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Climat, Europe, espoir : ce qu'a dit Barack Obama à Paris

Rédigé par leral.net le Dimanche 3 Décembre 2017 à 14:43 | | 0 commentaire(s)|

NOUS Y ÉTIONS - L'ex-président des États-Unis a délivré samedi un discours qui lui ressemble : balancé et nuancé, embrassant les défis mais résolument optimiste. Une sorte d'antithèse de Donald Trump, sans jamais prononcer son nom.


Climat, Europe, espoir : ce qu'a dit Barack Obama à Paris

Debout devant ses prompteurs, Barack Obama délivre un discours qui lui ressemble. Balancé et nuancé, embrassant les défis mais se voulant optimiste. Une sorte d'antithèse de Donald Trump, qui a l'habitude de mettre le couteau dans la plaie des problèmes. «Le rythme de la globalisation et du changement technologique ont ébranlé le monde, les défis de notre temps ont créé des tensions et des inégalités énormes», note l'ancien président démocrate. «Les gens veulent être rassurés, il était donc inévitable que nos politiques et nos modèles sociaux soient bousculés», poursuit Barack Obama, comme s'il se livrait, entre les lignes, à une analyse de la tempête politique qui a ouvert la voie à son turbulent successeur. Il ne prononcera pas son nom bien sûr, mais on sent bien que c'est notamment à lui et à son électorat qu'il pense, sans doute aussi aux courants nationalistes et aux dictateurs qui se sentent le vent en poupe à travers l'Europe et le monde. «Certains contre-récits ont gagné en puissance ces derniers temps, des gens qui disent que la force fait la loi, que les normes et les règles peuvent être ignorées… La question est de savoir si nous pourrons rebâtir nos arrangements institutionnels de manière à ce que le changement serve tout le monde afin que nous puissions rejeter le nationalisme et la xénophobie, et réaffirmer nos valeurs de pluralisme et de démocratie…», poursuit-il. Il faut remplacer «la peur par l'espoir», dit Obama, qui reconnaît que «nous sommes dans la meilleure et la pire des époques» . «Je dis à mes filles que malgré tous ses tourments, le monde n'a jamais été aussi prospère», insiste-t-il. Mais il souligne les défis que le changement technologique apporte: la désinformation, la tentation des communautés à s'enfermer.

 

Pour nourrir l'idée qu'il ne faut pas avoir peur, Obama remonte dans l'histoire pour expliquer que des crises majeures ont déjà jalonné l'histoire de notre monde, évoquant notamment le tournant vertigineux de l'industrialisation, au début du XXe siècle, et les mouvements autoritaires qui avaient alors émergé. Il parle de la manière dont les démocraties, et notamment la France et les États-Unis qui «doivent leur liberté l'une à l'autre», ont bataillé pour la liberté puis jeté les bases du monde de l'après Seconde Guerre mondiale. Cela l'amène à louer «le projet européen», «vital» et «extraordinaire quand on pense à la dévastation apportée par la guerre», même si Obama dit aussi que l'Europe doit prêter attention aux frustrations des citoyens et cesser le «micromanagement» sur tous les sujets pour rendre aux instances locales leur pouvoir. De manière générale, il insiste sur la nécessaire collaboration entre les nations, et notamment entre les États-Unis et ses alliés européens, qui permet d'avancer tous les grands sujets. Il évoque l'accord climat, signé l'an dernier à Paris. «Je vous concède qu'il y a une absence temporaire de leadership sur cette question» mais les villes américaines et le business avancent sur ces sujets, dit l'ancien chef d'État. C'est une nouvelle manière de critiquer son successeur, et de laisser entendre qu'il y aura «un après Trump». Le plaidoyer pro domo pour l'Europe est en tout cas très frappant chez un président qui, à ses débuts, était plutôt indifférent au continent européen, regardant du côté du Pacifique, et plaidant pour un pivot vers l'Asie.

 

La seconde partie de la soirée est un grand moment pour le président d'Orange Stéphane Richard, qui le rejoint sur scène pour lui poser des questions. À ce stade de la rencontre, Obama a déjà eu une journée très chargée, Paris lui ayant littéralement déroulé le tapis rouge. Rencontre à son hôtel près de l'Opéra avec la maire de la capitale Anne Hidalgo, puis déjeuner privé à l'Elysée avec le couple Macron, avant une rencontre avec François Hollande. Mais l'ancienne «rock star» de la politique américaine se plie de bonne grâce à l'interview. Il reconnaît que l'existence de la concentration d'un immense pouvoir entre les mains des GAFA  pose de «vraies questions» qu'il faut regarder en face, même s'il dit en souriant que les Européens ne seraient pas aussi nerveux si ces géants étaient européens… Il précise qu'il a peur du changement climatique, de la prolifération nucléaire et des pandémies parce qu'elles pourraient créer des dégâts irréversibles. Mais en bon Américain pragmatique, il dit sa confiance que «tout cela peut être géré, qu'on trouvera des solutions». Rien de précis ou percutant en revanche sur les défis du terrorisme islamique ou les grandes migrations, qui bousculent pourtant l'occident en profondeur. «La démocratie est difficile, les gains que nous faisons sont fragiles, mais je suis persuadé que l'avenir n'appartient pas aux hommes forts», affirme l'ancien président, qui, au moment où il parle, voit son héritage en passe d'être démantelé par son successeur, notamment en matière de régulation et sur sa réforme santé.

Il conclut en parlant des qualités qu'il aime chez un leader: la capacité à impliquer les autres au lieu de se mettre en avant, ce qui, dit-il, lui fait croire qu'il faut promouvoir des femmes, car «les hommes semblent avoir un problème avec ça ces temps -ci» (la remarque suscite un tonnerre d'applaudissements) . Barack Obama plaide aussi pour «des dirigeants capables de se mettre dans les chaussures des autres». Le président termine en soulignant qu'un leader doit garder l'œil sur «le long terme», un défi difficile dans notre monde rivé sur l'immédiat.

Barack Obama et Stéphane Richard, Pdg d'Orange, samedi à Paris.