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Affaire des Dépôts à Terme : Amadou Bâ dans le viseur de la justice


Rédigé par leral.net le Mercredi 7 Mai 2025 à 15:01 | | 0 commentaire(s)|

Affaire des Dépôts à Terme : Amadou Bâ dans le viseur de la justice
La justice sénégalaise est déterminée à faire toute la lumière sur l’affaire explosive des Dépôts à Terme (DAT) « cassés » et non reversés au Trésor public, pour un montant faramineux de 141 087 194 249 FCfa. Cette affaire, révélée par le rapport 2019-2024 de la Cour des comptes, a été largement reprise par "L’Observateur", qui en détaille les contours, les protagonistes et les implications juridiques et financières. Un référé a été adressé au ministre de la Justice, Ousmane Diagne, impliquant plusieurs anciens ministres, dont Amadou Bâ, alors en charge de l’Économie, des Finances et du Plan.

Selon "L’Observateur", repris par "Senenews", le document confidentiel transmis par le Premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye, ne fait pas dans la demi-mesure. Rédigé sur un ton solennel, il égrène une série de faits précis et accablants, susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales. En annexe, des pièces sensibles ont été jointes, incluant des relevés bancaires, des lettres administratives et des protocoles d’accord impliquant directement des ministres et hauts fonctionnaires. Toujours selon "L’Observateur", l’élément le plus inquiétant est la fréquence avec laquelle les Dépôts à Terme ont été « cassés », c’est-à-dire retirés avant leur échéance, sans reversement dans les caisses du Trésor.

Le cas d’Amadou Bâ, ancien Premier ministre et ex ministre des Finances, est particulièrement mis en lumière par "L’Observateur". Il est cité à plusieurs reprises dans les courriers officiels qui ont conduit à l’ouverture de ces comptes litigieux. L’un des exemples les plus parlants figure dans la lettre n°579 MEFP/DGCPT/TG du 30 juin 2016, signée par lui. Cette correspondance autorise un dépôt de 4,107 milliards FCfa, à un taux d’intérêt de 3,5 % par an, sans préciser l’objet de l’opération. D’après "L’Observateur", la BRM, interrogée par la Trésorerie générale, a indiqué que ce dépôt avait été utilisé pour rembourser l’escompte d’un billet à ordre, sans validation du circuit réglementaire.

L’enquête s’étend également à Cheikh Tidiane Diop, ancien Directeur général du Trésor et Secrétaire général du ministère des Finances. "L’Observateur" rapporte qu’une lettre signée par ce dernier, datée du 3 juin 2015 (réf. n°00042), fonde un autre DAT de 6,525 milliards FCfa, sur la base d’un protocole d’accord entre l’État du Sénégal, la Sonatel et la BRM. Là encore, la Cour des comptes note de graves irrégularités, notamment l’absence de justification formelle sur l’utilisation de ces fonds.

La situation prend un tour encore plus préoccupant, lorsque "L’Observateur" révèle que des Dépôts à Terme ont été instruits à être virés à des tiers, sur ordre direct des ministres ou ministres délégués, en contournant les comptables publics, légalement habilités à manier les deniers de l’État. Ce mode opératoire va à l’encontre des dispositions de l’article 125 du décret n°2011-1880 du 24 novembre 2011, portant Règlement général sur la Comptabilité publique. Cet article stipule sans équivoque, que seuls les comptables de deniers et de valeurs peuvent effectuer des mouvements sur les fonds publics.

L’implication de plusieurs hauts fonctionnaires est également évoquée par "L’Observateur", qui mentionne l’ombre encore floue du Trésorier général de l’époque, dont l’identité reste à préciser, du fait de multiples nominations successives au poste entre 2015 et 2020. Selon les documents annexés au référé, le rôle de ce Trésorier général pourrait être crucial dans l’autorisation ou la validation tacite de ces opérations financières non conformes.

Toujours d’après "L’Observateur", le ministère de la Justice, désormais saisi, pourrait diligenter des enquêtes approfondies sous peu. Le parquet national financier devrait être mobilisé pour analyser les responsabilités individuelles, notamment en ce qui concerne la manipulation directe de fonds publics, en dehors des cadres légaux.

Le quotidien "L’Observateur" indique également que l’affaire ne concerne pas uniquement les personnes physiques. Des banques commerciales, comme la BRM et d’autres établissements non encore nommés, pourraient être entendues pour déterminer leur degré de complicité ou de négligence dans la gestion des Dépôts à Terme litigieux. Certaines d’entre elles auraient accepté, sans requérir de contreseing du Trésor, d’effectuer des mouvements sur les DAT, à la demande de membres de l’exécutif.

Autre révélation majeure faite par "L’Observateur" : l’existence d’un mécanisme de contournement systématique de la procédure budgétaire. Certains ministres auraient donné des ordres directs aux banques, pour financer des dépenses non inscrites dans les Lois de Finances, mettant ainsi l’État en situation de responsabilité budgétaire illégale. Un fonctionnement jugé « gravissime » par un magistrat cité sous anonymat par le journal.

Enfin, "L’Observateur" attire l’attention sur un point central du référé : le caractère inaliénable et indélébile des deniers publics. Le rapport insiste sur le fait que ces fonds ne peuvent être considérés comme utilisés ou consommés, que s’ils ont servi à éteindre une dette publique régulière. Toute autre utilisation constitue une infraction comptable grave, voire un détournement de fonds publics.

Ce scandale, dont l’onde de choc ne fait que commencer, remet au cœur du débat sénégalais, la transparence dans la gestion des finances publiques. "L’Observateur", qui a eu accès à des pièces exclusives du dossier, annonce dans ses prochaines éditions, de nouvelles révélations sur d’autres transactions occultes, impliquant des personnalités encore en fonction.

Mame Fatou Kébé