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ENTREE A L’OPEP : Le Sénégal poireaute


Rédigé par leral.net le Lundi 4 Août 2025 à 00:00 | | 0 commentaire(s)|

Pour franchir la porte de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), il faudra au Sénégal de gagner en puissance, en fiabilité et en influence. Pour l’instant, la stratégie relève surtout de la projection d’image : se faire reconnaître comme un acteur énergétique sérieux, avant d’être un acteur incontournable. Entre ambitions diplomatiques et réalités économiques, le Sénégal joue une partition délicate. La gestion du contentieux avec Woodside sera décisive pour convaincre l’OPEP qu’il est non seulement un producteur, mais surtout un partenaire fiable sur le marché mondial du pétrole.
ENTREE A L’OPEP : Le Sénégal poireaute
Cela fait un an, presque jour pour jour, le 1er juillet 2024, le ministre Birame Souley Diop, en charge de l’Energie, du Pétrole et des mines, annonçait malencontreusement que le Sénégal avait officiellement rejoint les pays membres du Cartel du pétrole, l’OPEP. Une grosse bévue vite réparée par l’hebdomadaire Jeune Afrique qui, après recoupements, avait démenti l’information. Et pour cause… N’entre pas à l’Opep qui veut et, un an plus tard, le Sénégal tape toujours à la porte du Cartel mené, rappelons-le, par l’Arabie Saoudite qui représente le tiers de la production mondiale de brut.

En fait, si les règles de l’organisation n’ont pas changé, ce n’est pas demain la veille que le Sénégal verra la porte s’ouvrir. L’Egypte qui produit 600.000 barils/jour, n’est pas membre de l’Opep, alors avec un potentiel de 100 000 baril/jour, le Sénégal risque de poireauter longtemps devant la porte, même si, il est vrai, les statuts de l’institution ne fixent pas de production minimale. Il faut tout de même produire un volume de pétrole significatif pour être membre. Le Secrétaire général de l’OPEP, Haitham Al Ghais, l’a d’ailleurs rappelé récemment, lors du séminaire international de l’OPEP en juillet 2025 et auquel le ministre sénégalais en charge du secteur avait été convié, que l'organisation restait ouverte à de nouveaux membres, « à condition qu’ils remplissent les critères statutaires, notamment un statut de « exportateur net significatif »..

Cette question des volumes est cruciale au sein de l’Opep et, en tant que principal producteur mondial, l’Arabie Saoudite qui détient un pouvoir stratégique au sein de l’OPEP garantit la discipline des quotas et ajuste sa production pour stabiliser le marché mondial. L’article 7 des statuts de l’OPEP requiert l’unanimité des membres pour accueillir un nouvel État. Mais l’Arabie Saoudite joue un rôle clé car, de facto, elle dispose d’un veto politique sur toute adhésion. Aussi, toute candidature africaine doit ainsi recueillir son aval pour intégrer formellement l’organisation.
 
Les règles sont claires
 
Cela se comprend à plusieurs niveaux car, outre les contraintes réglementaires (l’OPEP impose le respect des quotas et des mécanismes de solidarité entre membres), il y a la crainte de dilution de l’efficacité du cartel dont l'intégration de nouveaux pays à faible production pourrait complexifier la coordination des politiques de production. Or, avec 100 000 barils/jour, le Sénégal reste un petit producteur comparé aux pays membres traditionnels, ce qui limite son poids politique. Un État candidat doit produire plus de pétrole qu’il n’en consomme, pour disposer d’un surplus exportable. Le pays doit démontrer qu’il peut ajuster sa production pour participer aux stratégies collectives de l’OPEP. Les règles sont claires et cela implique des infrastructures pétrolières fiables, une prévisibilité des volumes et la capacité d’appliquer des quotas sans affecter son économie domestique. Or, le Sénégal consomme une part significative pour son marché intérieur, ce qui réduit sa marge d’exportation.
 
