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DEUX LIVRES1 POUR « UNE REVOLUTION DES MENTALITES » 2 : Lecture croisée

Un conte pour illustrer mon propos : Dof Diop, un homme à la tête à moitié vide, a toujours vécu dans une paisible bourgade d’une centaine d’habitants. Un jour, je ne sais comment ni pourquoi, il débarque dans la grande ville : Dakar. Affolé par le bruit, les véhicules, pousse-pousse et par le monde fou qui grouillait dans les rues, sa tête s’évide d’avantage. Complètement désorienté et craignant se perdre ou, s’il s’endort, de ne plus pouvoir se reconnaitre à son réveil au milieu d’une telle foule, il s’attache des bouteilles aux chevilles et autour du cou comme signe d’identification.


Rédigé par leral.net le Mardi 27 Juillet 2010 à 20:11 | | 0 commentaire(s)|

Nataxuna Ndiaye, un marchand ambulant de Sandaga qui semble avoir deviné le sens de son geste (parce que les Diop et les Ndiaye se comprennent d’instinct, dit-on). Nataxuna Ndiaye donc, attend que son cousin s’endorme pour lui retirer les bouteilles et les attacher autour de ses propres chevilles et cou. Il se couche ensuite à ses cotés, à même le sol du grand marché.
À son réveil, Dof Diop voit les bouteilles sur le marchand. Il pense : « C’est moi, moi seul qui me suis attaché des bouteille aux chevilles et au cou. Alors, cet homme aux bouteilles…, n’est-il pas moi ? »
- Yaay Kan ? Qui es-tu ? lui demande t-il, affolé.
- Je suis toi, répond le plaisantin.
Alors Dof Diop terrorisé de s’écrier : « Ah ! Malheur ! Si tu es moi, si tu es vraiment moi, alors qui suis-je ? »
Face à la peur panique de Dof Diop, Nataxuna Ndiaye, l’idiot, commence à douter de son identité. Il s’ausculte. Se palpe. Se « repalpe ». Puis, d’une voix apeurée : «Je ne sais plus. Je ne sais vraiment plus. »
La question est posée : Yaay Kan ? Qui es-tu ?
Question « essentielle et grave », ouverte et inclusive. Elle s’adresse à nous tous : Toi, moi, tout le monde. Car Yaay Kan ? est un simple « Regard sur Xàll Yoon »3. La peinture naïve d’une société qui s’ignore, d’unes société habitée par des hommes et des femmes « minuscules », de moindre envergure que Dof Diop, car n’éprouvant plus, hélas, le besoin de savoir qui ils sont. Une société où le vol, le viol, le mensonge et le parjure sont banalisés, où « le sang servile pourrit les cœurs nobles », où « l’arbre généalogique n’est plus que bois mort » et où « les enfants naissent prisonniers du filet des errements de leur géniteur et, avant même qu’elle s’éclose, perdent leur candeur ».
« Une société où, selon un extrait des Chantiers de l’Homme, la politique n’est plus qu’une simple profession garante d’une vie de mollesse et de loisir. Où se servir du pouvoir pour s’enrichir semble faire parti de la norme sociale (…) Où l’argent confère des talents tout comme la pauvreté implique l’incompétence et que la ruse et les combines garantissent le succès (…) Où la souffrance des plus pauvres est devenue un simple appât, comme une machine à attirer des sous. Où le travail appauvrit l’homme au lieu de l’enrichir… »
« Une société où, selon le même texte, des quartiers entiers sont transformés en marché ou en grands ateliers, des établissements scolaires en souks, des coins de rue en urinoirs ou en dépotoirs, des murs en tableaux d’affichages. »
Yaay Kan ? Qui es-tu ?
« Pose la question à qui il te plait … Et il te tendra sa carte d’identité, nous dit le conteur de Regard sur Xàll Yoon, s’il ne te donne le crédit de son compte bancaire, le numéro, la marque ou la valeur de son véhicule ou de sa villa; ou peut-être te dira t’il la fonction qu’il occupe ou qu’il a eu à occuper ou seulement qu’il rêve d’occuper… Les moins idiots te chanteront la beauté ou les charmes de leur femme, les succès de tel parent ou ami, les exploits de leur père… »
