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Comico : Accusé de détournement et radié de l’Armée Le lieutenant-colonel Souleymane Sall, ex-directeur du génie militaire, compte laver son son honneur devant la justice des hommes

Au mois d’août dernier, nous avions consacré un grand dossier au génie militaire. Dans ce dossier, justement, le lieutenant-colonel Souleymane Sall, ex-directeur du Génie militaire, nous avait accordé une interview exclusive relative à l’expertise et au savoir-faire des ingénieurs de l’Armée. Il y avait expliqué avec brio comment le Génie militaire pouvait être d’un apport inestimable dans la résolution du fléau des inondations.


Rédigé par leral.net le Dimanche 10 Novembre 2013 à 17:22 | | 0 commentaire(s)|

Comico : Accusé de détournement et radié de l’Armée Le lieutenant-colonel Souleymane Sall, ex-directeur du génie militaire, compte laver son son honneur devant la justice des hommes
Ce, surtout, en faisant réaliser à l’Etat des dizaines de milliards de francs d’économies là où les entreprises privées de Btp et de génie civil se sucrent sur le dos de la collectivité nationale. Par pudeur, ou par obligation de réserve, le lieutenant-colonel Souleymane Sall n’avait pas voulu aborder cette sombre affaire de malversations financières à la Coopérative militaire de construction (Comico) au moment où il en était le président.

Accusé d’avoir été l’auteur de ce « détournement », l’ex-directeur du génie qu’il était du temps du général Mamadou Seck Faidherbe — lequel l’avait nommé à ce poste alors qu’il n’était que lieutenant-colonel là où des colonels confirmés giuignaient ce strapontin depuis des années, ce qui lui a valu de solides inimitiés —, le lieutenant-colonel Sall, donc, sous des accusations fallacieuses, a été arrêté, emprisonné et radié des rangs de l’Armée sans autre forme de procès. Et ce alors que de brillantes perspectives s’ouvraient devant lui.

C’était sous le commandement du général Babacar Gaye alors tout-puissant chef d’état major général des Armées (Cemga). Lequel, dès qu’il avait succédé à « Faidherbe », s’était juré de faire la fête aux hommes de son prédécesseur. Du moins ceux parmi eux qui ne lui avaient pas fait allégeance.

En évoquant cette affaire en août dernier, nous avions promis de revenir sur cette triste et nébuleuse affaire ayant brisé la brillante carrière de celui qui fut le plus jeune directeur du Génie militaire, de par son grade et son âge. Nous tenons donc notre promesse à travers ce papier. Hélas, au terme de nos investigations, nous constatons avec peine que la carrière de l’ex-lieutenant-colonel Sall ne sera jamais reconstituée puisque ses camarades- détracteurs avaient déjà atteint leur objectif : le catapulter hors de l’Armée.

Nous ne savons pas si c’est la Comico qui veut faire la lumière sur cette histoire de détournement estimé à plus 200 millions fcfa après avoir « tapé fort » ou si c’est le mis en cause qui compte laver son honneur. Toujours est-il que, depuis plus de treize ans, le lieutenant-colonel Sall n’a jamais cessé de réclamer un procès. Finalement, ce procès tant attendu aura lieu le 29 novembre prochain devant la Cour d’Appel militaire de Dakar. Que s’est-il passé pour en arriver là ? « Le Témoin » a enquêté…

Aux yeux de ses « détracteurs », le lieutenant-colonel Souleymane Sall faisait partie d’une rare race d’officiers à l’ascension fulgurante qu’il fallait stopper ! Pour y parvenir, ils ont monté de toutes pièces cette histoire de « détournement ». Il convient de mettre les guillements au mot « détournement » car, sur un budget de 12 milliards fcfa destiné à construire plus de 1500 logements sociaux pour les militaires à Yeumbeul et à Thiaroye, on reproche à l’ex-patron du Génie militaire d’avoir effectué une « petite » avance de 200 millions fcfa au profit de certains entrepreneurs.

Une avance jugée « prématurée » bien que justifiée. Certes, comparaison n’est pas raison. Mais il peut paraître pertinent de rappeler la façon dont ses prédécesseurs avaient attribué les villas de la Cité Comico Mermoz-Pyrotechnie. Pour un projet de 148 logements (R+1 moyen standing) réalisé à hauteur de 1,2 milliard fcfa, les villas ont été cédées aux membres de la Comico à… quatre millions fcfa (4 millions cfa, lisez bien !). Des prix de loin moins chers que ceux pratiqués, pour des logements de ce type, par toutes les sociétés immobilières (Sicap, Sipres, Hlm, Hamo etc.) ou coopératives de construction du Sénégal.

A ce niveau, même à supposer que le lieutenant-colonel Souleymane Sall avait « fauté », c’est-à-dire s’était rendu coupable de mauvaise gestion, qu’il nous soit permis de soutenir que la sanction de la radiation était trop lourde et que sa brillante carrière ne devait pas être brisée de la sorte. Mais bon ! Si cette guillotine avait pour but de discipliner les futurs gestionnaires de la Comico, tant mieux ! Auquel cas, il conviendrait d’applaudir des deux mains puisque, on ne le dira jamais assez, la discipline est la force des armées.

