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Criminalisation du viol : La difficile application de la loi

Depuis sa promulgation en janvier 2020, l’application de la loi sur la criminalisation du viol pose toujours problème. L’affaire Adji Sarr impliquant Ousmane Sonko, qui vient de déclarer sa candidature pour la Présidentielle de 2024 en est une parfaite illustration.


Rédigé par leral.net le Samedi 20 Août 2022 à 12:11 | | 0 commentaire(s)|

Le 10 janvier 2020, le Président Macky Sall a officiellement promulgué la loi n° 2020-05 criminalisant le viol et la pédophilie à l’occasion d'un dialogue au palais présidentiel, en présence de toutes les parties prenantes œuvrant pour mettre fin aux violences basées sur le genre, notamment les associations de la société civile et les agences des Nations unies. Initialement votée le 30 décembre 2019 par l’Assemblée nationale à l’issue d’un vote à l’unanimité et par acclamation, cette loi augmente la sévérité des peines encourues par les auteurs de viol et de pédophilie. Plus de deux ans après sa promulgation, la loi criminalisant le viol et la pédophilie reste encore trop peu appliquée, dénoncent des militantes féministes.

Avec cette nouvelle loi criminalisant le viol et la pédophilie, le législateur a pris l’option de corser tout simplement les peines. Parce qu’il fallait aggraver les sanctions relatives aux actes de viol et de pédophilie. Quand il s’est agi de procéder à la criminalisation, il ne pouvait pas le faire sans modifier les peines appliquées à ces infractions. Et la première modification, c’est la nature de la peine. Par exemple, on parlait d’emprisonnement pour les délits et des travaux forcés pour les crimes. Maintenant, on parle de réclusion criminelle qui peut aller jusqu’à la perpétuité. Et pour les peines criminelles, il y a également des échelles de peines. Ce sont des peines de 5 à 10 ans ; de 10 à 20 ans et la réclusion criminelle. Alors que les délits se limitent à des peines limitées au maximum à 10 ans. C’est pourquoi il fallait relever le quantum des peines et changer leur nature. Pour la dégradation civique, c’est juste une perte de certains droits. Et ce n’est pas le tribunal qui le dit. Et ladite juridiction n’a pas besoin de le dire. Il suffit juste que la personne soit condamnée à des peines criminelles pour que celle-ci perde certains de ces droits-là. Il s’agit, entre autres, des droits d’être électeur, d’être éligible, d’être témoin ou expert dans un procès et autres, d’être tuteur d’une famille. Tous, des droits que la personne condamnée perd automatiquement. Et pour les recouvrer, ce qu’on appelle la réhabilitation, il faut que la personne fasse en principe la demande 5 ans après avoir été libérée de la peine à laquelle celle-ci a été condamnée. Et tant que cette personne n’est pas réhabilitée, elle ne pourrait et ne devrait pas pouvoir voter ni être éligible à une élection. Avec la déclaration de candidature de Ousmane Sonko pour la Présidentielle de 2024, la question de l’applicabilité de la loi sur le viol revient sur la table. Car depuis février 2021, l’affaire Adji Sarr n’est toujours pas vidée par la justice.

Le scandale auquel était mêlé le leader du Pastef était rapidement politisé, provoquant des manifestations violentes et meurtrières à travers le pays. La Justice a dû reculer. Une chance que n’a pas eu Sitor Ndour dont le dossier a été évacuée avec une célérité suspecte. Pourquoi un deux poids, deux mesures ? Réagissant sur le traitement des cas de viols devant la justice, Nafi Seck, coordinatrice des boutiques de droit de l’Association des juristes du Sénégal (AJS), avait indiqué : « Sur ces 270 cas, nous n’avons encore reçu aucune décision sous le coup de la nouvelle loi. Nous ne savons pas si l’instruction continue, si le dossier sera classé sans suite ou si les accusations de viol seront requalifiées en détournement de mineur ou de pédophilie », soulignant aussi la lenteur de la prise en charge des dossiers, qui nécessite une enquête plus approfondie depuis que le viol a été criminalisé, « alors qu’avant, ce n’était qu’une simple procédure de flagrant délit ».

Il faut également rappeler que face à la pression sociale, de nombreuses femmes se désistent au cours de la procédure judiciaire. « Souvent, le violeur fait partie du cercle proche et des arrangements sont trouvés. Certaines femmes ne sont pas prises au sérieux et sont culpabilisées par les forces de défense et de sécurité. Il faut vraiment continuer de les former pour renforcer leurs capacités d’accueil et de prise en charge.
L'As

Mame Fatou Kébé