Yaay Kan ? Qui es-tu ?
« Je suis moi. Je n’ai que moi. Ma vie est la valeur suprême, mon plaisir son unique objet » répond Awa, une jeune fille de Xàll Yoon, à l’occasion d’une des interminables palabres autour de la théière tant prisées dans ce quartier de ville d’Afrique.
« Nous sommes les vainqueurs de la grande compétition des générations (…) La terre promise, c’est notre bienheureuse époque à nous Peuple de Dieu qui y sommes nés libres et lumineux » chante en chœur son groupe d’amis en dansant et en se rengorgeant tandis qu’écumait le thé.
Et Faatu de dire en pleurant pour dégager toute responsabilité lorsqu’elle fut accusée de prostitution par Demba, son petit ami : « Je suis une pauvre fourmi tremblante parmi la fourmilière qui grouille… et m’entraine … »
Car, pleure-t-elle : «Je ne crains rien plus que l’indifférence et les clins d’œil malveillants (…) Hélas ! Le modèle est là-bas, hors de ma portée, qui m’impose comment je dois me vêtir, me coiffer, me nourrir (…) La mode me bouscule, me presse sans pitié et m’oblige à la suivre sous peine d’être en reste, d’être marginalisé, de mourir !»
« Et pourtant, chante le conteur, il fut un temps où la réponse à la question Yaay Kan ? qu’elle soit adressée à n’importe quelle personne dans la cité, fut-elle le dernier des esclaves, coulait pure sans rencontrer aucun obstacle (…) En ces temps bienheureux, le soleil de la vérité était à son zénith (…) En ces temps-là, l’homme trouvait très tôt la porte de son cœur. »
Aujourd’hui, hélas, peut-on lire dans les Chantiers de l’Homme : « Nous sommes comme dans un bal masqué où chacun se déguise comme il veut et change de déguisement quand il veut. »
« Je ne suis pas moi …, disait le jeune fou de Xàll Yoon. Je vous jure que je ne suis pas moi, criait-il. Je vous parle et vous me voyez, là devant vous, mais méfiez-vos, je ne suis pas moi : Je suis un masque ! Une tromperie ! Une marionnette entre les mains de mes maitres et ennemies ! »
Mais, ce que les parents ont tu, les fils le proclament, disait le philosophe.
Alors, Billy Joe, fils de Faatu, au summum de son désespoir lorsqu’il fut confronté à la question Yaay Kan ? , de s’écrier, en maudissant ses père et mère : « Je suis le fils de personne (…) Je suis l’arbre qui se meurt trahi par ses racines, les racines trahies par la terre nourricière, la terre trahie par son humus et que fuit la verte prairie. »
« Je suis le désert qui s’avance, qui s’avance inexorablement. Qu’irai-je apprendre ? Où ? Quel savoir voulez-vous que j’aille chercher ? Dans quel livre ? Quelle épopée me chantera quel griot ? Quel héritage voulez-vous que je perpétue ? Où ? Non ! Non ! Laissez-moi dormir. Laissez-moi oublier. Laissez la fumée du chanvre obscurcir mon esprit. »
Le malheur de Billy Joe était grand. Car il venait d’éprouver « ce vent glacial qui traverse l’âme hors de la chaleur du groupe, quand cesse le vacarme et que s’estompe l’ivresse : l’horreur de ce terrible réveil qui dissipe ton jardin et te dévoile le désert », dont parlait Lakkale.
Mais avertissait Amul Yaakaar, le politicien, lorsqu’il perdit la foi en l’action politique et aux hommes politiques, « les bergers se sont fait troupeau et le troupeau faute de meneur s’est dispersé. »
Car, dit-il par ailleurs, « Fini le temps des flambeaux ardents qui réchauffaient les cœurs des hommes (…) Les cierges ne donneront pas leur lumière (…) Les aubes sont sans avenir. »