Cela dit, il est permis de ne pas écarter la thèse d’un complot ou d’un règlement de comptes que le lieutenant-colonel Sall a toujours soutenue pour justifier cette affaire de détournement qu’il qualifie de « montage de toutes pièces ». Et peut-on ne pas le croire dès lors que cette affaire avait éclaté à un moment où pratiquement tous les officiers supérieurs qui ont eu à occuper le poste de directeur de Génie militaire avaient été promus généraux voire Cemga pour les plus chanceux d’entre eux ? Les exemples abondent, inutile de citer des noms.

Et un missile brisa le bel envol du brillant jeune officier supérieur

Toujours est-il que l’ancien directeur du Génie militaire et ex- président de la Comico, le lieutenant-colonel Souleymane Sall, était sur une rampe de lancement pour jouer les premiers rôles au sein de la hiérarchie de la Grande Muette. Brillant ingénieur, il est sorti de la prestigieuse école militaire interarmes de St-Cyr Coetquidam, puis de l’Ecole d’application du Génie à Angers, toujours en France. De 1998 à 2000, il se voit confier à la fois le Bataillon des travaux du génie et la direction du Génie alors qu’il n’était qu’un jeune lieutenant-colonel.

Comme nous l’avons écrit ci-dessus, ce sont des colonels anciens qui occupaient de tout temps ces postes stratégiques. Or, ne voila-t-il pas qu’un brillatissime lieutenant-colonel, repéré par le Cemga de l’époque pour ses éminentes qualités, venait brûler la politesse à tous ces colonels pour être promu directeur du Génie ? La vengeance est un plat qui se mange froid… Dès qu’il a pris les rênes de l’Armée, le général Babacar Gaye (qui n’était pas du Génie mais a été influencé par les colonels de ce corps) a commandité un rapport d’audit à charge.



Et avant de comprendre ce qui lui arrivait, le lieutenant-colonel Souleymane Sall était dégradé au rang de bidasse, emprisonné et radié des cadres de l’Armée ! Outre les 200 millions fcfa avancés aux entrepreneurs dont on disait que certains parmi eux n’avaient pas exécuté correctement les travaux d’assainissement requis, il était aussi reproché au lieutenant-colonel Souleymane Sall d’avoir attribué des parcelles à des non-membres de la Comico ou à des membres n’ayant pas payé.

On l’accuse aussi d’avoir procédé à des doubles attributions, d’avoir soustrait des parcelles du terrain de la Comico pour les vendre à des civils, d’en avoir fait de même pour des espaces verts mais cédés cette fois-ci à des membres de la coopérative. Dans l’acte d’accusation dressé à son encontre, il y a aussi des montants non reversés, des dépassements budgétaires etc… Hélas, comme dans la fameuse affaire Dreyfus, qui vit un officier juif français condamné sur la base d’une pièce secrète, les dossiers renfermant ces griefs n’ont jamais été communiqués au colonel Sall pour qu’il puisse apporter sa version.

Et il l’avait fait remarquer au juge de la chambre d’accusation, le brillant magistrat Ndongo Fall, en ces termes : « Je ne peux pas comprendre que l’on puisse auditer la coopérative sans que ni moi, ni le trésorier ne soit en possession du dossier pour y apporter les éléments d’appréciation nécessaires. Donc, pour moi, toute la procédure depuis la réunion du Conseil d’Administration que je présidais avant de passer le témoin et qui n’a pas eu lieu en passant par la commission d’enquête et l’ensemble des vérifications internes et audits jusqu’à l’enquête administrative et judiciaire de la gendarmerie, la procédure réglementaire n’a pas été respectée » avait soutenu sur procès-verbal le colonel Souleymane Sall lors de son premier face à face sur le fond avec le magistrat d’instruction alors qu’il venait de boucler ses sept mois de détention préventive à la prison centrale de Rebeuss.

Quand l’intraitable juge Ndongo Fall ordonne sa liberté sans condition

Pour revenir sur ces différentes « fautes graves » sur la base desquelles le colonel Sall a été arrêté et radié, il ressort de notre enquête que, pour bien mener ses travaux, la coopérative de la Comico avait la possibilité de les exécuter de plusieurs manières : soit à l’entreprise, soit en régie directe soit en régie intéressée. Et le colonel Souleymane Sall utilisait ces trois mécanismes dans les projets dits Thiaroye et Yeumbeul. C’est ainsi qu’il avait sollicité la main d’œuvre militaire pour une partie des constructions afin de faire baisser les coûts des maisons. Et les dix parcelles soi-disant soustraites des terrains de la Comico et vendues parallèlement à des civils c’est-à-dire à des non ayants droit ?

