leral.net | S'informer en temps réel

De la presse à l’automobile : Quand les choix politiques nous poussent à changer de métier Par Kémo Daffé, journaliste

Depuis le lancement du plan de redressement économique par le Premier ministre Ousmane Sonko, je ressens un profond malaise. Un malaise professionnel, mais aussi personnel. Car à la lumière des propos tenus lors de cette annonce, j’envisage aujourd’hui, si Dieu le veut bien — Inshallah — de suspendre mon métier de journaliste pour me lancer dans le business de l’automobile.


Rédigé par leral.net le Dimanche 3 Août 2025 à 17:37 | | 0 commentaire(s)|

Ce n’est pas une décision prise sur un coup de tête. C’est une conséquence directe d’un discours qui a, à mes yeux, marqué un désengagement de l’État envers le secteur des médias. Pourtant, à l’arrivée du tandem Diomaye–Sonko au pouvoir, j’étais rempli d’espoir. Un vent de réforme soufflait. Le budget d’appui à la presse avait été doublé, passant de 1,9 milliard à 4 milliards de francs CFA. L’on croyait alors à une presse renforcée, au service de la démocratie.

Mais dans les faits, ces fonds n’ont pas été débloqués ni en 2024, ni en 2025, et rien ne semble garantir qu’ils le seront en 2026. Et le Premier ministre lui-même semble désormais indiquer que les journalistes ne doivent plus attendre grand-chose de l’État :

« Le modèle ne peut pas être uniquement adossé sur les relations avec l’État ou le financement public. »

En d'autres termes : débrouillez-vous.

L’automobile, une autre priorité de l’État ?

Pendant que la presse peine à survivre, le secteur de l’automobile, lui, bénéficie d’une annonce forte : l’augmentation de la limite d’âge des véhicules importés, de 8 à 10 ans — voire 15 ans pour certaines catégories. Une mesure justifiée, dit-on, par une volonté d’élargir les opportunités économiques. Mais qu’en est-il des impacts réels ?

Historiquement, sous le président Abdoulaye Wade, la limite d’âge avait été fixée à 5 ans. Cette politique était accompagnée de mesures concrètes : mise en place de services techniques pour le contrôle des véhicules, et lancement d’usines de montage à Thiès. Sous Macky Sall, la limite est passée à 8 ans. Résultat : une explosion du nombre de véhicules sur nos routes, une hausse des accidents, une dégradation visible de l’environnement et une augmentation inquiétante des maladies pulmonaires.

Et pourtant, le nombre de centres de contrôle technique n’a pas suivi. Aujourd’hui, pour passer le service des mines, il faut prendre rendez-vous des semaines à l’avance et supporter de longues files d’attente.

Et maintenant, en 2025, alors qu’on nous parle de souveraineté dans le cadre de la vision "Sénégal 2050", voilà que le gouvernement veut autoriser l’importation de véhicules vieux de 15 ans. Cela soulève plusieurs questions :

Est-ce ainsi qu’on entend protéger l’environnement ?

Est-ce compatible avec les objectifs de sécurité routière ?

Est-ce cela, la souveraineté : inonder nos routes de véhicules usés tout en négligeant la presse, pourtant essentielle au contrôle citoyen de l’action publique ?


Une proposition citoyenne

Si cette mesure doit être appliquée, je formule une suggestion : accorder à chaque immigré sénégalais le droit d’importer un véhicule de 10 à 15 ans, dans le cadre d’un système encadré, avec un quota ou un régime préférentiel. Cela permettrait d’éviter la saturation des marchés locaux tout en générant des opportunités pour nos compatriotes établis à l’étranger.

Mais au fond, ma décision de me tourner vers l’automobile n’est pas un choix de passion. C’est une décision réaliste. Quand un gouvernement ne soutient plus un secteur aussi vital que la presse, quand les priorités sont ailleurs, il faut repenser ses engagements. Et si l’État considère que les journalistes doivent "faire autre chose", alors je prends cette parole au mot.

Si l’État ne soutient plus durablement le secteur de l’information, il faut envisager d’autres alternatives économiques. Mais je reste convaincu qu’une nation qui mise sur une presse libre, professionnelle et bien financée est mieux armée pour relever les défis du développement.

Kémo Daffé journaliste citoyen Sénégalais engagé pour des causes nobles