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Calvaire des populations, Sen'Eau, grève des transports: Me Massokhna Kane sans gants, ni détours

Avocat et Président de SOS Consommateurs, il s’en est vertement pris aux transporteurs, à l’Etat pour son laxisme et à la Sen‘Eau. Il est aussi revenu sur l’affaire Ousmane Sonko, dont il est l’un des avocats. C’était à l’émission « Grand oral » sur Rewmi Fm. Entretien réalisé par "Rewmi".


Rédigé par leral.net le Lundi 6 Décembre 2021 à 09:28 | | 0 commentaire(s)|

Calvaire des populations, Sen'Eau, grève des transports: Me Massokhna Kane sans gants, ni détours
Le calvaire des usagers avec la grève des transporteurs. Comment l’avez-vous vécu ?

Avec beaucoup de tristesse et une certaine colère, car j’ai constaté que des deux côtés, il y a eu beaucoup de manquements. Ils ont le droit d’aller en grève avec des revendications, mais pas de prendre en otage tout le pays, sans pour autant prendre des préalables pour les usagers. Sans service minimum. Nous sommes dans un secteur de mission de service public que l’Etat doit assurer aux populations.

L’Etat n’a qu’une infime part dans cette mission de transport public, à travers DDD. C’est minime. Or, s’il y avait 80 à 90% de ce transport public de voyageurs assurés par des sociétés, dont DDD, avec le Ter et le Brt, il y aurait eu moins de conséquences. Allez en France, il y a le métro, le tramway et c’est une mission de l’Etat. Si l’Etat veut la confier à des privés, il faut les subventionner.

Comme avec Ddd. Ce n’est pas normal que l’Etat subventionne le transport public de voyageurs à DDD et ne le fasse pas aux privés, à qui il a délivré des licences dans leur mission de service public. C’est une faille qu’il faut corriger.

Ces privés qui ont fait des investissements, exploitent avec une durée d’amortissement. Il faut que l’Etat les soutienne et revoie sa politique vis-à-vis d’eux, mais aussi il doit reprendre, à travers une politique d’orientation du transport, la plus grande part du transport public de voyageurs, avec des chaînes de bus non-stop, etc.

Il faut recruter tous les chauffeurs de cars rapides et de Ndiaga Ndiaye qui ne sont pas bien traités, car ils n’ont pas de contrat, pas de retraite, etc. Donc avec un service de transport, il faut les former.

S’il y a beaucoup de tracasseries sur les routes, c’est parce qu’il y a beaucoup de mauvais comportements des conducteurs, des véhicules pas en bon état. Il suffit de faire le constat, c’est un cimetière roulant. L’état de vieillesse est trop grave. Comment font-ils pour avoir la visite technique ? Quand il y a un accident grave avec des défauts mécaniques, on aurait dû expertiser les véhicules. Nous l’avons toujours proposé. J’ai été assureur pendant 15 ans.

Ces véhicules, quand ils ont un accident et qu’on expertise l’épave, on se rend compte que c’est le bras de la roue qui a cédé ou c’est le frein, etc. La visite technique, c’est l’expertise périodique d’un véhicule et c’est obligatoire. Il n‘y a qu’au Sénégal que l’on voit DDD sans visite technique, ni assurance obligatoire, (en tout cas, jusqu’aux dernières informations), ni plaque d’immatriculation. C’est grave et totalement illégal.

Parlons de la gestion de ce mouvement d’humeur. L’Etat qui peine à négocier, qu’en pensez-vous ?

Il y a du tort des deux côtés. Les transporteurs n’avaient pas le droit d’empêcher les gens de circuler et l’Etat devrait y veiller. Il avait l’obligation de mettre un système de réquisition des transporteurs et les obliger à travailler pour un service minimum. L’Etat devait le faire. Les récalcitrants devraient perdre leur licence. On a mis l’économie à terre or, le droit de grève, tel que prévu par la Constitution, est encadré par des lois qui prévoient des seuils à ne pas dépasser.

