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Escroquerie : La sœur d’un ex ministre, écrouée


Rédigé par leral.net le Vendredi 30 Mai 2025 à 10:16 | | 0 commentaire(s)|

Escroquerie : La sœur d’un ex ministre, écrouée
Sœur d’un ancien ministre d’État, Adji Seynabou Fall est aujourd’hui poursuivie par une dizaine de victimes pour escroquerie. Son mari, Pape Ousmane Lô, est également impliqué dans cette affaire tentaculaire.

Infirmière de profession, mais autoproclamée femme d’affaires, Adji Seynabou Fall, sœur d’un ex ministre bien connu, est au centre d’un vaste scandale financier qui fait les gros titres. Selon les révélations du journal "L’Observateur", reprises par "Senenews", treize parties civiles se sont constituées et plus de 100 millions de francs Cfa auraient été détournés dans cette affaire, impliquant également son époux. Le couple a comparu mardi dernier devant le tribunal correctionnel de Pikine-Guédiawaye, pour escroquerie, association de malfaiteurs et blanchiment de capitaux.

Officiellement affectée dans une zone rurale, l’infirmière Adji Seynabou Fall n’a jamais rejoint son poste. D’après "L’Observateur", elle a plutôt ouvert un cabinet paramédical à Rufisque, dans le quartier Arrêt Chérif. Mais les loyers impayés s’accumulant, elle finit par être expulsée. Elle trouve alors refuge à Zac Mbao, où elle installe son quartier général à partir de 2024, orchestrant depuis cette base, un réseau d’escroquerie aussi discret qu’efficace.

Présentée tour à tour comme fournisseuse de matériel médical ou gestionnaire de marchés publics, elle parvient à soutirer des sommes variant entre 500 000 et 15 millions FCfa à des victimes issues de tous les milieux sociaux. La promesse de rendements mirobolants séduit, et les transactions, parfois orales, sont appuyées par des bons de commande falsifiés, des factures pro forma ou encore de faux contrats. "L’Observateur" rapporte qu’elle usait même de faux cachets d’hôpitaux et de cartes professionnelles trompeuses.

Parmi les victimes, on retrouve deux journalistes connus, un douanier, un imam, une caissière d’agence de voyage, des commerçants et plusieurs émigrés. L’imam Moctar S., de Zac Mbao, affirme avoir perdu plus de 23 millions FCfa, en trois prêts successifs. D’autres, comme l’informaticien retraité Alassane L. ou Maïmouna D., décrivent une stratégie redoutable mêlant séduction, fausses promesses et disparition soudaine. L’un des témoignages repris par "L’Observateur", évoque sa manière envoûtante de convaincre : « Elle te paie un petit bénéfice au début, puis te relance le soir pour remettre le double ».

Le stratagème reste toujours le même : avances récupérées grâce à des remboursements partiels, puis réinvesties dans des marchés fictifs. Elle utilise plusieurs téléphones, change d’adresse régulièrement et finit par se volatiliser. D’après "L’Observateur", ses victimes l’ont finalement retrouvée dans une clinique clandestine située à la Cité Total, derrière Keur Mbaye Fall, où elle menait des consultations dans un local et stockait de faux équipements médicaux dans un autre.

Lors de son arrestation, elle détenait cinq téléphones portables, de fausses cartes professionnelles et des talismans supposés la protéger. Ces détails troublants sont confirmés par les sources policières citées par "L’Observateur".

Un mari complice… ou manipulé ?

Son époux, Pape Ousmane Lô, électromécanicien de métier, nie toute implication, affirmant ignorer les activités frauduleuses de son épouse. Cependant, selon plusieurs témoignages recueillis par "L’Observateur", il aurait assisté à des transactions clés. Ses cartes de visite retrouvées dans la clinique le présentaient comme directeur administratif d’une société fictive. Une des parties civiles, Siaka M., l’a d’ailleurs directement cité dans sa plainte.

Au cours de l’audience, les avocats de la défense ont vigoureusement contesté plusieurs accusations. L’avocat de Pape Ousmane Lô a déclaré : « La vérité, on ne la cherche pas, on la constate. Il n’y a aucune preuve que mon client est complice de son épouse. C’est lui-même qui s’est présenté de son propre chef à la brigade de gendarmerie, où il a été arrêté et son véhicule saisi. Ce dossier est vide. Pape Ousmane est une victime, un simple cheveu dans la soupe ».

De son côté, l’avocat d’Adji Seynabou Fall a rejeté l’accusation de blanchiment de capitaux. Il affirme que sa cliente est victime de la précipitation et de la cupidité de certains plaignants. Infirmière d’État, elle aurait simplement voulu investir dans le secteur lucratif de la fourniture de matériel médical, en sollicitant des partenaires. Il ajoute que certaines des parties civiles auraient même dû être poursuivies pour usure. "L’Observateur" rapporte notamment que l’une des deux journalistes bénéficiait, elle aussi, du système « gagnant-gagnant » mis en place par sa cliente.

L’arrestation d’Adji Seynabou Fall serait liée à un incident malheureux. En effet, une des plaignantes l’a interpellée en pleine rue à la Place de l’Indépendance, en novembre 2024, avant de la conduire au Commissariat central, après avoir alerté l’adjudant de police de Zac Mbao chargé de l’enquête. Selon "L’Observateur", l’avocat d’Adji Seynabou Fall a dénoncé des pressions exercées par cet adjudant, qui aurait contraint sa cliente à livrer le code de son téléphone, pour pousser d’autres plaignants à déposer plainte.

La robe noire a également réfuté la thèse de blanchiment appuyée sur la possession de deux véhicules et de téléphones iPhone de dernière génération, qualifiant cela d’éléments sans fondement. Il a insisté sur le fait que sa cliente s’en allait justement tenter de régler ses dettes lorsqu’elle a été arrêtée.

Détention maintenue jusqu’au délibéré

La défense a sollicité la liberté provisoire des prévenus, invoquant des raisons humanitaires. Leur fils, candidat au baccalauréat, se serait réfugié dans un daara coranique pour fuir le domicile familial, désormais privé d’eau et d’électricité. « Ce n’est pas la prison qui réparera les souffrances des victimes, mais le remboursement. Et cela ne pourra se faire que si les prévenus sont libres », ont plaidé les avocats, propos relayés par "L’Observateur".

Le parquet s’est opposé à cette demande, évoquant un risque de trouble à l’ordre public. Déjà condamnée à un an de prison ferme dans une affaire similaire, Adji Seynabou Fall est bien connue des autorités judiciaires. D’après "L’Observateur", au cours de l’enquête préliminaire, plusieurs prévenus ont affirmé que ses liens familiaux avec un ancien ministre d’État et un haut fonctionnaire lui avaient auparavant permis d’échapper à des poursuites, grâce à des remboursements négociés par ses proches. Cette fois, la famille semble avoir tourné la page. « On en a assez de payer pour elle », aurait confié un parent du ministre.

Le parquet a requis un an de prison ferme contre le couple. Les victimes, elles, réclament le remboursement intégral de leurs pertes, évaluées à plus de 50 millions FCfa, ainsi que des dommages et intérêts. Placés sous mandat de dépôt depuis le 7 novembre 2024, Adji Seynabou Fall et Pape Ousmane Lô resteront en détention jusqu’au délibéré, prévu pour le 24 juin prochain.

Mame Fatou Kébé