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Affaire du présumé homosexuel déterré et brûlé : Débuts brûlants pour Sidiki Kaba et Aïssata Tall Sall

Notoirement engagé dans la société civile, Sidiki Kaba, 73 ans, est monté en grade au point d’accéder à la présidence de la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’homme, à 51 ans, à l’issue du 34e congrès, en janvier 2001. Ministre de l’Intérieur, le voilà confronté avec sa collègue Aïssata Tall Sall, avocate de renom, à une délicate affaire d'un présumé homosexuel, déterré puis brûlé. Ils sont tous les deux épiés par l’opinion.


Rédigé par leral.net le Lundi 30 Octobre 2023 à 19:50 | | 0 commentaire(s)|

Affaire du présumé homosexuel déterré et brûlé : Débuts brûlants pour Sidiki Kaba et Aïssata Tall Sall
Les deux ministres de la Justice, Aïssata Tall Sall et de l’Intérieur Sidiki Kaba démarrent sur des braises. L’affaire du présumé homosexuel, exhumé, traîné dans la rue puis brûlé, met aux devants ces deux départements du tout nouveau gouvernement. La foule s’est, vraisemblablement donnée à cœur à joie, dans cette scène d’horreur, sans être interpellée par les forces de sécurité. Nulle part, il n’a été fait état de l’intervention des forces de défense et de sécurité, pour stopper l’effroyable calcination du corps exhumé.

La dépouille du défunt Ch. Fall avait été, d’abord transportée à Touba, pour y être inhumée. L’enterrement n’a pu se faire. Dans la cité sainte, au cimetière de Bakhiya, les transporteurs du corps se sont heurtés à l’opposition des gardiens du cimetière. Ils avaient été, semble-t-il, informés de l’arrivée de la dépouille de Ch. Fall, en provenance de Kaolack. La délégation se résout alors à se rendre à Ndangane, dans la périphérie de la commune de Kaolack. Là, décision a été prise d’inhumer le mort à son domicile.

Nouvelle opposition des habitants, qui ont objecté que le corps n’avait pas sa place dans leur quartier. Décision est alors prise d’acheminer nuitamment le corps au cimetière de Léona Niassène, où il sera finalement enterré. La nouvelle fait le tour des environs. Les habitants de Léona prennent d’assaut le cimetière, déterrent le corps et le brûlent. Le procureur monte au créneau le lendemain de l’atrocité.

Dans un communiqué rendu public, le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Kaolack dit avoir été informé par le commissaire central de Kaolack, que des « individus non identifiés se sont présentés aux cimetières de Léona Niassène, à la recherche de la tombe du défunt C.Fall, qui y avait été inhumé la veille. Ayant réussi à identifier sa tombe, ces individus ont tout simplement exhumé son corps et l'ont traîné au dehors avant de le brûler ». Il s’agit à l’en croire, « d'une extrême gravité relevant de la barbarie » et prévient que « les autorités et ne peuvent rester impunis ». Il annonce avoir ordonné l’ouverture d’une enquête, « afin d'en identifier les auteurs et engager les poursuites pénales ».

D'après "Point Actu", le Forum du Justiciable a également brisé le silence. Cette structure dit condamner « avec la dernière énergie l’acte de barbarie perpétré sur le corps d’un présumé homosexuel, traîné et brûlé dans la rue de Léona Niassène ». Dans le même communiqué, « le Forum du Justiciable estime que les auteurs de cet acte ignoble d’une gravité extrême, doivent être poursuivis, arrêtés, jugés et condamnés à la hauteur de leurs actes ». Si la question semble difficile pour Sidiki Kaba et Aïssata Tall Sall, elle l’a été aussi pour leur mentor, Macky Sall.

D’ailleurs, aux dernières Législatives, le pouvoir, au coude à coude avec Yewwi Askan Wi? avait accusé des sermons d’imams instrumentalisés par l’opposition. A l’époque, l’opposition en compagnie d’organisations de la société civile? avait cherché, sans succès, à faire voter une loi criminalisant l’homosexualité. La mouvance présidentielle avait estimé que l’article 319 du code pénal sénégalais est suffisamment répressif. Cet article stipule : « quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe », risque « un emprisonnement d’un à cinq ans » et une amende comprise entre 100 000 FCfa et un million de FCfa.

« L’homosexualité est un problème de société. Ce n’est pas le propre du Sénégal. Dans toutes les sociétés du monde, ce débat se pose aujourd’hui. ». Ces propos sont du candidat au 2e tour de la Présidentielle sénégalaise de 2012, Macky Sall. Ils sont rapportés par le site Leral.net. Selon le même site, le candidat de la Coalition Bokk Yakaar avait ajouté : « Il y a des pays qui utilisent des moyens plus ou moins pacifiques, d’autres ont des solutions très violentes, selon la philosophie politique ou religieuse des pays. Et de conclure que l’homosexualité « n’a pas commencé aujourd’hui et ne s’arrêtera pas aujourd’hui au Sénégal ».

Une réponse bien prudente, qui donne une idée de la délicatesse du sujet. Déjà en 2008, neuf homosexuels condamnés à huit ans, avaient été libérés. Ils avaient été pris dans un appartement de la périphérie de Dakar. Au cours de leur procès, le parquet avait requis une peine de cinq ans de prison pour tous les accusés, mais le juge les a condamnés à huit ans de prison et 500 000 FCfa d’amende. « L’accusation d’association de malfaiteurs a servi d’alibi au juge, pour dépasser de trois ans la peine demandée par le procureur. Je pense que le juge a pris sa décision sur la base de ses propres croyances et peut-être aussi, de son homophobie », commentait Joël Nana, membre d’une organisation qui coordonne des actions de soutien pour les condamnés.

L’affaire prend une ampleur internationale. Finalement, la Cour d’appel a annulé la procédure et ordonné leur libération. La plupart des défenseurs de cette catégorie sociale, se heurte violemment à des attaques du genre qu’ils dépendent d’une supposée manne financière en provenance des pays développés. Juste après les émeutes du 23 juin 2011, Mame Mactar Guèye, un proche de Me Wade, avait accusé des leaders du M23 d’être à la solde de « lobbies maçonniques et homosexuels ».

L’affaire avait fait grand bruit au point de se retrouver sur la table du juge. M. Alioune Tine, président de la RADDHO, principal visé par les propos de Mame M. Guèye, avait en effet porté plainte. Finalement, le procès n’a pas eu lieu suite aux nombreuses médiations, dont celle d’un imam.

Aujourd’hui, nombre d’homosexuels sont obligés de vivre cachés ou de vivre leur sexualité sous d’autres cieux.

Ousmane Wade