leral.net | S'informer en temps réel

CINQUANTE ANS SUR LES ROUTES DE L’INTEGRATION : La Carte Brune prend le virage stratégique


Rédigé par leral.net le Lundi 4 Août 2025 à 00:00 | | 0 commentaire(s)|

Symbole de l’intégration sous-régionale, la Carte Brune CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), un dispositif d’assurance obligatoire pour les véhicules en circulation transfrontalière, entend renforcer son rôle dans la libre circulation des biens et des personnes dans les 15 pays membres. La Deuxième Réunion de Zone du Conseil des Bureaux qui coordonne le système, qui se tiendra à Dakar du 5 au 8 août 2025, marque un tournant stratégique.
CINQUANTE ANS SUR LES ROUTES DE L’INTEGRATION : La Carte Brune prend le virage stratégique
La Deuxième Réunion de Zone du Conseil des Bureaux qui se tiendra à Dakar pourrait marquer l’entrée dans l’ère de la Carte Brune 2.0, l’assurance devient un levier concret de l’intégration économique et sécuritaire en Afrique de l’Ouest. Lancé officiellement en 1982 par les chefs d’État de la CEDEAO, la Carte Brune, dispositif d’assurance unique et obligatoire valable à travers les 15 pays membres, entend renforcer son rôle dans la libre circulation des biens et des personnes. Concrètement, la Carte Brune CEDEAO garantit la couverture responsabilité civile des véhicules étrangers en visite, un règlement rapide et équitable des sinistres transfrontaliers et facilite la migration, les échanges commerciaux et le tourisme au sein de l’UEMOA. A plus de 40 ans révolus, le système d’assurance cherche à se réinventer dans le cadre de son Plan stratégique 2023-2025 et, la Deuxième réunion de Zone de l’année 2025 du Conseil des Bureaux qui coordonne le système de la Carte Brune de la CEDEAO, qui se tiendra à Dakar du 5 au 8 août prochains, participe de cette dynamique.

Sur le thème général « 50 ans de l'intégration sous-régionale : Contribution du Système d'Assurance Carte Brune CEDEAO à la Libre Circulation des Biens et des Personnes », plus d’une centaine de représentants des Bureaux nationaux des pays de la CEDEAO plancheront, entre autres sujets, sur les harmonisations de l’attestation Carte Brune digitale et celle des procès-verbaux d’accident, ainsi que sur l’évolution du Plan stratégique 2023-2025. L’objectif est clair : il s’agit de moderniser un système vieux de cinq décennies pour le mettre au rythme des nouvelles mobilités ouest-africaines.

Réformes en marche : digitalisation et systématisation

La Carte Brune CEDEAO, dans le sillage de la création en 1975 de la CEDEAO, a été créée par le Protocole A/P1/5/82 signé le 29 mai 1982 à Cotonou (Lomé) qui, après sa ratification par l’ensemble des Etats membres de la communauté, a fait l’objet de plusieurs modifications visant à consolider et améliorer le dispositif. Pour rappel, la création de la CEDEAO en 1975 à travers le Traité de Lagos avait pour objectif de favoriser l’intégration économique et la libre circulation des personnes et des biens. Pendant près d’un demi-siècle, le système a accompagné ainsi l’essor du commerce routier et la mobilité des populations, conformément à l’adoption par le Conseil des ministres de la CEDEAO de la Carte Brune comme système d’assurance automobile transfrontalière. Mais les limites actuelles du système relèveraient d’une bureaucratie persistante car, malgré les réformes, les arcs techniques nationaux restent hétérogènes, ralentissant les processus ; mais aussi une infrastructure numérique insuffisante et la transition vers l’e-carte nécessite des investissements en cybersécurité et connectivité. De plus, le manque de conscience citoyenne est à la mesure de la couverture faiblement diffusée et peu connue au sein des populations routières informelles. Ainsi le bilan serait jugé positif, mais la digitalisation et la systématisation restent des défis majeurs pour en faire un moteur de mobilité sécurisée et de commerce intra-communautaire.

