La réplique de celui que ses amis et frères au Parti démocratique sénégalais appelaient alors Mara fut à la hauteur des attentes de ses partisans, tellement surprenante de percussion pour ses adversaires qui ne le connaissaient pas que, tout de suite, le projet de le débaucher naquit, séance tenante, pourrait-on dire, lors d’un dîner de la délégation accompagnant Abdou Diouf dans sa tournée électorale. C’était à l’hôtel «Le Paris» de Kaolack, au restaurant où, après la prestation restée historique de Seck, fourchettes suspendues en l’air, ébahis, certains qui ignoraient jusqu’à son existence questionnèrent avec anxiété les autres : «Qui est ce jeune homme ?».
Sa carrière politique assez brillante – qui atteignit même à quelque chose d’éblouissant avec l’alternance de 2000, dont l’une des trouvailles électorales jugée décisive par les observateurs, La marche bleue, serait son invention- prenait là son rythme de croisière qui ne sera ralenti qu’en 2005 avec la fameuse affaire des chantiers de Thiès. Affaire politico-judiciaire bancale dans sa conception, certes, destinée à l’éliminer de la scène politique, mais dont il se tira en faisant montre d’un courage et d’une pugnacité remarquables ; avec toujours en bandoulière ses talents oratoires et capacités manœuvrières qui avaient jusqu’ici porté sa carrière politique.
De ses talents oratoires, les observateurs auront retenu, durant cette crise, surtout en ses débuts, beaucoup de formules fortes, mais pas la réflexion qui suit, pourtant l’une des premières : «Le président de la République n'a ni ascendant, ni descendant. C'est une créature constitutionnelle à incarnation humaine variable. Ses pouvoirs et attributs sont fixés dans la Constitution et sont à son usage exclusif. Ici au Sénégal, il s'est appelé Senghor pendant 20 ans, puis Diouf pendant 20 ans, aujourd'hui Wade. Demain autrement. Par nos comportements, nous devrons veiller à lui assurer une mention honorable sur les langues de la prospérité.» (Idrissa Seck, in CD N°1, 22 juillet 2005).
Cette assertion, bien évidemment, s’inscrit en droite ligne de la conviction exprimée par Idrissa Seck, sur le même support, qu’on lui faisait querelle des chantiers de Thiès, lui le « fils d’emprunt», dans le cadre de la mise en orbite du «fils biologique» qu’il était devenu urgent de lui substituer en tant qu’héritier politique d’Abdoulaye Wade. Le diagnostic sur le projet de substitution était juste, mais le remède proposé, cette désincarnation décrétée du président de la République a, depuis, montré ses limites.
Wade, en propulsant son fils Karim de l’antichambre de son propre bureau à l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique, pour finir ( ?) par ce super ministère qui polarise dit-on la moitié du budget de l’Etat, a plus écouté les pulsions du sang que les devoirs de la «créature constitutionnelle» imaginée par son second d’alors. Il est aujourd’hui évident que rien des pouvoirs et attributs du président Wade n’est plus «à son usage exclusif».
A la survenue de cette fumeuse combine politique dite Affaire des chantiers de Thiès, Idrissa Seck, devenu Idy pour Wade, ses frères de parti et même la presse, est, à 45 ans, numéro deux du Pds, Premier ministre, maire de Thiès. Il rêve déjà, presque à haute voix, d’être le quatrième président de la République du Sénégal à la suite de l’actuel occupant du fauteuil. Ce dernier qui en pince pour lui, n’est pas avare en compliments et délégations de ses attributions en faveur de son poulain et en même temps sherpa : «jardinier de ses rêves» dit Idy qui, lui-même, n’est pas économe en formules magnifiant sa relation privilégiée avec le nouveau chef de l’Etat.
