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Barthélemy Dias: "Si j’étais chef d’Etat, Abdoulaye Wade ne sortirait pas de chez lui pour aller dans des manifestations..."

Nommé Secrétaire général-adjoint à la vie politique du Parti socialiste (Ps), Barthélémy Dias revient dans cet entretien sur l’actualité de son parti. Le député-maire de Mermoz-Sacré Cœur évoque aussi la Présidentielle de 2017 ainsi que le fonctionnement de l’Assemblée nationale.


Rédigé par leral.net le Jeudi 12 Février 2015 à 11:48 | | 0 commentaire(s)|

Barthélemy Dias: "Si j’étais chef d’Etat, Abdoulaye Wade ne sortirait pas de chez lui pour aller dans des manifestations..."
Vous vous êtes fait discret depuis un certain temps, pourquoi l’on ne vous entend plus beaucoup ?

C’est parce que je ne suis plus le responsable des jeunes socialistes que j’étais. Je n’ai plus comme responsabilité d’impulser une certaine dynamique. Aujourd’hui, je suis appelé à jouer un autre rôle. Et, je cumule mes responsabilités de maire avec celles de député. Je suis aussi devenu agriculteur. Il y a aussi que mon grand-père Abdoulaye Wade n’est plus au pouvoir (rires). Je m’ennuie énormément.

Mais Abdoulaye Wade est toujours là et se fait entendre avec ses manifestations ?

C’est le chagrin d’un père qu’il exprime. C’est tout à fait normal. Mais vu son âge et son statut d’ancien chef d’Etat, je souhaite que le Président Macky Sall réponde à son invite et lui fasse part de certaines informations, qu’il n’a peut-être pas, concernant le dossier de son fils. Aujourd’hui, tout ce qui intéresse Abdoulaye Wade c’est le dossier de son fils Karim Wade et rien d’autre. Et, il a tout de même le droit de taper sur la table car qu’on le veuille ou non, c’est son fils. Mais Abdoulaye Wade doit comprendre aussi qu’il a une grande part de responsabilité dans la situation de Karim Wade. Il a confondu pouvoir et famille, et il a confié à son fils des responsabilités que dans aucun pays au monde vous pouvez vous permettre d’assumer sans avoir de comptes à rendre. Mais, j’espère que Karim pourra prouver son innocence.

Le Président Macky s’est dit ouvert au dialogue, mais pas sur les dossiers judiciaires

Je partage son idée, mais il n’a qu’à le lui dire dans le blanc des yeux. Au nom de la courtoisie républicaine, j’implore le Président Macky de recevoir Abdoulaye Wade, mais en présence de son staff et des membres de son Cabinet, pour que demain on ne cherche pas à dire qu’on a fait des deals à la Présidence. Cependant, quel que soit ce qu’on peut lui reprocher, Wade mérite du respect. Maintenant, avec son âge il peut revenir dans des situations où il peut avoir un comportement d’enfant. Mais c’est de son fils qu’on parle et demain si Karim sortait de prison, Wade reprendrait son avion pour la France. C’est pourquoi, je partage l’idée du Président Macky Sall, mais on ne peut pas négocier des choses qui ne se négocient pas en République et Abdoulaye Wade doit comprendre cela en tant qu’avocat.

Qu’est-ce que vous pensez des manifestations de l’opposition qui sont interdites ?

Nous sommes en République et il faut respecter la Constitution. Mamadou Diop et les autres ne sont pas morts pour rien. On s’était battu pour le respect de la Constitution qui autorise le droit à la marche. Mais le droit à la marche ne veut pas dire qu’ils ont le droit d’installer le pays dans le chaos. Il faut que l’autorité sache pourquoi ils manifestent. Si l’on marche pour la libération d’un ancien responsable gouvernemental, ça devient n’importe quoi. Si j’étais chef d’Etat, Abdoulaye Wade ne sortirait pas de chez lui pour aller dans des manifestations de cette nature, pour des raisons de sécurité liées à son intégrité physique, parce que c’est de la responsabilité de l’Etat. Son entourage, les chauffeurs et garde du corps qui prennent le risque d’exposer un ancien chef d’Etat pourraient être traduits devant la Justice. On ne peut pas empoisonner l’existence de tout un peuple pour la libération d’un homme qui a eu à gérer des deniers publics. Le conseil que je lui (Karim) donne, c’est d’essayer de convaincre la justice sénégalaise de son innocence. J’ai moi-même un dossier en justice et je rends grâce à Dieu d’être jugé. Car quel que soit le verdict de ce jugement, j’aurais au moins eu l’occasion de pouvoir expliquer à la justice ce qui s’est passé.