On vous dit deux choses : d’abord, les grévistes n’ont pas le droit de mettre en péril l’entreprise encore moins l’économie d’un pays, ne pas empêcher ceux qui veulent travailler de le faire. On a vu à Diourbel des bus détruits et on se permet d’exiger la libération des casseurs. C’est inadmissible. Une personne qui a détruit volontairement un bien public ou privé, doit être sanctionnée pour l’exemple. Je ne vois pas pourquoi on veut revendiquer pour qu’on libère ces délinquants. Car c’est de la délinquance.

Du côté de l’Etat, il n’est pas loyal par rapport à ces revendications. Que cela soit les transporteurs, le personnel de santé, dans l’éducation, on observe depuis des années (car on a participé à des réunions), que l’Etat ne réagit pas à temps. Il n’est pas loyal dans les négociations. C’est de la mauvaise gestion. Quelqu’un qui vous adresse un préavis de grève, pourquoi attendre que le délai expire pour l’appeler à des négociations ? Il fallait le faire dès qu’on a reçu les lettres de préavis. C’est une faute habituelle de l’Etat.

On a l’impression que les ministres et autres ou ceux qui reçoivent ces lettres, n’en ont cure. Quand on négocie, il faut être loyal, car quand il y a des revendications légitimes, il faut se donner les moyens de les satisfaire. Nous avons vu que ces personnes avaient 11 points de revendications. Mais il y en avait qui n’étaient pas recevables. C’est le cas de la situation sociale des chauffeurs. Il faut une assurance maladie et des contrats de travail. Il y a un problème, parce que ce sont les employeurs qui sont les patrons, qui doivent satisfaire ces revendications.

Ce sont ces mêmes patrons qui, avec les chauffeurs, vont revendiquer pour dire non il faut que l’Etat…Non ! Ce n’est pas l’Etat. Il n’est qu’un arbitre. Mais le problème doit être réglé avant même que cela n’arrive à la table de négociation, par les employeurs vis-à-vis des travailleurs. J’ai été sidéré quand j’ai entendu que des chauffeurs de taxi gagnent 50 voire 40 mille FCfa par mois, c’est inadmissible.

Et l’Etat ne doit pas accepter cela. Donc ils travaillent à des heures tardives pour avoir quelque chose pour la famille, sinon c’est le versement qui va en pâtir. Il faut qu’il reprenne l’exploitation de ce secteur. Comme les 10% ou les 20% qu’on laisse à des privés, il faut les subventionner et les encadrer avec des tarifs soutenables pour les populations.

Des perturbations sont aussi fréquentes dans la fourniture d’eau avec Sen’Eau. Avez-vous été saisi ?

Tous les jours, nous sommes saisis et tous les jours, nous réagissons. Chaque semaine, Sen‘Eau envoie des communiqués. Alors qu’on nous avait promis avec le KM3, avec les 100 mille m3, qu’il y aurait moins de problème et plus de qualité. Sen'Eau, c’est une erreur très grave. Et l’histoire le prouvera.

Même ce que faisait la SDE et que nous déplorions, dans une certaine mesure, est meilleur. Ils avaient promis mieux, avec des tarifs moins chers, une meilleure qualité et plus d’eau. Aucune de ces promesses n’a été tenue. Et on se rend compte que ce n’est pas son métier. Suez son métier, c’est de faire des usines et non pas de distribuer de l’eau. SDE était là depuis 20 ans et faisait des efforts. Ce n’est pas le cas avec SEN’EAU.

Depuis des années que cette société est là, nous n’avons tenu qu’une seule réunion avec les associations de consommateurs et il a fallu que Ndiaya Diop, le Chargé de la Communication les aide. Ce qu’il faut dire, c’est que nous, associations de consommateurs, puissions attaquer ces genres de sociétés devant les tribunaux.

Et pour qu’on puisse le faire, il y a la loi qui a été votée en avril 2021-25 du 12 avril 2021, qui donne aux associations de consommateurs le pouvoir légal d’attaquer ces genres de sociétés. Elle ne peut pas s’appliquer aux associations, en ce sens qu’il leur faut un agrément du Ministère du Commerce.

