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Gabon – Cinquième République : un président élu comme indépendant peut-il créer un parti politique ?

Rédigé par leral.net le Vendredi 13 Juin 2025 à 18:17 | | 0 commentaire(s)|

L'annonce officieuse d'une possible création de « parti présidentiel » suscite déjà une vive curiosité à Libreville comme ailleurs. Si le projet reste à l'état de rumeur, il relance une question centrale pour la jeune Cinquième République gabonaise : quelles sont les marges d'action d'un président élu en qualité d'indépendant au regard du nouveau Code électoral ?
La question n'est pas anodine. Elle intervient dans un contexte post-transition inédit, marqué par un Dialogue national (...)

- LIBRE PROPOS /

L'annonce officieuse d'une possible création de « parti présidentiel » suscite déjà une vive curiosité à Libreville comme ailleurs. Si le projet reste à l'état de rumeur, il relance une question centrale pour la jeune Cinquième République gabonaise : quelles sont les marges d'action d'un président élu en qualité d'indépendant au regard du nouveau Code électoral ?

La question n'est pas anodine. Elle intervient dans un contexte post-transition inédit, marqué par un Dialogue national inclusif et transparent, qui a abouti à une refondation politique et institutionnelle du pays. Ce processus, largement salué pour sa transparence, a permis de tourner la page d'une longue transition politique et d'ouvrir les portes de la Cinquième République gabonaise, avec des textes fondateurs à la fois rénovés et porteurs d'exigence démocratique.

L'attention se porte aujourd'hui sur l'article 82 du nouveau Code électoral gabonais, adopté dans la foulée des assises nationales. Ce texte précise :

« Tout élu en qualité d'indépendant ou devenu indépendant à la suite de la dissolution du parti qui a présenté sa candidature ne peut, pendant la durée du mandat, adhérer à un parti politique légalement reconnu, sous peine d'annulation de son élection. »

La règle vise à préserver la sincérité du scrutin en assurant une continuité entre l'identité électorale du candidat et l'exercice de son mandat. Elle entend éviter les glissements tactiques, voire les retournements d'alliance, souvent perçus comme des trahisons de la volonté populaire.

Mais si le texte interdit formellement l'adhésion à un parti, rien n'y est dit sur la création d'une nouvelle formation politique par un élu indépendant.

La distinction est cruciale. Adhérer suppose rejoindre un parti politique déjà existant et en devenir membre. Créer, en revanche, signifie initier ou fonder un mouvement politique, sans nécessairement en faire partie juridiquement. Cette nuance, bien que subtile, est au cœur du débat actuel.

En l'état, le Code électoral n'interdit pas à un élu indépendant de favoriser la naissance d'un parti, tant qu'il ne formalise pas son adhésion à cette structure durant son mandat. Autrement dit, le silence du texte ouvre un espace d'initiative politique, encadré toutefois par la nécessité d'une lecture éthique et transparente de l'action présidentielle.

Il en ressort que la création d'un parti de soutien au président ne viole pas la loi, tant que celui-ci ne s'y inscrit pas officiellement comme militant, président ou membre.

Ce débat intervient alors que le Gabon entre dans une nouvelle ère institutionnelle, où chaque geste du pouvoir est observé à l'aune de la rupture annoncée avec les pratiques passées. Le président élu en qualité d'indépendant incarne, aux yeux de nombreux citoyens, une volonté de renouvellement politique, au-dessus des clivages partisans. Dans cette perspective, la naissance d'un parti « de soutien », même informel, pose une question de perception plus que de légalité.

La jeune Cinquième République, dont les fondations ont été posées dans le consensus et la transparence, ne peut se permettre d'ambiguïtés durables. Le respect des textes, la lisibilité des institutions et la cohérence entre le discours et l'action demeurent des impératifs.

En définitive, rien n'interdit, à ce stade, à un président élu comme indépendant de favoriser la création d'un parti, pour peu qu'il ne franchisse pas la ligne de l'adhésion personnelle. Toutefois, l'esprit de la loi et la culture démocratique en construction commandent une gestion claire, responsable et transparente de cette latitude politique.

Ce débat, au-delà du cas gabonais, illustre les défis auxquels font face de nombreuses jeunes démocraties africaines : comment articuler l'action politique du chef de l'État avec le respect rigoureux des normes issues d'un nouveau contrat social ?

Il appartient désormais aux institutions, aux juristes et à l'opinion de nourrir ce débat avec sérénité, dans l'intérêt de la République et de la confiance populaire qu'elle entend renouveler.

Par Eugène-Boris ELIBIYO
Spécialiste des politiques éducatives
et de la planification stratégique, acteur associatif engagé.



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...