de dévolution monarchique du pouvoir...
La dévolution monarchique du pouvoir, c’est fini. Elle a été d’abord réglée par les élections municipales de mai 2009, et définitivement enterrée par le peuple sénégalais le 23 juin dernier. Que le Président Abdoulaye Wade rêve et travaille à ce que son fils devienne un Président, c’est son droit le plus absolu, mais les événements récents viennent de lui rappeler que les Sénégalais sont viscéralement attachés à la République.
Quelle est aujourd'hui la situation des droits de l'homme au Sénégal ?
La situation des droits de l’homme au Sénégal n’est pas du tout reluisante, comme vous le constatez vous-même; sans être exhaustif, on peut constater, depuis une dizaine d’années, qu'il y a une réelle dérégulation des institutions de la République (Parlement, justice, administration etc.). Depuis dix ans, la pratique de la torture et l’impunité dont jouissent les tortionnaires ont fini de convaincre certaines organisations de droits humains comme Amnesty International que le Sénégal est devenu une terre d’impunité. Les institutions qui s’occupent des crimes économiques comme la Cour des comptes ont beau épingler des ministres et de hauts responsables de l’État de fautes de gestion plus ou moins graves, aucune suite n’est donnée à ces actes. Pires, certains ministres sont reconduits à leur poste comme si de rien n’était. On assiste ici à la promotion d’anti-valeurs et à une inversion des normes d’éthique et de responsabilité qui ont beaucoup joué dans la montée des colères et indignations partout et dans l’impopularité du régime actuel. L’un des problèmes les plus préoccupants pour la Raddho, c’est la faible protection des droits de l’enfant. Tout d’abord avec le cas de la mendicité dont l’une des formes est apparentée aux formes modernes et contemporains de l’esclavage. Ce qui a valu au Sénégal un vrai coup de semonce des États-Unis à la suite de la publication du rapport de Human Rights Watch sur les Talibés. En dépit des résolutions des réunions interministérielles, des conseils présidentiels sur la question, il n’existe pas de vision et de stratégie cohérentes pour en finir avec le phénomène, même s’il faut reconnaître une baisse sensible du phénomène. La deuxième question est relative à la protection des jeunes filles contre une forme de pédophilie plus ou moins socialement acceptée contre laquelle il faut véritablement se mobiliser, car elle a pour conséquence de violer un droit fondamental des enfants, notamment le droit à l’éducation, le viol persistant des jeunes filles et la prostitution des filles mineures souvent dus à l’extrême pauvreté et la misère dont souffrent silencieusement certaines populations des banlieues de Dakar et des villes balnéaires et touristiques du Sénégal.
Quels sont les autres droits bafoués au Sénégal ?
Les droits les plus bafoués au Sénégal sont le droit à la santé, le droit à l’éducation, le droit à une alimentation de qualité (bien qu’on ne souffre pas de famine au Sénégal), le droit au logement. Il faut souligner la récurrence du problème lié à la question foncière sur toute l’étendue du territoire, le droit à un environnement saint, notamment celui de jouir des bienfaits de la mer avec la privatisation du littoral et du domaine maritime : il n’existe plus de plages pour les populations dakaroises. Mais, les choses les plus graves constituent l’affaiblissement, voire le dépérissement des institutions des droits de l’homme avec la disparition du ministère des droits de l’homme, sans compter la quasi-inexistence du comité sénégalais des droits de l’homme snobé et oublié par le Président et son gouvernement; en dépit des efforts énormes que déploient le Coordonnateur et ses collaborateurs pour exister. La persistance de la situation de ni guerre ni paix en Casamance fait de ce conflit, le conflit de basse intensité le plus long du continent avec les graves dommages collatéraux qui ont pour noms exécutions sommaires, pillages, exils forcés et viols. Par-dessus tout, le fait le plus humiliant pour tous les Sénégalais, c’est le fait pour le président de la République de persister à briguer un troisième mandat dont il est totalement convaincu du caractère anticonstitutionnel. C’est humiliant pour un intellectuel et un homme politique qui a contribué tout au long de son combat dans l’opposition, à promouvoir la démocratie. C’est humiliant pour les Sénégalais qui, depuis 1974, date du démarrage du processus multi partisan post-colonial, et qui, jusqu’en 2000, ont fini de faire de notre pays une exception démocratique sur le continent. Aujourd’hui, les diplomates sénégalais dans la plupart des institutions régionales et internationales gardent le profil bas, s’ils ne rasent pas les murs du fait de la dégradation de l’image du Sénégal, liée au troisième mandat et à la dévolution du pouvoir. Il faut rappeler que tout n’est pas noir, le paysage médiatique s’est véritablement enrichi, la liberté d’opinion, d’expression et d’association sont une réalité au Sénégal, même si la Dic, par moments, joue la police des idées.
Qu’en est-il du dossier de votre agression du 23 juin dernier ?
Le dossier est entre les mains de la justice, nos avocats s’en occupent. À la suite de mon agression du 23 juin dernier, j’ai été auditionné de même que mon collaborateur Oumar Diallo et mon garde du corps Souhayibou Sy. Nous avons mis à la disposition de la police des images qui montrent très clairement toutes les étapes de l’agression devant de multiples témoins dont certains ont eu le courage de nous secourir et de nous aider à échapper des mains des nazillons. Quant à l’enquête, elle est entre les mains de la Dic qui est une police d’élite qui, malheureusement, se mêle de temps en temps de questions politiques qui ne sont pas de son ressort. Aujourd’hui, nous avons besoin d’une police républicaine et citoyenne imprégnée des valeurs et principes de l’État de droit et des droits humains. Nous espérons tout de même que la Dic va donner des résultats concrets, car nous les jugerons sur les résultats. On est tellement habitué à l’impunité dans ce genre d’affaire qu’on a tendance à baisser les bras. Mais vous pouvez compter sur nous pour pousser la justice, et tout particulièrement le Procureur, à faire ce qu’on attend de lui. La justice a intérêt à faire la lumière sur cette affaire, et je suis persuadé qu’elle le fera.
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