« Et l’être humain n’a plus qu’un seul objectif : jouir, un seul souci : sa personne, une seule loi : la force et/ou la ruse. » « Et le maitre spirituel fréquente les sentiers tortueux et les ruelles sordides en quête d’aventure et de sensations fortes. »
J’ai cité les Chantiers de l’Homme.
Et la politique, il est vrai, ne vaut plus la peine d’être pratiquée, car les partis politiques sont devenus « un ramassis d’égoïste, d’opportunistes !... de tricheurs ! » se désole Amul Yaakaar.
« Et notre société n’est plus qu’une grande masse errante, bavant, couverte de sueur et soulevant une tornade de poussière en un grondement de tremblement de terre … »
Et la vie ne vaut plus la peine d’être vécu.
Et clame Billy Joe dans sa cellule de prison : « Être une bombe ! Faire exploser la planète terre ! Telle est la solution ! L’unique solution ! »
Et sa mère Faatu de jalouser la légère libellule et de souhaiter « être de ces créatures gracieuses qui, sans mémoire aucune, légères, cheminent, libres du fardeau de la connaissance. »
Car, pense-t-elle, « savoir, c’est souffrir », « l’inconscience, c’est le paradis »
Yaay Kan ? Qui es-tu ?
« Je suis semeuse…, répond Ndey Kumba.
Et, d’une main pieuse, je sème, le cœur ému, l’âme en prière, un psaume sur ma bouche ardente, cette graine, faite de mon sang et de ma chair écarlate. »
Comme toute les semeuses, Ndey Kumba est dotée de la vertu de ressusciter, de sauver.
C’est elle, Ndey Kumba, qui n’éprouve aucune honte à être appelée Ndey Tooye ou Ndey La Folle, qui dira la note d’espoir en ces termes : « La sécheresse qui, aujourd’hui triomphe, demain sera vaincue et l’abondance, de nouveau, réjouira les regards. Ce soleil blême qui tombe dans l’abime, demain se relèvera plus beau et plus rayonnant. Ce malade que tu crois mourant, demain sera debout, et vivra éternellement, parce qu’il croit en la vie. »
« Derrière les voiles obscures de la nuit, se cachent les objets, même si tu ne les vois pas », dit-elle par ailleurs.
Avant de conclure : « Nous ne pouvons rien pour nos pères, très peu pour nous même, mais tout pour nos fils. »
Mais pour cette reconquête, il nous faut réapprendre les valeurs.
« Il nous faut, comme dit Lakkale, combattre les vices, les tares, les mauvaises habitudes qui sont en nous et qui puent telle une charogne putride, combattre cette épaisse couche d’ombre qui nous environne, mais aussi et surtout le système dans lequel nous vivons, et qui les a enfantés eux et cette misère qui les perpétue et qui nous tue. »
Il nous faut ouvrir les Chantiers de l’Homme, comme le rêve mon frère, le sénateur Mohamed Fadel GAYE, et savoir comme dit le Cardinal Theodore André Sarr que « l’essentiel n’est ni dans l’avoir ni dans le pouvoir mais plutôt dans l’être » et que « le ciel, ce n’est pas le tapis bourbeux sur lequel nous pataugeons, mais la voute étoilée au-dessus de nos têtes , Il nous faut bien la regarder et y choisir une étoile ou un groupe d’étoiles pour nous guider , et être fidèle et constant dans notre quête. »
J’ai cité les Chantiers de l’Homme.
ABDOU KHADRE GAYE
Président de l’EMAD
Tel : 33 842 67 36 Mail : emad_association@yahoo.fr

1 / Il s’agit des livres « Yaay Kan? » et « Les Chantiers de L’homme » d’Abdou Khadre Gaye édités par le Nègre International.
2/ « Les livres d’Abdou Khadre GAYE appellent a une révolution des mentalités » disait Saér Ndiaye, Directeur éditorial du Nègre International.
3/« Regard sur Xàll Yoon » est le sous titre de l’ouvrage.





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