Il y a aussi que l’adhésion à l’Opep impose la soumission aux décisions collectives, même si elles vont à l’encontre d’intérêts immédiats. Cette discipline est un point de blocage pour les petits producteurs, qui ont besoin de rentabiliser rapidement leurs installations. La dimension politique de l’Opep n’est tout de même pas négligeable car l’organisation est aussi un club stratégique et suggère un alignement géopolitique. Les candidats doivent avoir une politique énergétique alignée avec la vision de stabilité des prix et, une neutralité ou des alliances claires avec les puissances du Golfe et les grands exportateurs, favorisent l’entrée.

Les exemples du Gabon et du Congo sont assez illustratifs. S’ils ont pu intégrer l’OPEP malgré de petits volumes, c’est parce qu’ils ont démontré une capacité de discipline et ont maintenu des relations politiques stables avec l’Arabie Saoudite et les Émirats. En revanche, le Brésil et le Mexique, gros producteurs, n’ont jamais adhéré car leur politique énergétique nationale restait trop indépendante. On peut dès lors se demander pourquoi le Sénégal cherche-t-il à intégrer l’Opep ?

Symbolique avant d’être stratégique

Sous le sceau du PSE, ou celui de "Sénégal 2050", Dakar voit dans l’adhésion à l’Opep une crédibilité accrue sur le plan international, notamment dans la négociation avec les compagnies pétrolières et les investisseurs ; mais aussi un accès à des réseaux d’influence et à des mécanismes de coordination sur les marchés énergétiques. Mais si on reste dans l’actualité, Dakar y voit des effets symboliques forts avec un renforcement du plan national "Sénégal 2050", qui vise à redéfinir l’économie du pays avec le pétrole comme levier ( Le Monde.fr).

Au stade actuel, le Sénégal est plutôt candidat à un statut d’observateur actif qu’à une adhésion pleine. Son influence pourrait croître avec la montée en puissance de Sangomar et l’arrivée de futurs projets gaziers.

Dakar, quelle crédibilité ?

L’OPEP recherche des membres capables de contribuer à la stabilité du marché. Or, le contentieux Etat Sénégal-Woodside pourrait avoir une incidence sur l'entrée ou pas du Sénégal à l'opep. Un litige ouvert avec Woodside Energy, opérateur principal du champ Sangomar et pilier de la première production pétrolière du Sénégal, pourrait être perçu comme un risque sur la continuité de la production. Par ailleurs, toute incertitude juridique affectant la sécurité des volumes exportables ou les investissements futurs diminuerait la crédibilité du Sénégal à assumer des quotas de production. De plus, l’OPEP fonctionnant aussi comme un club de producteurs fiables, la confiance des majors pétrolières est un signal indirect aux pays membres. Un conflit prolongé pourrait ainsi retarder les investissements dans les infrastructures, réduire la montée en puissance des exportations et fragiliser l’argument économique du Sénégal pour son adhésion.

Il faut souligner que les membres historiques, notamment l’Arabie Saoudite et les Émirats, privilégient l’entrée de pays offrant une prévisibilité politique et contractuelle. Un litige avec l’opérateur principal pourrait être interprété comme un risque de gouvernance, même s’il n’est pas lié à des questions géopolitiques au sens strict. Sous rapport, tant que le contentieux Etat du Sénéga-Woodside n’est pas résolu, la candidature pourrait être mise en attente ou limitée à un statut d’observateur. Une solution amiable ou un arbitrage favorable est quasi indispensable pour présenter un dossier solide à Vienne.

En définitive, on peut dire qu’un différend ouvert entre Dakar et Woodside est de nature à affaiblir la fiabilité perçue du Sénégal aux yeux de l’OPEP. Pour espérer franchir la porte du cartel de Vienne, le pays devra afficher une stabilité contractuelle, une Sécurité juridique pour les opérateurs et des volumes exportables garantis sur plusieurs années. La clé pour l’OPEP, ce n’est pas seulement le volume mais la prévisibilité et la discipline, pour ne pas dire la stabilité de la gouvernance pétrolière. Un contentieux durable fragilise à la fois les recettes pétrolières du Sénégal, sa capacité à respecter des quotas, ainsi que son image diplomatique de partenaire fiable.
Malick NDAW



Source : https://www.lejecos.com/ENTREE-A-L-OPEP-Le-Senegal...

La rédaction