Pourquoi ?

Nous lui avons demandé de nous délivrer ce document. On nous fixe des conditions qui ne sont pas prévues par la loi et c’est un combat qu’on va mener. On nous demande des statuts conformes aux modèles de statuts types que le ministre va élaborer. C’est incroyable.

Comment peut-on exiger d’une association qui existe légalement depuis 20 ou 30 ans, de produire des statuts types qui n’ont pas été élaborés. Cela veut dire que ces statuts n’existent même pas. Vous constatez la bêtise ! La loi ne rétroagit pas. Vous pouvez dire qu’il y a une association de consommateurs qui demande que l’agrément soit conforme aux modèles de statut. Mais vous n’avez même pas élaboré de modèle. Et la loi, vous la bloquez dans son application. C’est une aberration.

Qu’est-ce que vous en déduisez ?

Nous en déduisons que les juristes qui sont au Ministère du Commerce, doivent revoir leur copie et nous allons attaquer cette décision du Ministre devant la Cour suprême, si on devait en arriver là. Ce que l’on ne souhaite pas.

Mais on pense que s’il y a des concertations comme le propose le Ministre dans sa lettre-réponse, cela peut rapidement aboutir, mais si cela traîne avec le dépassement des délais, nous allons attaquer cette mesure. C’est sûr. Mais le ministre ne nous permet pas de travailler comme le président de la République l’avait dit dans ce dernier Conseil interministériel où il a demandé une application urgente et complète de cette loi de protection des consommateurs.

Que savez-vous de la qualité de l’eau servie aux usagers, en particulier ceux des Parcelles assainies ?

C’est une catastrophe et ce n’est pas seulement aux Parcelles, il y en a dans le monde rural. En ce qui concerne les populations urbaines, il y a absolument urgence à ce que l’Etat mette en demeure SEN’EAU, car il y va de la santé publique.

Il y a souci dans la qualité de l’eau et le coût des factures. Surtout avec les compteurs Itron qui sont de mauvaise qualité. Nous avons dit aux gens de les refuser. Parce qu’il a été prouvé par une expertise des services compétents de l’Etat, que ces compteurs ne sont pas bons.

Qu’en est-il de la hausse des prix des denrées de première nécessité?

L’Etat a toujours ce drame de ne pas faire appliquer les mesures qu’il prend ou les textes qui les régissent. C’est vraiment une impuissance grave et coupable. Le Ministre du Commerce n’a pas les moyens de faire appliquer les lois sur les prix. De temps en temps, ce sont des opérations coups de poing. Une fois pris, les délinquants vont négocier et reprennent leurs marchandises, moyennant une amende.

Un Ministère du Commerce doit être un grand Ministère, car la vie des populations tourne autour de la consommation. Il suffit de comparer les organigrammes du Ministère du Commerce de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, il n’y a pas photo. Au Sénégal, on a trois directions, en Côte d’Ivoire, 10, sans parler du nombre incalculable de divisions et de services. Cela doit être un grand ministre. Il faut que le ministère soit impliqué dans les problèmes de prix. C’est récemment que la tutelle a été impliquée dans l’affaire du loyer. C’est anormal.

Par rapport au loyer, où en sont les solutions proposées ?

D’abord je n’y étais pas car nous avions refusé. J’ai été invité à la dernière réunion, lundi passé, à la Direction du Commerce intérieur par le Directeur général. Il m’a adressé une lettre en me disant qu’il avait besoin de mes compétences. Je n’étais pas à Diamniadio car nous ne croyons pas à cette histoire d’Observatoire. Cela ne servira à rien. J’ai été à la réunion par courtoisie, car je réclame toujours nos agréments. Il nous faut ce document pour mener des actions collectives, sans quoi, je ne serais plus dans les réunions. Il faut que ce pouvoir accepte que ce que la loi nous a donné soit réel pour que nous puissions travailler.








Rewmi