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CLAP DE FIN POUR SENEGALMETIS ( Xavier Ricou )

Rédigé par leral.net le Jeudi 26 Novembre 2020 à 12:11 | | 0 commentaire(s)|

Vous me pardonnerez, j’espère d’être plus long que d’habitude, mais ça sera la dernière fois. Voilà exactement un an, j’avais annoncé que je mettrai fin à ce blog le 22 novembre 2020, « sauf cas de force majeure ou lassitude prématurée ». Nous y voilà donc ; 10 ans pile, en effet, qu’un premier sujet fut posté sur cette page qui parlait du 1er consul américain au Sénégal, Peter Strickland. Depuis cette date, environ 400 000 mots ont coulé sous les ponts, 1 000 pages de texte, plus de 3 000 sujets, autant d’images et, surtout, 50 000 followers (dont une quinzaine de bannis, parmi lesquels plusieurs marabouts spécialistes du portefeuille magique et du retour d’affection)… au risque parfois, de frôler le syndrome de la tête qui gonfle et des chevilles qui enflent !


REMERCIEMENTS
Je remercie évidemment les 50 000 abonnés de cette page, en particulier ceux de la première heure (le tout premier fut Pape Goumalo Dione et la dernière, Mamy Korka Ndiaye Thiaw, il y a quelques minutes). Je vous remercie tous pour votre fidélité, votre curiosité, votre perspicacité, votre intérêt, votre tolérance, votre compréhension, votre bienveillance, votre humour et votre amour de l’histoire...

Je remercie évidemment aussi les commentateurs, grâce auxquels j’ai beaucoup appris et souvent corrigé les sujets traités ; les alimenteurs (que je ne peux pas tous citer), qui ont contribué régulièrement par leurs photos ou leurs documents et les partageurs, qui trouvaient suffisamment d’intérêt à ces publications, pour souhaiter en faire profiter les autres.

Je remercie aussi très vivement ceux qui m’ont supporté (à tous les sens du terme) pendant ces 10 ans, publiquement ou non, qu’ils soient de mon proche entourage ou de parfaits inconnus. Je remercie enfin tous ceux qui, grâce à cette page, sont devenus des amis précieux.

LASSITUDE
Comme j’ai eu souvent à l’expliquer, cette dernière n’avait qu’un seul but, partager mes découvertes et ma passion pour l’histoire. Il n’a jamais été question qu’elle devienne un forum de débats sur la colonisation, de crispations politiques, et d’invectives identitaires. C’est pourtant cette tendance qui, depuis quelques années, a parfois suscité la lassitude évoquée plus haut : lassitude et tristesse de la perte de bienveillance, de l’esprit de tolérance, de compréhension et de téranga, dont nous pouvions à juste titre nous enorgueillir.

À ces valeurs, s’en sont substituées d’autres : la rancœur, l’arrogance, l’agressivité et même la xénophobie, souvent portées par de faux comptes et de faux profils mais armés de vraies insultes. Ce n’est certainement pas avec ce dernier billet que je convaincrai les plus déterminés d’entre eux, mais il m’apparaît évident que nous partageons une histoire de plus de 500 ans avec l’Europe (dont la moitié avec les Français), pour le meilleur et pour le pire ; que cette histoire a tissé entre nous des liens complexes et inextricables, quoiqu’on en pense ; et que quiconque souhaitera tracer une limite claire entre le bien et le mal, entre le noir et le blanc ou entre le résistant et le collaborateur, n’y parviendra jamais.

Car, en effet, il y en existera toujours des plus identitaires que les autres, plus communautaristes, plus extrémistes, qui voudront toujours repousser plus loin les limites en question. Alors, on fera quoi des métis ? On fera quoi des « otages » ? On fera quoi des tirailleurs qui ont combattu leurs propres frères ? On fera quoi des archives nationales ? Devra-on changer aussi le nom de Gorée qui nous vient des Hollandais ? De fait, lorsqu’on en arrivera à se poser ces questions, on ne sera plus très loin de ce qu’on appelle une dictature de la conscience.

En attendant, admettons que nous sommes toujours en démocratie et que je peux encore avoir un avis différent du vôtre sans pour autant que l’on mette en doute mon patriotisme ou ma sénégalité. On peut évidemment comprendre que parler un français impeccable, citer Voltaire ou s’habiller en costume cravate dans les administrations, ne constitue pas à proprement parler un « idéal de civilisation », mais alors, avant de balayer d’un revers de main ces modèles inadaptés, commençons par valoriser ou « réinventer » les nôtres et, pour cela, connaissons-nous nous-mêmes. Lisons les auteurs sénégalais, apprenons l’histoire avec objectivité, sans parti-pris, et approprions-nous réellement notre propre patrimoine matériel et immatériel.

REGRETS, EXCUSES ET FIERTÉ
Je regrette (mais c’était inévitable) de n’avoir pas pu convaincre certains d’entre vous de la neutralité de mes propos et de mes intentions. Je regrette aussi de n’être pas parvenu à partager plus largement ma conviction de la nécessité du métissage culturel, seule voie (à mon sens) pour mieux vivre ensemble dans une société apaisée. A ces regrets j’ajoute des excuses. Je voudrais en effet m’excuser auprès de tous ceux que j’ai pu blesser à travers mes propos ou par l’emploi maladroit de telle expression ou de telle illustration, car cela n’a sincèrement jamais été mon intention.

Enfin, après avoir exprimé des regrets et des excuses, je voudrais exprimer ma fierté d’avoir pu, pendant 10 ans, vous proposer quotidiennement un sujet et partager avec vous mes passions pour l’histoire, l’iconographie, la photographie, la généalogie, la toponymie, l’urbanisme ou l’architecture ; bref pour toutes ces briques qui permettent de dessiner les contours de notre pays et de « l’homo senegalensis » et donc, de notre nation. Ma fierté aussi pour ces découvertes ou redécouvertes que nous avons faites ensemble, ces anecdotes, ces révélations de fake news ou fake images et tous ces nombreux sujets très sérieux, tout juste effleurés…

Je ne doute pas d’ailleurs que certains d’entre eux trouveront des prolongements dans le cadre de travaux universitaires. Je suis heureux d’avoir pu démontrer que l’image peut nous enseigner autant que des gros pavés rébarbatifs et que dans les détails se niche parfois le suc des choses… Heureux, en somme, que cette page ait pu contribuer à nous rendre tous un peu plus intelligents.

À BIENTÔT ET À AUTREMENT
Je ne la fermerai pas brutalement (cette page) et la laisserai accessible mais ne l’alimenterai plus, sauf éventuellement, de manière ponctuelle, pour partager telle ou telle information importante ou découverte essentielle. En revanche, comme je l’avais aussi annoncé, elle trouvera certainement des prolongements sous une forme ou une autre sur des supports plus informatifs, moins conflictuels et plus apaisés, tels que des ouvrages ou des expositions. Incidemment, cette mise en pause me permettra de traiter avec plus d’assiduité, la montagne de requêtes de toute nature reçues en permanence et négligées, indépendamment de ma volonté.