Le coup de frein à sa carrière politique, même s’il ne la stoppa nullement, lui imprima un rythme chaotique, causes d’errements et de surplaces, de surprenantes disparitions de la scène politique, suivies de réapparitions tout aussi déroutantes. Et s’il n’a rien perdu de ses talents oratoires qui lui permettent encore de retourner les auditoires – et maintenant, avec ses interventions écrites dans les pages «Opinions» de la presse, les lectorats- les plus réservés à son endroit, ses capacités manœuvrières semblent souffrir de cette option de croire en la capacité de Wade à endosser les habits de cette «créature constitutionnelle» comme il le lui demande. Wade en pince pour lui, certes, et le considère comme l’un des cerveaux les mieux structurés du pays, mais, pour rester dans la métaphore amoureuse, le président de la République, tout le monde l’a vu, a les yeux de Chimène pour Karim Wade : il flirte bien ici et là, et l’a fait de façon très poussé avec Idy, mais il a donné son cœur à son fils au-delà de toute raison… même républicaine.
L’autre option, apparemment définitive, certainement liée à ce qui précède et qui peut avoir contribué à plomber la marge de manœuvre de Seck, c’est ce choix fait de faire porter ses ambitions présidentielles, pas moins légitimes qu’aucune autre, par le Pds. Cette dernière option, quoique parfaitement compréhensible au début de la crise entre lui et Wade, pouvait certainement être reconsidérée après le très bon résultat électoral du leader de Rewmi lors de la présidentielle de 2007.
Sans même forcer sur ses talents inégalables de rhéteur lors de la campagne électorale – suite peut-être à un accord avec Wade lors de cette fameuse audience au palais le jour même où Awa Guèye Kébé était en train de déposer sa candidature- Idrissa Seck avait quand même engrangé 15% des suffrages des Sénégalais. Ca valait largement les «65% d’actions du Pds» qu’il revendiquait et revendique encore de façon obsessionnelle.
Sa dernière sortie, suggérant une possible prolongation du mandat du président de la République n’est que le résultat du trop grand isolement dans lequel l’ont enfermé ses derniers choix. Elle lui a valu les tirs groupés de l’opposition, l’hostilité et toutes sortes de soupçons de la part de franges importantes de la société civile, cependant que son propre camp y reste indifférent et l’attaque plutôt sur d’autres broutilles.
A côté de ses grands talents qui restent intacts, il reste à Idrissa Seck à ouvrir grand ses oreilles et à écouter ses amis et… même les autres.
Pape Samba KANE
Le Populaire
Sa carrière politique assez brillante – qui atteignit même à quelque chose d’éblouissant avec l’alternance de 2000, dont l’une des trouvailles électorales jugée décisive par les observateurs, La marche bleue, serait son invention- prenait là son rythme de croisière qui ne sera ralenti qu’en 2005 avec la fameuse affaire des chantiers de Thiès. Affaire politico-judiciaire bancale dans sa conception, certes, destinée à l’éliminer de la scène politique, mais dont il se tira en faisant montre d’un courage et d’une pugnacité remarquables ; avec toujours en bandoulière ses talents oratoires et capacités manœuvrières qui avaient jusqu’ici porté sa carrière politique.
De ses talents oratoires, les observateurs auront retenu, durant cette crise, surtout en ses débuts, beaucoup de formules fortes, mais pas la réflexion qui suit, pourtant l’une des premières : «Le président de la République n'a ni ascendant, ni descendant. C'est une créature constitutionnelle à incarnation humaine variable. Ses pouvoirs et attributs sont fixés dans la Constitution et sont à son usage exclusif. Ici au Sénégal, il s'est appelé Senghor pendant 20 ans, puis Diouf pendant 20 ans, aujourd'hui Wade. Demain autrement. Par nos comportements, nous devrons veiller à lui assurer une mention honorable sur les langues de la prospérité.» (Idrissa Seck, in CD N°1, 22 juillet 2005).
