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Grève de trois jours des boulangers: La baguette vendue à 200 francs, s’arrache comme de… petits pains

Ils ont mis leur menace à exécution. Les boulangers ont décrété, hier, 72h de grève pour protester contre la hausse du prix du sac de farine. Dans la banlieue, plus particulièrement à Thiaroye, la nouvelle est passée comme une traînée de poudre. Devant les portes d’une boulangerie fermée et cadenassée, une foule en effervescence. Chacun voulait savoir ce qui se passait. Chez les vendeuses de petit-déjeuner, c’est le désarroi. Si certaines ont réussi à avoir quelques miches de pain, d’autres sont obligées de partir à la quête de quelques baguettes pour satisfaire leurs clients. Heureusement pour les populations, la boulangerie de Thiaroye «Sant Yalla» n’a pas suivi le mot d’ordre, elle est la seule à avoir fait du pain.


Rédigé par leral.net le Jeudi 18 Avril 2019 à 12:07 | | 0 commentaire(s)|

Grève de trois jours des boulangers: La baguette vendue à 200 francs, s’arrache comme de… petits pains
S’il y a des gens à qui la grève des boulangers profite bien, ce sont les vendeuses de bouillie de mil et de beignets. Elles se sont bien frotté les mains, hier. A la place des baguettes de pain matinales, les habitants de la banlieue ont dû faire recours aux pots de bouillie et aux sachets de beignets. Il était quasiment impossible de trouver du pain en banlieue à cause de la grève des boulangers. Il est 7h30mn devant les portes de la boulangerie «Bara Guèye» de Nietty Mbar. C’est l’émoi total. Les populations venues chercher leur pain pour le petit-déjeuner ont trouvé des étagères vides dans les boulangeries. C’est la même situation qui prévaut à la boulangerie du quartier «Tenn Bi».

Sac vide à la main, regards hasardeux, livreurs et clients ont assailli la boulangerie «Bara Guèye». Le gérant de ladite boulangerie, verrouillant les portes avec des cadenas, s’exclame : «je suis vraiment désolé, mais il nous faut réagir. Nous ne pouvons quand même pas laisser passer une telle injustice. 4000 francs de plus sur le prix du sac de farine, c’est vraiment abuser». Ce dernier estime qu’il est impératif que l’Etat prenne ses responsabilités. Soit l’Etat subventionne la farine et ils continueront à vendre la baguette à 150 francs, soit il valide l’augmentation en acceptant que le prix de la baguette soit revu. «Je suis désolé de ne pas pouvoir vous servir aujourd’hui, mais, si vous saviez à quoi nous sommes confrontés à la fin des mois, vous nous plaindriez. Les autorités veulent nous mettre en mal avec les populations, en mettant en avant les 200 francs annoncés comme nouveau prix de la baguette. Alors qu’il nous impose 4000 francs de plus sur le sac», lance Galaye Mbow à ses clients et livreurs.

Les vendeuses de petit-déjeuner qui ont réussi à avoir quelques baguettes dictent leur loi aux clients

Un foulard noué autour de la tête, les mains sur les hanches, la mine inquiète, Ndèye Arame se tient devant sa table ornée de petites soupières remplies de la sauce qu’elle vend chaque matin avec du pain. Cette jeune dame trentenaire n’en revient toujours pas que son livreur ne l’ait pas avertie de la grève. «Comme la majeure partie des habitants du quartier, je viens d’apprendre la nouvelle. Mon livreur m’a simplement dit qu’il se pourrait que les boulangers aillent en grève, mais il ne m’a pas précisé la date. Et me voilà sans pain pour accompagner mes sauces. Je ne sais vraiment pas comment je vais faire avec mes clients aujourd’hui», dit-elle, dépitée.

Non loin de sa table, se trouve une autre gargote, celle de «Maman bëg Fallou». Contrairement à Ndèye Arame, Maman bëg Fallou, elle, a réussi à avoir une dizaine de baguettes. «J’ai été informée hier nuit et je me suis levée très tôt pour avoir quoi servir à mes clients. Et c’est au terme d’une longue file d’attente à la boulangerie Sant Yalla que j’ai pu avoir ces quelques miches de pain. Puisqu’il n’y en a pas beaucoup, je n’en vendrai qu’à mes clients. Ceux qui achetaient leur petit-déjeuner ailleurs vont devoir malheureusement trouver une autre solution. La demi-baguette coûte 100 francs aujourd’hui et celui qui achète du pain devra impérativement acheter une sauce aussi», soutient la dame.

Abdou Guèye : «je ne peux me permettre d’aller en grève pendant trois jours»

Etant le seul boulanger à Thiaroye à ne pas suivre le mot d’ordre de la Fédération nationale des boulangers du Sénégal, le gérant de la boulangerie «Sant Yalla» dit témoigner tout son soutien à ses collègues boulangers, mais il ne peut se permettre d’aller en grève pendant trois jours. Abdou Guèye, 25 ans, est un jeune boulanger qui, après avoir maitrisé les rouages du métier, a pris en location la boulangerie de «Sant Yalla» avec ses maigres économies. «Je suis le responsable de cette boulangerie et comme vous le voyez, il n’y a que des jeunes qui y travaillent. Nous habitons tous Thiaroye et nous sommes tous des soutiens de famille. Je devais aller en grève comme tous mes collègues de la banlieue, mais je ne peux pas, pour la bonne et simple raison que je ne peux compter sur personne pour gérer mes dépenses à la fin du mois», se justifie le jeune boulanger.

Dégoulinant de sueur à cause de la forte chaleur qui se dégage de la boulangerie, Abdou Guèye nous dévoile un stock d’un trentaine de sacs de farine entassés dans un coin de la boulangerie. Avec tout l’argent qu’il a investi, il ne peut pas se permettre de croiser les bras pendant trois jours. «Je ne compte que sur ce travail pour gérer ma vie. Vous voyez ce stock, j’y ai englouti toutes mes économies. En plus de cela, je vais devoir payer le loyer, mes employés, sans oublier les factures. J’ai tout simplement essayé d’être réaliste, même si mes collègues boulangers ne l’ont pas vu de cet œil, ils m’ont d'ailleurs appelé pour me traiter de tous les noms, mais j’assume. C’est à l’Etat de nous venir en aide, aucun boulanger ne pourra tenir longtemps en achetant le sac de farine à 18.000. Cela nous mènera directement en ruine. Le Sénégalais est tellement habitué à avoir son pain matinal qu’il est prêt à l’acheter à n’importe quel prix. Je vendais la baguette à 200 F et les gens se l’arrachaient», soutient M. Guèye qui affirme avoir préparé 8 sacs farine, alors qu’il n’en faisait que la moitié d’habitude.
A l’’en croire, il est tellement désespéré qu’il s’est cherché un passeport la semaine dernière. Il dit envisager sérieusement de quitter le pays pour pouvoir joindre les deux bouts.

Embouchant la même trompette, Zakaria, livreur à la boulangerie «Sant Yalla», pense que l’Etat doit trouver une solution très rapidement face à cette situation qui risque de dégénérer. «Nous avons choisi de travailler durement pour prendre soin de nos familles, nos autorités doivent quand même nous apporter de l’assistance. Aujourd’hui, je ne sais pas comment je vais trouver la dépense quotidienne. Il est déjà 11h et je n’ai rien à donner à ma femme pour qu’elle prépare le repas. Nous sommes en chômage technique et cela n’arrange en rien notre business», lâche-t-il, dépité.

Les Echos