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Crise de la dette : L’urgence d’une réforme systémique


Rédigé par leral.net le Vendredi 5 Décembre 2025 à 10:37 | | 0 commentaire(s)|

C’est le paradoxe mortel du financement du développement : Les pays en développement se retrouvent dans un piège financier où ils remboursent massivement plus qu'ils ne reçoivent - 741 milliards de dollars de sorties nettes sur trois ans - tout en faisant face à des coûts d'emprunt records. C'est un transfert net de ressources des pays pauvres vers les créanciers des pays riches, exactement l'inverse de ce qui devrait se produire pour permettre le développement.
Crise de la dette : L’urgence d’une réforme systémique
La crise de la dette n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle et le rapport 2025 de la Banque mondiale révèle une architecture financière internationale profondément dysfonctionnelle. Trois éléments sont particulièrement préoccupants :

L'effet d'éviction des investissements productifs

Quand les gouvernements consacrent 415 milliards de dollars uniquement aux paiements d'intérêts, ces ressources ne vont pas dans l'éducation, la santé ou les infrastructures. Le fait qu'une personne sur deux dans les pays les plus endettés ne puisse pas se nourrir correctement illustre le coût humain direct de cette dynamique. Ce contraste alimente un récit politique fort : la dette est redevenue un frein direct au développement humain.

Un cercle vicieux qui s'auto-renforce

Les pays endettés doivent emprunter à des taux toujours plus élevés (10% sur les marchés obligataires) pour rembourser leurs anciennes dettes, ce qui aggrave leur situation. Les taux d'intérêt à un sommet de 24 ans signifient que chaque nouveau dollar emprunté creuse davantage le trou. Une charge de dette trop lourde fait grimper les primes de risque, donc les taux d’intérêt. Des taux plus élevés renchérissent le coût du refinancement, d’où davantage de dette à des conditions plus dures. Ce cycle devient un piège structurel dont il est impossible de sortir sans réécrire les règles du jeuLa dette cesse d’être un instrument et devient une dynamique incontrôlée.

L'échec du système de restructuration actuel

Malgré 90 milliards de dollars restructurés en 2024, le problème s'aggrave. Les restructurations arrivent trop tard, sont trop limitées, et le système international manque de mécanismes rapides et efficaces pour traiter ces crises de dette.

En fait, le système peut fonctionner quand la volonté politique existe, mais il reste construit pour un monde qui n’existe plus — celui où quelques États riches détenaient la majorité des créances. Aujourd’hui, le Club de Paris ne représente plus que 7 % des dettes. Les créanciers privés ont remplacé les États riches. Résultat : des restructurations labyrinthiques. Plusieurs pays réémergent des restructurations plus fragiles qu’avant, car seules les maturités sont étalées et non les problèmes de fond résolus.

L’architecture à redessiner

L’interaction entre ces trois éléments (effet d’éviction, dynamique auto-renforçante de vulnérabilité, inefficacité des mécanismes de restructuration), produit une situation où l’architecture actuelle n’est plus capable de stabiliser les trajectoires de dette.

Le Rapport de la Banque mondiale appelle implicitement à repenser fondamentalement comment la communauté internationale finance le développement. Le modèle actuel - prêter à des taux commerciaux élevés à des pays vulnérables - est insoutenable et contre-productif. Sans réformes majeures, nous risquons de voir une génération perdue dans les pays en développement, avec des conséquences géopolitiques et migratoires considérables pour l'ensemble de la planète.

Une réforme systémique nécessite un mécanisme de restructuration plus rapide et contraignant ; une implication obligatoire des créanciers privés ; une transparence accrue des engagements publics ; des règles claires pour la dette domestique dans les restructurations ; des instruments contre-cyclicques et garanties multilatérales pour lisser le risque.
Sans changement de cadre, les pays endettés seront condamnés à gérer des crises en boucle — plutôt que d’en sortir.
Malick NDAW
 
 



Source : https://www.lejecos.com/Crise-de-la-dette-L-urgenc...

La rédaction