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Commission parlementaire, action judiciaire, ce que risque Ousmane Sonko dans l’affaire des 94 milliards : les éclairages de Me Abdoulaye Babou

« Le temps de la justice n’est pas celui des hommes »

L’affaire dite des 94 milliards, dans laquelle, le député Ousmane Sonko accuse le Directeur des domaines, Mamour Diallo, de détournement, reste une nébuleuse. Ousmane Sonko, qui, officiellement, n’est pas victime dans cette affaire, et qui n'a porté plainte, s’est limité à une simple dénonciation, qui n’a pas suffi à déclencher l’action judiciaire. Une commission parlementaire a été mise en place pour enquêter sur cette affaire, mais le leader de Pastef a d’ores et déjà indiqué qu’il ne déférera pas à sa convocation. Sur le rôle, les pouvoirs et les limites juridiques de cette commission, l’avocat à la Cour, Me Abdoulaye Babou, ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, donne des éclairages. Quelle suite pourrait être donnée à cette enquête parlementaire ? A quel moment l’action judiciaire pourrait être déclenchée ? Dans quelle condition Ousmane Sonko pourrait être entendu, l’ancien ministre de la Fonction publique dit tout. Entretien.


Rédigé par leral.net le Lundi 22 Avril 2019 à 19:26 | | 0 commentaire(s)|

Me Babou pouvez-vous nous expliquez pourquoi une commission d’enquête a été mise en place dans l’affaire dite des 94 milliards et quelle sera la finalité de cette enquête ?

L’assemblée nationale a les pouvoirs de se saisir de toute question d’intérêt général, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Pour le cas d’espèce, l’Assemblée nationale usant de ses devoirs, a cru devoir installer une commission d’enquête parlementaire. C’est une résolution qui est votée par la plénière et présentée par un groupe. Cette fois-ci, je crois que c’est le groupe majoritaire. Une fois que la résolution est adoptée, il faut passer à l’installation du bureau de cette commission parlementaire. Pour calculer le nombre de participants, ceci est fonction du nombre et de la représentativité des députés à l’Assemblée. Il y a donc le groupe majoritaire, qui prend beaucoup de places, ensuite, il y a les non-inscrits, etc. C’est en fonction de cela que les membres de la commission parlementaire sont choisis. Ceux-ci se réunissent, ensuite, pour choisir les membres d’un bureau. Il y a toujours un président, des rapporteurs et des membres simples. Le bureau a un délai pour travailler sur le sujet. Dans le cas d’espèce, on a parlé de 6 mois. Donc à l’issue de ces 6 mois, un rapport doit être présenté. Mais il arrive que la commission demande un délai supplémentaire. Donc après cela, la commission se réunit à nouveau pour présenter le fruit de son travailleur. Il y a des cas où ces résultats ne sont pas rendus publics et d’autres où ils sont publiés. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que lorsqu’il y a commission, si le Procureur veut ouvrir une enquête et saisit un juge d’instruction, la commission devient caduque. L’enquête arrête ses travaux et la justice prend le relais.


Dans ce cas, est-ce que le procureur peut entendre directement un député cité dans le dossier ?

Absolument. S’il y a des présomptions contre un député, on suit exactement la procédure. Le Procureur ou le juge d’instruction demande à ce moment-là, la levée de l’immunité parlementaire du député. Et cela se passe très régulièrement. Souvenez-vous que dans l’affaire des 6 milliards de la Sonacos, le parquet avait demandé la levée de l’immunité parlementaire de Moustapha Niasse. Et c’est Moustapha Niasse lui-même qui avait évoqué ce détournement de 6 milliards, il y a même une cession qui assistait Moustapha Niasse dans ce dossier, mais l’affaire s’était terminée en queue de poisson. Il est aussi arrivé que l’immunité parlementaire d’un député soit levée, sans même commission parlementaire.

Dans ce cas de l’affaire des 94 milliards si le député qui accuse refuse de déférer à la convocation de la commission, qu’est-ce qui va se passer concrètement ?

Il faut d’abord savoir que sa comparution ou non n’entame pas la régularité des travaux de la commission. La commission peut continuer son travail, nonobstant ce refus, et déposer son rapport au bout des 6 mois sur la question. Ce qu’il faut préciser, une fois de plus, c’est que même ces résultats de la commission d’enquête n’obligent pas le parquet à ouvrir une enquête. Le parquet ouvre une enquête sur la base d’un délit ou d’un crime, alors que la commission se charge de recueillir des éléments pour donner un avis. Donc le travail de la commission parlementaire est juridiquement limitée.

Mais donc juridiquement à quoi sert le travail de la commission d’enquête ?

Cela peut servir, parce que si ces conclusions intéressent le Parquet, le procureur de la République peut s’en inspirer. Mais, je ne pense pas que la commission puisse sanctionner un député. Ce travail appartient au parquet.

S’il doit y avoir une suite judiciaire dans cette affaire donc, le parquet devra obligatoirement demander la levée de l’immunité parlementaire d'Ousmane Sonko ?

Absolument, si encore une fois, le Procureur ouvre une enquête. Parce que c’est lui qui est au début du travail judiciaire, en saisissant notamment le juge d’instruction. Le juge d’instruction ne peut entamer une action, tant qu’il n’est pas saisi par le Procureur.

Ousmane Sonko a demandé publiquement au Procureur de s’autosaisir dans cette affaire, qu’est-ce qui explique selon vous, que cela ne soit pas fait, jusqu’à présent ?

Je n’ai malheureusement pas la réponse. Je ne sais pas s’il a des éléments ou pas. Mais comme on dit souvent que le temps de la justice n’est pas le temps de x ou y.


propos recueillis par Bachir Seck Leral

Ndèye Fatou Kébé