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Gabon - Le mystérieux commando français qui inquiète le pouvoir

Rédigé par leral.net le Samedi 5 Janvier 2019 à 17:52 | | 0 commentaire(s)|

En l'absence d'Ali Bongo, en rééducation au Maroc après son accident vasculaire cérébral (AVC) à Riyad le 24 octobre, le pouvoir gabonais s'est rapidement désintégré en coteries bataillant les unes contre les autres. Dans cette ambiance délétère, l'irruption d'un groupe de onze vétérans des forces spéciales française à Libreville est venue cristalliser les tensions. Révélations !


Agents dormants. L'affaire a accaparé tous les dirigeants gabonais pendant la trêve des confiseurs. Le 8 décembre, Stephan Privat, ancien sous-officier du 8e RPIMa, a été appréhendé à l'aéroport de Libreville au moment de quitter le Gabon avant d'être interrogé par la Sécurité militaire de ce pays.

Un temps reconverti dans la sécurité chez Areva, ce dernier a finalement pu s'envoler deux jours plus tard. Stephan Privat avait séjourné une première fois à Libreville, début novembre, une semaine après l'AVC d'Ali Bongo.

Selon les informations exclusives de La Lettre du Continent, dix autres consultants, tous passés par le RPIMa, les Chasseurs alpins ou le Service action de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l'ont rejoint courant novembre à Libreville, où ils se sont discrètement installés dans une maison et deux appartements des quartiers de La Sablière et de Batterie IV. Une majorité d'entre eux devait rester en place jusqu'en février. Las ! A peine Stephan Privat a-t-il été appréhendé qu'ils ont tous précipitamment regagné la France avant que la Sécurité militaire ne puisse les identifier.

Commanditaire. L'ampleur du groupe, la durée de son séjour au Gabon et, surtout, le profil très opérationnel de ses membres, ont conduit la Sécurité militaire, dirigée par Frédéric Bongo, sécurocrate et demi-frère d'Ali Bongo, qui ignorait tout de l'opération, à ouvrir une enquête. Lors de son interrogatoire, Stephan Privat a simplement évoqué un "audit de sécurité" que lui aurait commandité Ike Ngouoni Aila Oyouomi, le porte-parole de la présidence.

Problème : ce dernier séjournait depuis le début du mois à Rabat auprès du chef de l'Etat convalescent (LC n°789). Stephan Privat s'est d'ailleurs rendu à Rabat entre le 27 novembre et le 1er décembre pour le rencontrer ainsi que le directeur de cabinet d'Ali Bongo, Brice Laccruche Alihanga (LC n°790). En l'absence de Ngouoni à Libreville, c'est donc sa secrétaire, Sandy Obame, qui a été interrogée. Celle-ci a confirmé le rôle du porte-parole du Palais du bord de mer. 

Le séjour des onze Français, en revanche, a été organisé et pris en charge par la société de sécurité libanaise SCIS dirigée par Roger Bou Chahine, ex-combattant des Forces libanaises, la milice chrétienne des frères Gemayel. Chahine dirige également une autre structure dédiée à la sécurité, l'opérateur britannique Plan2World, fondée en 2009 par l'une des figures les plus mystérieuses du village franco-africain : le courtier Edmond Patrick Lecourt, administrateur du groupe monégasque de négoce agricole Savent Brokers.

Au Gabon, Lecourt a joué les intermédiaires sur plusieurs contrats d'envergure, notamment pour le compte du magnat du BTP Guido Santullo, décédé cet été (  LC n°783). Paris tétanisé. L'épisode suscite une gêne palpable à Paris, qui n'a jamais alerté Libreville sur la présence du groupe assemblé par Privat.

Or ces consultants sont tous bien identifiés en France. Réservistes, ils ont tous travaillé pour des groupes du CAC 40 en zone de guerre. Deux d'entre eux, Eric Diesner et Stéphane Lattay, ont longtemps été en poste au Yémen, notamment pour le compte de Total. Un autre, Franck Delair, est un ancien instructeur de l'armée saoudienne pour le compte du groupe parapublic Défense conseil international. Une fois Stephan Privat appréhendé, seul le consulat de France au Gabon s'est manifesté, l'ambassade préférant rester en retrait. Une prudence qui alimente le climat de paranoïa à Libreville…