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Affaires politico-judiciaires : Les magistrats face à l’indépendance de la justice

La non transmission à la justice de rapports de corps de contrôle et la diligence à des fins de poursuite d’affaires concernant des opposants, font penser que la justice traverse une tempête qui, à nouveau, pose la question de son indépendance. "Tribune"


Rédigé par leral.net le Mercredi 22 Février 2023 à 10:42 | | 0 commentaire(s)|

Dans le cadre de la reddition des comptes, seuls Karim Wade, Tahibou Ndiaye et Aïda Ndiongue ont été emprisonnés et expropriés. On a comme l’impression que durant les 12 ans du règne de Me Wade, ils sont les seuls à avoir commis des actes en violation des règles de gestion des deniers publics. Pour Khalifa Sall également, d’autres maires ont été épinglés par l’Inspection générale d’État, mais il est le seul à être poursuivi en justice. Il a été non seulement envoyé en prison, mais a perdu ses postes de maire de Dakar, de députés et ses droits civils.

Voilà en tout cas des cas qui peuvent être évoqués comme preuve d’une justice sélective. Au Sénégal, où la fonction de juger est confiée à un pouvoir dénommé Justice, à côté des pouvoirs Exécutif et Législatif, son indépendance suscite constamment des débats nourris et passionnés.

Si la question du comment assurer l’indépendance de la justice est posée à chaque changement de régime, c’est parce que quelque part, on pense justement que cette indépendance est mise à l’épreuve. Si du temps des Présidents Me Abdoulaye Wade, Abdou Diouf et Senghor, des cas flagrants de manquement à l’indépendance de la Justice ont été notés, avec le Président Macky Sall, elle est relancée à travers la poursuite sélective d’auteurs d’actes de mauvaise gestion, la non transmission à la justice de rapports de corps de contrôle et l’ouverture de procédures qui ont conduit à des incriminations ou arrestations de personnalités de l’opposition.

Des délinquants aux arrêts, des criminels en liberté

Ainsi, à force de subsister, la question de l’indépendance ne se pose plus sur le plan politique, mais s’inscrit également dans un débat plus vaste, d’ordre constitutionnel, sur l’organisation des pouvoirs et la place du Judiciaire dans l’organisation de l’État.

On aura beau invoquer la règle de l’inamovibilité qui fait que les juges du siège, soient nommés par un pouvoir exécutif qui ne peut les révoquer, hors cause de forfaiture, mais force est de constater qu’elle n’est pas suffisante pour garantir l’indépendance de la justice.

Telle qu’elle est vantée lors des discours de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux. En plus, au siège, l’inamovibilité ne résiste pas au bon vouloir du Conseil supérieur de la magistrature dirigé par le président de la République et le ministre de la Justice. L’Union des magistrats du Sénégal a beau réclamer la réforme du Conseil supérieur, mais elle tarde.

À quand la réforme du conseil 3 de la magistrature ?

Les évènements qui ont conduit à l’emprisonnement de Karim, Khalifa, Aïda Ndiongue, donnent quelque part ce sentiment que la Justice a encore besoin de plus d’indépendance. Ceux qui plaident cette position estiment que pendant que ces derniers subissent la rigueur de la loi, d’autres qui ont été présentés comme des hors-la-loi de grand acabit, ne sont pas inquiétés.

Quant aux magistrats du parquet qui ne sont pas inamovibles, ils peuvent donc être déplacés sur décision discrétionnaire de l’autorité exécutive. Ils sont hiérarchiquement soumis à l’autorité du ministère de la Justice, qui peut décider librement d’une révocation ou d’une sanction. C’est pour éviter que cette hiérarchisation du parquet se transforme en blocage pour l’indépendance des procureurs, qu’il est consacré la maxime selon laquelle, «la plume est serve mais la parole est libre».

Entre la plume qui est serve et la parole qui est libre

Celle-ci s'applique habituellement aux procureurs qui peuvent s'exprimer à l'audience selon leur conscience, mais qui, à l'écrit, ont l'obligation de suivre les instructions de leur hiérarchie. En tout cas, chez les parquetiers, chaque nouveau régime les mute selon sa convenance.

Dans le contexte actuel de course pour la fonction de président de la République en 2024, la situation des droits de l’homme au Sénégal, reluisante pour le camp au pouvoir, est qualifiée de terrifiante pour la plupart des opposants. Ils pensent que la cohésion nationale nécessaire au développement du pays, n’est pas bien ancrée à cause d’arrestations d’opposants et d’interdictions de manifestation.







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