Le juge s’était rendu compte après investigation que ces espaces en question n’appartenaient pas à la Comico contrairement aux terrains dits « espaces verts ». Donc sur cet espace, le colonel Sall était appelé à convaincre. Pour ce faire, il avait soutenu que les actes étaient bien officialisés et sécurisés dans le dossier avec ses 16.145 m2. Et pourtant, si, au début, le colonel Sall en sa qualité de Pca de la Comico n’avait pas prévu d’espaces verts et équipements communs, ce n’était pas une obligation réelle puisque plusieurs lotissements mitoyens pouvaient avoir naturellement des « espaces verts ».

C’est certainement pour cela que le mis en cause avait préféré bénéficier d’espaces verts mitoyens et réaliser un lotissement de 59 parcelles au lieu de mettre des « espaces verts » classiques et n’avoir que 30 parcelles. Il aurait dû être félicité pour cela ! Hélas, en prenant cette décision personnelle, le colonel Souleymane Sall n’aurait jamais imaginé qu’il venait de comme un « crime » foncier. Un « crime » qu’il allait payer dès le départ de l’autorité militaire qui l’avait nommé à la tête de la Comico, à savoir l’ex-Cemga, le général Mamadou Seck Faidherbe.

Un « crime » avec la circonstance aggravante qu’il aurait versé des acomptes à des entrepreneurs. Effectivement, des avances ont été effectuées. A titre d’exemple, pour Mermoz Pyrotechnie, des entrepreneurs avaient reçu 30 % du montant du projet sur autofinancement soit environ 400 millions fcfa. Pour se justifier devant la chambre d’accusation présidée par le juge Ndongo Fall, le mis en cause a fait comprendre qu’avant son départ en mai 2000, plus de 80 % de ces avances ont été recouvrées et le reliquat l’aurait été avant le dernier décompte s’il n’avait pas été arrêté et emprisonné entretemps.

« Certainement, mes bourreaux ne voulaient pas me laisser le temps de recouvrer ce modique reliquat. C’est pourquoi ils m’ont emprisonné et brisé ma carrière. Al hamdoulilahi ! Dieu et son prophète Mohamed Psl m’ont donné une carrière religieuse et spirituelle en prison… » avait tenu à préciser le lieutenant-colonel Souleymane Sall tout en rendant grâce à Dieu devant le juge Ndongo Fall.

Il est aussi reproché des manquements dans les travaux d’assainissement ayant abouti à des dépassements budgétaires, à l’ex-président de la coopérative militaire de construction. Ces dépassements en VRD (voirie et réseaux divers), l’ex-directeur du Génie n’a jamais cessé de les qualifier de « chiffres fantaisistes » d’autant que tous les travaux auraient été réalisés sur marché. Pour prouver ses dires, le mis en cause avait invité ses bourreaux à lui communiquer les dossiers matérialisant ces dépassements d’autant plus qu’il était sûr qu’il y avait des amalgames qui pourraient être faits sciemment pour lui nuire davantage.

À l’analyse de toutes ces accusations, dire qu’il n’y avait aucun manquement dans la gestion du colonel Souleymane Sall, c’est exagérer ! Car la gérance d’une coopérative dite militaire relève d’un commandement et sa particularité, c’est de se plier à des ordres et autres directives. Sans oublier les pressions politiques et les problèmes fonciers en dehors des structures de l’Armée (gouverneur, élus locaux, Sde, Onas, Banques, Urbanisme, Cadastre etc.) où les gens s’activent à vous faire sauter sur une mine. Un administrateur militaire peut-il avoir suffisamment d’entregent et de diplomatie pour sortir indemne de cette faune où chacun cherche son intérêt personnel ? Le colonel Souleymane Sall avait-il pris ses responsabilités à un moment donné pour tenter de mener tout seul ses projets ? Avait-il les armes pour faire face à la colère de ses ex-camarades officiers qui n’avaient pas pu accéder aux logements sous son magistère ?

Constant dans ses déclarations aussi bien durant l’enquête de la gendarmerie que devant la chambre d’accusation, l’ex-directeur du Génie militaire avait bénéficié d’une liberté provisoire. Et sans condition ! Car aucun sou n’a été cautionné alors que dans de pareils cas, les 3/4 des fonds détournés devraient être exigés. Le jugement équitable du brillant magistrat Ndongo Fall était passé par là ! Malgré tout, la Comico, qui s’était constituée partie civile, continue la traque des fonds mal avancés. Le procès aura lieu le 29 novembre prochain devant la Cour d’Appel militaire de Dakar.

Quel que soit le verdict, le puzzle de la brillante carrière militaire du lieutenant-colonel Souleymane sall ne sera jamais reconstitué. L’homme, qui est devenu aujourd’hui un grand « moukhadam » compte laver son honneur devant la justice des hommes avant l’ultime comparution en compagnie de ses ex-bourreaux devant la Justice de Dieu. Puisse notre Seigneur l’assister !

Pape NDIAYE
« Le Témoin » N° 1142 –Hebdomadaire Sénégalais ( NOVEMBRE 2013)

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