Et où en est votre dossier judiciaire justement ?

Ce n’est pas moi qui m’en occupe. Mais le moment venu, si la justice me convoque, je répondrai.

Le Parti socialiste a tenu récemment son Bureau politique élargi, il y a eu des réaménagements. Quelle lecture en faites-vous ?

Je me réjouis d’abord d’être le Secrétaire général adjoint à la vie politique, premier adjoint de Khalifa Sall, c’est un honneur. Quant à la composition du Bureau politique (Bp), je dois dire à ceux qui veulent décider à la place des socialistes que le Secrétaire national, Ousmane Tanor Dieng, a reçu un mandat du Comité central. Ousmane Tanor Dieng a reçu des propositions qui ont été entérinées par acclamations du Bp, mais il ne peut pas imposer Barthelémy Dias ou un autre. Malheureusement, il y a une certaine presse qui, à tort ou à raison, veut faire croire à une certaine opinion que le Ps est un parti de copains et de coquins. Le Ps n’est la propriété de personne, Ousmane Tanor Dieng n’a pas le pouvoir d’isoler qui que ce soit.

Aïssata Tall Sall était la grande absente lors de cette réunion, d’aucuns parlent de cas Aïssata Tall Sall au sein du Ps, qu’en est-il?

Il n’y aura jamais de cas Aïssata Tall Sall au Ps. Personnellement, elle est une mère pour moi. Personne ne peut isoler Aïssata Tall Sall parce que ce serait isoler une partie du Ps. Son absence a été bien justifiée, elle était en session budgétaire à Podor, elle a échangé avec Ousmane Tanor Dieng et elle est en phase avec ce qu’on fait. Elle n’a pas été consultée parce qu’elle n’était pas à Dakar. Mais elle le sera à son retour.

Mais le poste de porte-parole lui a été retiré en son absence.

Le poste de porte-parole ne lui a pas été retiré. Le poste a été confié à celui qui était son adjoint. Et à ce que je sache, elle n’avait pas postulé pour rester porte-parole. En tant qu’ancienne secrétaire à la communication, elle a abattu un travail remarquable. Donc il n’y avait aucun argument qui puisse nous motiver pour qu’elle n’occupe plus ce poste.

Est-ce qu’il n’y a pas un malaise dû au fait qu’elle a voulu remplacer Ousmane Tanor Dieng à la tête du Ps ?

Cela prouve simplement que le Ps est un parti démocratique, et je fais partie des gens qui sont allés voir Aïssata Tall Sall pour lui demander de retirer sa candidature. Parce que c’était une première dans l’histoire politique du Ps, et nous pensions que retirer sa candidature serait bénéfique à l’image du parti. Mais les actes qu’elle a posés ne sont pas interdits par le parti.

D’aucuns voient Khalifa Sall comme le potentiel successeur d’Ousmane Tanor Dieng. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Khalifa Sall présente un très bon profil, il a l’expertise et l’expérience pour succéder à Tanor. Mais, il y a également une bonne douzaine de responsables du parti qui peuvent succéder à Tanor, des hommes, des femmes comme des jeunes. Ils ont tous reçu la même formation que Khalifa.

Que répondez-vous aux responsables de l’Alliance pour la République (Apr) qui demandent au Ps de se déterminer clairement pour la Présidentielle de 2017 ?

Ce n’est pas un débat. Le Parti socialiste sera présent par devoir et par responsabilité à l’élection Présidentielle de 2017. Par amitié et courtoisie, nous préférons opposer le silence à nos amis de l’Apr. Puisque cette équation est impossible, ça ne peut être qu’un rêve. Nous n’avons jamais pris comme engagement avec Macky Sall de le soutenir «ad vitam æternam» (à jamais).

Mais en 2017, vous serez comptables du bilan de Macky Sall, quel argument de campagne aurez-vous dans ce cas ?