Cette assertion, bien évidemment, s’inscrit en droite ligne de la conviction exprimée par Idrissa Seck, sur le même support, qu’on lui faisait querelle des chantiers de Thiès, lui le « fils d’emprunt», dans le cadre de la mise en orbite du «fils biologique» qu’il était devenu urgent de lui substituer en tant qu’héritier politique d’Abdoulaye Wade. Le diagnostic sur le projet de substitution était juste, mais le remède proposé, cette désincarnation décrétée du président de la République a, depuis, montré ses limites.
Wade, en propulsant son fils Karim de l’antichambre de son propre bureau à l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique, pour finir ( ?) par ce super ministère qui polarise dit-on la moitié du budget de l’Etat, a plus écouté les pulsions du sang que les devoirs de la «créature constitutionnelle» imaginée par son second d’alors. Il est aujourd’hui évident que rien des pouvoirs et attributs du président Wade n’est plus «à son usage exclusif».
A la survenue de cette fumeuse combine politique dite Affaire des chantiers de Thiès, Idrissa Seck, devenu Idy pour Wade, ses frères de parti et même la presse, est, à 45 ans, numéro deux du Pds, Premier ministre, maire de Thiès. Il rêve déjà, presque à haute voix, d’être le quatrième président de la République du Sénégal à la suite de l’actuel occupant du fauteuil. Ce dernier qui en pince pour lui, n’est pas avare en compliments et délégations de ses attributions en faveur de son poulain et en même temps sherpa : «jardinier de ses rêves» dit Idy qui, lui-même, n’est pas économe en formules magnifiant sa relation privilégiée avec le nouveau chef de l’Etat.
Le coup de frein à sa carrière politique, même s’il ne la stoppa nullement, lui imprima un rythme chaotique, causes d’errements et de surplaces, de surprenantes disparitions de la scène politique, suivies de réapparitions tout aussi déroutantes. Et s’il n’a rien perdu de ses talents oratoires qui lui permettent encore de retourner les auditoires – et maintenant, avec ses interventions écrites dans les pages «Opinions» de la presse, les lectorats- les plus réservés à son endroit, ses capacités manœuvrières semblent souffrir de cette option de croire en la capacité de Wade à endosser les habits de cette «créature constitutionnelle» comme il le lui demande. Wade en pince pour lui, certes, et le considère comme l’un des cerveaux les mieux structurés du pays, mais, pour rester dans la métaphore amoureuse, le président de la République, tout le monde l’a vu, a les yeux de Chimène pour Karim Wade : il flirte bien ici et là, et l’a fait de façon très poussé avec Idy, mais il a donné son cœur à son fils au-delà de toute raison… même républicaine.
L’autre option, apparemment définitive, certainement liée à ce qui précède et qui peut avoir contribué à plomber la marge de manœuvre de Seck, c’est ce choix fait de faire porter ses ambitions présidentielles, pas moins légitimes qu’aucune autre, par le Pds. Cette dernière option, quoique parfaitement compréhensible au début de la crise entre lui et Wade, pouvait certainement être reconsidérée après le très bon résultat électoral du leader de Rewmi lors de la présidentielle de 2007.
Sans même forcer sur ses talents inégalables de rhéteur lors de la campagne électorale – suite peut-être à un accord avec Wade lors de cette fameuse audience au palais le jour même où Awa Guèye Kébé était en train de déposer sa candidature- Idrissa Seck avait quand même engrangé 15% des suffrages des Sénégalais. Ca valait largement les «65% d’actions du Pds» qu’il revendiquait et revendique encore de façon obsessionnelle.
Sa dernière sortie, suggérant une possible prolongation du mandat du président de la République n’est que le résultat du trop grand isolement dans lequel l’ont enfermé ses derniers choix. Elle lui a valu les tirs groupés de l’opposition, l’hostilité et toutes sortes de soupçons de la part de franges importantes de la société civile, cependant que son propre camp y reste indifférent et l’attaque plutôt sur d’autres broutilles.
A côté de ses grands talents qui restent intacts, il reste à Idrissa Seck à ouvrir grand ses oreilles et à écouter ses amis et… même les autres.
Pape Samba KANE
Le Populaire