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Emigration clandestine, situation des jeunes: Le discours poignant de Théodore Monteil

Rédigé par leral.net le Vendredi 4 Décembre 2020 à 11:48 | | 0 commentaire(s)|

Depuis un bon moment, le pays est secoué par l'émigration clandestine qui a entraîné plusieurs pertes en vies humaines. Le député Theodore Monteil a, lors de sa plaidoirie à l'Assemblée nationale, tenu un discours poignant sur la situation des jeunes ainsi que sur ce phénomène.


Comme dans un poème, Chérif Théodore Monteil a livré hier, un discours mémorable devant l’Assemblée nationale. Le député de la majorité présidentielle a invité ses collègues à prêter une oreille attentive aux cris de détresse et de misère des jeunes.
« Honorables députés, c’est à vous que je m’adresse. Nous sommes à l’aube d’une société à deux vitesses alors que certains croupissent dans la misère et la promiscuité au point de tenter le désert et l’océan, d’autres montrent, ostentatoirement, leur réussite sociale. En tant qu’élus, nous ne pouvons plus faire semblant d’ignorer la misère, la détresse et les multiples souffrances de nos enfants. Il nous incombe de leur proposer une alternative ici, dans leur pays. Il nous revient de développer les apprentissages pour que chaque jeune ait la possibilité de s’insérer économiquement pour contribuer à la construction de notre futur. Nos écharpes ne doivent pas servir à essuyer les larmes des mères éplorées. C’est ici, dans cette assemblée nationale, que nous pouvons faire quelque chose pour eux. Honorables députés, je vous invite à méditer les mots de Césaire : « Un homme qui pleure n’est pas un ours qui danse ». Nous devons nous poser la vraie question : Que vont-ils chercher en Europe ? Tous les maux d’une société, commencent par le délitement du socle familial. Lorsque le couple mère/enfant n’est plus en sécurité, il ne peut plus y avoir d’espoir. Voilà plusieurs années que je vous parle de Modou, mon jeune frère, ndongo daara, sans parvenir à vous émouvoir. Aujourd’hui, Modou a décidé de monter dans une pirogue pour réaliser un rêve ailleurs. Et comme dans le viatique de Birago Diop, il a demandé à sa maman de tremper les trois doigts dans les trois canaris où soufflent les ancêtres. Trois doigts levés aux vents du nord, aux vents du levant, aux vents du sud et du couchant. Trois doigts pour calmer les tempêtes et la force des eaux. Mais où est le monde, où sont les sages qui veillaient sur leur peuple ? Maman, lorsque le pélican de Dioudj viendra t’annoncer la funeste nouvelle que lui a transmis l’albatros des îles des bienheureux, ne verse aucune larme. Ces oiseaux font depuis des siècles la traversée sans visa contrairement à nous. Des larmes, tu en as assez versé lorsque père m’a abandonné au bourreau, tu en as assez versé lorsque dans le dénuement total, nous étions contraints à partager la même chambre. Maman, je t’épargne le récit de notre dur périple en mer car je sais qu’aucun cœur de mère, ne supporterait ce que ton enfant a enduré avant d’être avalé par les flots. Tu diras aux mères des centaines de mes compagnons, que leurs enfants ont chaviré, dignement. Pardonne-moi et que ton cœur de mère me comprenne. Ton enfant adulte ne pouvait plus supporter de croiser ton regard. Maman, pardonne à tout le monde. Aux passeurs qui nous ont présenté l’enfer comme le paradis. A ceux qui nous prennent pour des écervelés. Mais aussi, à ceux qui, du haut de leurs responsabilités politiques n’ont rien fait pour qu’on garde l’espoir d’être heureux sur notre terre natale. Maman, sèche tes larmes même si je sais que tu ne seras jamais consolée de me savoir au fond de l’Atlantique », a-t-il récité comme dans un sombre poème.