Dans aucun pays au monde, une coalition ne définit la politique de la Nation. Dans tous les pays à régime présidentiel, y compris au Sénégal, la politique de la Nation est définie par le chef de l’Etat. Nous assumerons le bilan du Président Macky Sall en matière d’élevage et d’éducation nationale, parce que ce sont les secteurs qui nous ont été confiés. Nous souhaitons au Président Macky Sall une réussite totale, parce qu’il y va du bien-être et de l’intérêt des populations. Mais nous sommes des Sénégalais et nous avons le droit de rêver et de faire rêver les Sénégalais, et nous espérons que les Sénégalais se retrouveront dans notre offre politique en 2017. Si ce n’est pas le cas, nous prendrons notre mal en patience et nous continuerons à travailler. Si nous sommes invités à participer à un autre gouvernement, nous viendrons servir notre pays, autrement nous resterons à notre place. Et si nous gagnons en 2017, nous allons appeler l’Apr à siéger dans le gouvernement, parce que nous avons besoin de tous les fils du Sénégal pour construire le pays. Il faut qu’on arrête d’être dans des logiques de clans, de partis et d’intérêts totalement subjectifs. Personnellement, je n’ai pas de reproches à faire au Président Macky Sall. Le moment venu, ce ne sera pas à moi de dire s’il a bien travaillé ou non. Mais en tant que socialiste, je me bats pour le triomphe du socialisme au Sénégal.

Et qui sera le candidat du Ps, Ousmane Tanor Dieng ou quelqu’un d’autre ?

Il n’y a que le Congrès qui sera en mesure de le dire. Concernant Ousmane Tanor Dieng, je suis mal placé pour parler de lui parce que c’est un père pour moi, nous avons une relation affective et je considère que c’est un gâchis que les Sénégalais n’aient pas pris le temps de le connaître. C’est un homme d’une expérience et d’une générosité remarquables. Il n’est peut-être pas un homme de détails, c’est un homme qui a été formé par Senghor, un homme très discret et réservé, malheureusement c’est un incompris. Mais pour moi, il restera un grand homme d’Etat. Quel que soit le responsable, homme ou femme, qui sera présenté comme candidat par le Ps, il sera éternellement redevable à Tanor Dieng, parce qu’il a eu à intervenir pour nous tous dans nos carrières respectives pour que l’on devienne ce que nous sommes devenus.

Est-ce que ce candidat pourrait être Aminata Mbengue Ndiaye qui a été promue numéro2 du parti ?

Je vais répéter ce que j’avais dit, j’appartiens au département et à la région de Dakar, donc si demain la région ou le département de Dakar propose une candidature, j’ai l’obligation morale et la responsabilité politique de soutenir cette candidature. Je considère que Dakar méritera cette candidature parce que nous n’avons jamais eu à diriger le parti, nous n’avons jamais eu un candidat issu de Dakar. Le Président Abdou Diouf est originaire de Louga, cette fois-ci si ça devait tourner, Dakar peut se permettre d’espérer.

Un candidat issu de Dakar, Khalifa Sall ?

Pourquoi pas Barthélémy Dias (rires) ? Je pense que le Ps est un parti d’hommes et de femmes responsables, et le moment venu, nous présenterons un profil qui puisse convaincre sans contraindre les Sénégalais.

Il est question de ramener le texte de l’Acte Trois de la décentralisation à l’Assemblée nationale, certains maires dénoncent déjà un manque de concertations, comment analysez-vous cela ?

Avec tout le respect que j’ai pour le ministre de la Décentralisation Me Oumar Youm, cette loi doit revenir à l’Assemblée parce qu’elle est imparfaite. La phase 1 de l’Acte Trois n’est pas ce qui nous intéresse parce que dans l’esprit de la loi tel que ça a été présenté par le Président Macky Sall, il s’agissait de faire en sorte que les territoires soient des territoires forts, fiables, viables, rentables et bancables, et ce n’est pas le cas aujourd’hui. On nous fait miroiter que les moyens suivront avec la phase Deux, les textes de la décentralisation ont toujours été bons, on a toujours expliqué que le problème c’est le manque de moyens, et le Président Macky Sall est bien placé pour le savoir parce qu’il a été maire.

Vous avez toujours dénoncé des disparités dans ce texte de loi, est-ce à dire que le ministre gère ce dossier de manière solitaire ?