Depuis 2022, la CEDEAO poursuit deux grands chantiers : la systématisation pour rendre obligatoire la délivrance de la Carte Brune dans tous les pays membres, avec des bureaux nationaux renforcés ; mais aussi la digitalisation à travers le passage progressif au certificat électronique, vérification en ligne et traitement automatisé des sinistres, sur le modèle des succès déjà observés au Nigeria et au Ghana. La 40ᵉ Assemblée Générale (Lomé, novembre 2024) a acté ces avancées et décidé des formations pour les régleurs des dossiers sinistres dès 2025. L’intégration du numérique devrait permettre la traçabilité des véhicules et des sinistres, la réduction de la fraude et des doubles déclarations, la rapidité de traitement des indemnisations pour les victimes d’accidents transfrontaliers. Le dispositif doit achever sa transformation numérique, homogénéiser les pratiques nationales et élargir la connaissance du système auprès des usagers. Une digitalisation réussie renforcera sa fonction sociale et économique dans l’espace CEDEAO.

Enjeux pour les assureurs sénégalais

L’organisation de la Deuxième Réunion de Zone du Conseil des Bureaux au Sénégal ne semble pas tenir du hasard. Situé à l’extrémité ouest de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal est un nœud routier et logistique clé. La RN1 et la Transafricaine Dakar-Bamako concentrent une part importante du trafic transfrontalier. Son port autonome de Dakar est un point d’entrée majeur pour les marchandises à destination de l’hinterland (Mali, Burkina Faso, Niger). Pour les transporteurs et automobilistes sénégalais, la Carte Brune n’est pas qu’une obligation. Elle garantit la couverture des sinistres à l’étranger et réduit les risques financiers en cas d’accidents dans un autre pays de la CEDEAO. Son application au Sénégal semble afficher des progrès et plus d’une centaine de millions FCFA ont été indemnisés en 2021 aux victimes de sinistres transfrontaliers (Le Quotidien) et en juillet de la même année, le tarif de la carte a été revu de 500 à 300 FCFA, sans gonflement des primes pour les assurés (Le Quotidien). En l’absence de données actuelles disponibles, en 2018, plus de 600 000 véhicules étaient couverts par la Carte Brune CEDEAO au Sénégal (SenePlus).

Avec la digitalisation, le Sénégal pourrait ainsi attirer davantage de flux logistiques grâce à une sécurité juridique accrue, renforcer sa compétitivité portuaire et routière, stimuler les assurances locales, qui verront croître la demande de couverture transfrontalière. Par ailleurs, dans la perspective de la Zone de libre-échange continentale (ZLECAF), la modernisation de la Carte Brune pourrait ainsi devenir un atout pour la diplomatie économique sénégalaise, en confortant son image de passerelle ouest-africaine vers le continent.

Si le Bureau National Sénégalais (BNS) coordonne la délivrance et la gestion de la Carte Brune dans le pays, ses partenaires sont les compagnies d’assurance locales, dont certaines sont très actives sur le marché du transport et de la couverture transfrontalière. Pour ces dernières, les enjeux et l’opportunité d’une digitalisation qui rendra la Carte Brune plus simple à souscrire et à gérer permettront d’accroître la pénétration du marché, avec une amélioration de la traçabilité des sinistres, à travers des PV dématérialisés qui permettent un suivi précis et partant, une mitigation des fraudes. Avec l’essor des corridors logistiques, les assureurs sénégalais pourraient devenir leaders sur les couvertures transfrontalières et ainsi renforcer leur rôle régional.

En misant sur la digitalisation de la Carte Brune, Dakar ne se contenterait pas d’être un carrefour logistique : le pays veut devenir un acteur financier et assurantiel majeur dans la mobilité ouest-africaine, où chaque véhicule assuré est aussi un vecteur de commerce sécurisé.
Malick NDAW



Source : https://www.lejecos.com/CINQUANTE-ANS-SUR-LES-ROUT...

La rédaction