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Editorial: Khalifa Sall, j’avais pourtant commencé à l’aimer (Par Babacar Touré)


Rédigé par leral.net le Mercredi 8 Mars 2017 à 08:31 | | 0 commentaire(s)|

On l’attendait sur le plan judiciaire: qu’il apporte les preuves de son innocence sur les supposés délits de détournements de fonds, de faux et usage de faux effectués au détriment du trésor public; délits qui lui valent, aujourd’hui, sa convocation devant les juges. Mais, le maire de Dakar s’est signalé sur le terrain de l’appel à l’insubordination.

Hier, au sortir de son face-à-face raté avec le juge d’instruction qui devait l’inculper et lui signifier sa mise sous mandat de dépôt, Khalifa Sall, candidat déclaré à la future présidentielle du Sénégal et jusqu’hier l’un des hommes les plus policés et des plus courtois que le Sénégal ait connus, s’est découvert une nouvelle mission: comme le Ché, il veut affronter « le pouvoir injuste de Macky Sall » et l’obliger à cesser « son instrumentalisation de la justice. »


Pour arriver à ses fins, le premier magistrat de Dakar s’est offert un bain de foule sur les perrons de la Mairie de Dakar et a demandé à ses caudataires moutonniers de se préparer à régler son dossier, « politiquement». A troubler l’ordre public pour lui permettre, lui le bénéficiaire et l’ordonnateur principal du « vol de deniers publics », de se soustraire à la loi. Et profiter tranquillement du fruit de son « action délictueuse » au détriment du peuple. De qui se moque Khalifa pour croire que les Sénégalais sont si bornés pour l’accompagner dans son chantage?

Loin de l’infligeante image d’un candidat à la Présidence qui pleurnichait comme un gamin interdit de cours de récréation, c’est un chef tribun qui a fait face à ses partisans. Et ordonné à ses lieutenants de lâcher les vandales, casser, brûler et détruire tout dans les rues de Dakar. Pour faire peur à l’Etat et obliger Macky Sall à négocier.

« C’est moi qui ai toujours retenu les gens pour empêcher qu’il y ait de la violence. Mais, puisque cette affaire est éminemment politique, il appartient à mes camarades de le régler sur le plan politique. Maintenant, vous êtes libres et devez sortir dans les rues » et leur montrer qu’ils n’ont pas le monopole de la violence. Quelle lâcheté!


Comme si on assistait à un discours de l’opposant Abdoulaye Wade, dans les années 90, Khalifa Ababacar Sall -qui s’est montré aux côtés de ce même Moustapha Sy, le guide des Moustarchidine Walmoustarchidati, homme de main et complice éternel du Pape du Sopi- a décidé de se lancer dans une campagne d’insubordination replongeant, du coup, les populations dans le douloureux souvenir du 16 février 1994 lorsque 6 policiers avaient été assassinés lors d’une marche interdite de ces mêmes Moustarchidines, alors alliés du PDS.

Qu’elle mouche a piqué Khalifa Sall pour faire une telle déclaration? Comment cet homme si paisible, ce gendre d’apparence idéal, est-il tombé si bas?

Avec sa malheureuse sortie médiatique d’hier, il a perdu toute l’estime que je lui portais et ce sentiment qui commençait à m’habiter à l’idée qu’il pourrait être victime de règlement de comptes politiques. Cet homme, que je commençais à aimer, que je croyais possible victime d’un complot orchestré par Ousmane Tanor Dieng et Abdou Diouf me donne aujourd’hui; l’image d’un parfait coupable. Je le présume coupable de tout ce qu’on l’accuse.

Quand on est innocent, on marche droit, on appelle à l’apaisement. On est pressé d’avoir une tribune pour plaider son innocence. On donne les preuves de sa bonne gestion. Mais, dans ce dossier, tout accuse Khalifa Sall. Et, en refusant de donner les noms des bénéficiaires des 30 millions mensuels qu’il prenait à la caisse d’avance, Khalifa Sall avoue qu’il ne les distribuait rien à aucun nécessiteux; à moins que ces démunis soient ses partisans proches et amis.

Comme si les charges d’escroquerie qui pèsent déjà contre lui ne suffisaient pas à son malheur, le maire de Dakar s’est mis à dos de nouveaux délits. Il serait loisible au procureur de la République de lui imputer les délits d’appel à l’insurrection et de trouble à l’ordre public. Circonstances aggravantes, ces appels à troubler l’ordre public ont été faits par voie de médias.

Comment peut-on construire une ville, la rendre belle avec des pavées et des caméras de surveillance sans parler de l’éclairage, la chérir et appeler des vandales à la détruire?

Comment peut-on prétendre aimer un peuple, aspirer à le diriger et venir terroriser ces mêmes populations par des appels à l’insurrection ? « Moi en prison on va bruler ce pays », semble nous dire Khalifa Sall, dont le premier lieutenant, Barthélémy Diaz, nous a déjà montrés de quoi il est capable; en tirant sur des hommes non armés!

Quelle bassesse monsieur le Maire! Et dire que j’avais déjà commencé à prendre fait et cause pour lui!

Je ne sais pas si la nuit lui a permis de mesurer les conséquences de ses mots de la veille, mais la conséquence directe de ses appels à l’insurrection, ont été que la Corniche Ouest de Dakar comme certains quartiers de la capitale sénégalaise ont connu des troubles graves, toute la nuit.

Ce matin, on a découvert que 3 véhicules appartenant à l’Agence nationale de la Case des Tout- Petits, ont flambé à Liberté 6. Et, si on suit les plans de Khalifa Sall, les foyers de tension risquent de se multiplier dans toute la capitale atteignant le reste du pays obligeant, ainsi, l’Etat -puisqu’il faut protéger les citoyens et leurs biens- à faire sortir les forces de l’ordre. A défaut de vouloir ça dans notre capitale, on doit mettre du blanc sur sa gestion de la mairie de Dakar et passer à autre chose. Ca s’appelle le chantage.

 


Ndèye Fatou Kébé