Le ministre est un homme courtois et disponible, mais il a besoin d’écouter tous les sons de cloche. Parce qu’il y a des hommes qui, en toute modestie, peuvent dire qu’ils connaissent la décentralisation plus que lui pour l’avoir pratiquée. Entre pratiquer et théoriser, il y a une différence. Mais je pense que le ministre gagnerait à sortir des cadres étatiques et à poser le débat sur la table avec les acteurs que sont les élus locaux, le commandement territorial, ainsi que les pères fondateurs de la décentralisation tels que Mamadou Diop, Mbaye Jacques Diop…

A votre avis, que faudrait-il faire concrètement pour parfaire l’Acte Trois de la décentralisation ?

D’abord, il faut accepter de prendre son temps, on ne peut pas prendre une réforme de cette nature et vouloir l’exécuter à la vitesse du son. L’Acte Deux a pris 12 ans Aujourd’hui, on ne demande pas de prendre 12 ans parce que nous sommes à l’ère des nouvelles technologies, mais on ne peut pas non plus faire une telle réforme en trois ou six mois, ce n’est pas possible. Il faut donc prendre son temps, accepter d’échanger et avoir l’humilité d’accepter qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite. Ils ont essayé et c’est à saluer, mais il y a eu trop de précipitation dans la démarche et un manque criant de concertation. Dans un pays de 14 millions d’habitants comme le Sénégal, une loi concernant la décentralisation et qui a un effet sur tout le monde, on ne peut pas échanger avec juste une quinzaine ou une vingtaine de personnes dans un bureau, il y a trop de gens qui ont leur mot à dire et énormément de choses à dire.

S’agissant de l’Assemblée nationale, une pétition a été initiée pour destituer le Président Moustapha Niasse, quel est votre avis en tant que député ?

Je ne signerai pas cette pétition parce que je considère qu’il faut qu’on apprenne à se respecter. Je ne suis pas du même bord que Niasse, mais c’est un homme d’Etat que je respecte. Ceci dit, il faut d’abord que les députés se respectent à l’Assemblée, on ne peut pas comprendre qu’au bout de trois ans, il n’y ait aucune Commission d’enquête parlementaire. J’ai dénoncé un scandale à la Cnca (Caisse nationale de crédit agricole), une banque dans laquelle on a pris des vingtaines de milliards pour les donner à l’ex-Première dame Viviane Wade dans le cadre de Ninéfesha, est-ce que Viviane Wade fait de l’agriculture ou de l’élevage ? Mais il n’y a eu aucune commission d’enquête parlementaire. Des députés ont initié une démarche par rapport au Port autonome de Dakar, il devait y avoir une commission d’enquête. Qu’on arrête de nous empoisonner la vie et de nous pomper l’air avec des détails, occupons nous de l’essentiel. Moustapha Niasse n’est pas le problème de l’Assemblée nationale. Le problème de l’Assemblée, ce sont ses députés qui s’aplatissent comme des vers de terre et qui pensent qu’ils ont été élus pour faire plaisir au chef de l’Etat. Il y a des députés qui sont à l’Assemblée et qui ne savent même pas ce qu’ils y font. Le problème, ce n’est pas Moustapha Niasse, mais les députés qui refusent de faire leur travail de contrôle de l’Exécutif. Contrôler l’Exécutif ne veut pas dire combattre l’Exécutif. Les députés du Sénégal ne se respectent pas, ils doivent savoir qu’ils n’ont pas été élus pour être des laudateurs ou pour chanter des louanges.

L'Observateur

Pour terminer, vous en êtes à votre deuxième mandat à la mairie de Mermoz-Sacré Cœur, quels sont vos projets ?

Nous avons décidé de mettre en œuvre d’abord les moyens financiers. J’ai eu l’humilité pendant la campagne électorale de dire que mon premier mandat n’était pas reluisant. Il y a beaucoup d’efforts à faire pour le cadre de vie et pour la réhabilitation de la voirie. A ce titre, je réitère mon appel à l’Ageroute et à la Ville de Dakar qui sont nos partenaires privilégiés. Nous sommes devenus orphelins avec l’Acte Trois de la décentralisation, le tiers de notre budget provenait de la Ville de Dakar et maintenant, nous sommes obligés de contribuer au budget de la Ville. Mais dans un premier temps, nous allons remettre de l’ordre dans le foncier. Nous en avons marre de voir notre foncier dilapidé tous les jours, j’invite les hommes d’affaires à ne pas traiter sur le périmètre communal de Mermoz-Sacré Cœur avec la Sicap, ils le feront à leurs risques et périls. Nous allons remettre à l’endroit tout ce qu’on a trouvé à l’envers.