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Interdiction de vente de pain: Une mesure foulée aux pieds

Alors qu’on assiste à une recrudescence du coronavirus, le relâchement semble plus grand dans la lutte pour enrayer l’épidémie. Pour cause, la mesure d’interdiction de vente de pain dans les boutiques prise par le ministère du Commerce au mois de mars dernier, afin de limiter la propagation de la covid-19 qui entre dans le cadre de l’application du décret 2019-22-77 du 31 décembre 2019 réglementant les activités de production, de distribution et de vente des produits de boulangerie et de pâtisserie au Sénégal, n’est pas respectée. Le pain est vendu dans les échoppes, sans aucune mesure d’hygiène.


Rédigé par leral.net le Mercredi 3 Février 2021 à 16:25 | | 0 commentaire(s)|

Interdiction de vente de pain: Une mesure foulée aux pieds
Si la mesure d’interdiction de vente de pain dans les boutiques par le ministère du Commerce a été tant bien que mal respectée au début afin de lutter contre la propagation de la covid-19 dans le pays, elle est loin d’être respectée en ces temps de progression alarmante de l’épidémie. Plusieurs boutiquiers ont repris la vente de pain dans leurs échoppes, loin des normes d’hygiène appropriées.

Dans une boutique située au quartier Scat Urbam non loin de l’hôtel Soussoum, le pain se vend comme les autres denrées alimentaires. « Vous avez vu les deux sacs remplis de baguettes de pain. On vient de me les livrer. C’est vrai qu’à un moment donné, j’avais arrêté de vendre du pain en raison de la mesure prise par les autorités mais maintenant, je le fais car je vends du thon déjà préparé et donc, il me faut du pain et les gens viennent acheter sans aucun souci», explique le boutiquer. Quand on lui dit qu’il encourt des sanctions du fait de l’interdiction de vente de pain, il répond : « je ne pense pas que je risque quelque chose parce que l’essentiel, c’est de respecter les conditions d’hygiène et mes sacs sont propres ».

Khady, cliente trouvée sur place, dit être sous une protection divine et ne se soucie guère de certaines mesures. «J’achète du pain ici tous les matins. Rien ne m’est arrivé depuis lors. Donc, ce n’est pas aujourd’hui que cela va m’arriver. C’est vrai que la maladie du coronavirus est là mais Dieu est bon», déclare-t-elle.

A Pikine, un autre boutiquier vend aussi du pain. «Je vends du pain le matin car j’ai des clients mais je le fais dans la discrétion en raison de certaines mesures prises. La vente génère un peu de bénéfice. C’est pourquoi je ne peux pas arrêter», nous fait savoir le jeune homme. Quant à cette cliente du nom de Fatou, elle justifie son acte par ces propos : « J’ai préféré acheter à la boutique parce que la boulangerie est trop loin de chez moi et là-bas, tu es obligé de faire la queue et ça dure. Bien vrai que la maladie est là mais on n’a pas de choix. Peut-être qui si les boutiquiers arrêtent de vendre du pain, on va aller les boulangeries», dit-elle. Cette mère de famille du nom Astou demande plus de propreté au boutiquier. « Ce que je recommande aux boutiquiers, c’est d’être propres car si nous voulons une bonne santé, il faut recourir à la propreté. Moi, j’achète rarement du pain dans les boutiques. Quand je le fais, c’est parce que j’ai été à la boulangerie et que le pain est fini. Aussi, les enfants sont paresseux, si tu les envoies, ils vont directement à la boutique. Mais, je pense que les parents devraient les recommander d’acheter aux boulangeries. L’Etat doit aussi prendre plus de responsabilité pour surveiller le marché du pain», soutient la mère de famille.

Pour rappel, le ministère du Commerce avait interdit la vente de pain dans les boutiques au mois de mars dernier pour limiter la propagation du virus. Ce, dans le cadre de l’application du décret 2019-22-77 du 31 décembre 2019 réglementant les activités de production, de distribution et de vente des produits de boulangerie et de pâtisserie au Sénégal. Des kiosques devraient être installés dans plusieurs zones pour approvisionner la population. Une plateforme en ligne dénommée «Jayma Mburu» avait même été lancée pour éviter des regroupements dans les boulangeries. Que du saupoudrage !

REACTIONS...

OUMAR DIALLO, DIRECTEUR DU COMMERCE INTERIEUR : «On avait un peu allégé les dispositifs pour éviter les regroupements devant les boulangeries en...»

«Il ne s’agit pas d’une mesure qui avait été prise dans le cadre de la gestion de la covid-19, mais plutôt d’un décret qui a été pris le 31 décembre 2019 concernant la modernisation du secteur de la boulangerie. Ce décret prévoyait que pour vendre du pain dans une boutique, il faut être agréé et en plus de cela, aménager un espace suffisant pour vendre du pain avec un personnel dédié. C’est vrai que ça a coïncidé avec la période de la pandémie mais l’interdiction est prescrite par les dispositions du décret.

Maintenant, il se trouve que le décret ait dit tout simplement que les boutiques non aménagées sont interdites de vendre du pain. Ensuite, pour pouvoir vendre du pain, il faut désormais être agréé. Donc, ce sont ces deux facteurs qui ont fait que lorsque nous avons lancé la mesure à l’époque, les consommateurs se sont retrouvés simultanément dans les boulangeries avec des bousculades et des queues énormes or, on avait interdit les regroupements. C’est ce qui a fait qu’on avait un peu allégé les dispositifs pour éviter les regroupements devant les boulangeries en demandant aux boutiquiers de mettre les kiosques devant les boutiques.
Aujourd’hui, les gens disent que le pain est retourné dans les boutiques. On ne peut pas le nier à 100% mais depuis quelques semaines encore, on a repris les activités de retrait de pain systématique dans les boutiques et cette activité-là est formellement interdite. Les gens qui continuent de le faire, s’exposent à des sanctions notamment des sanctions pécuniaires de l’ordre de 50 mille à 100 mille FCfa chaque fois qu’on trouve du pain dans les boutiques. C’est des amendes très sévères. On retire le pain, on ferme le kiosque qui n’est pas conforme et on inflige une amende parce qu’on ne peut pas déférer les gens devant les institutions vu qu’on évite au maximum les regroupements et d’exposer aussi les gens».

AMADOU GAYE, PRESIDENT DE LA FEDERATION NATIONALE DES BOULANGERS DU SENEGAL (FNBS) : «Ce sont les services techniques qui ne font pas leur travail»

Ce sont les services techniques qui ne font pas leur travail. On dit haut et fort que l’application de ce décret pose problème parce que les services techniques qui devaient accompagner le ministère du Commerce pour l’application de ce décret, ont failli. Il n’y a que le ministère du Commerce qui descend sur le terrain pour l’application. Les autres services techniques comme la Police, la Gendarmerie et surtout le Service d’hygiène qui devaient appuyer le ministère du Commerce dans l’application du décret, n’ont rien fait dans la mesure où il est inacceptable qu’on puisse voir dans la circulation un livreur avec des sacs remplis de pain dans des conditions non hygiéniques et qu’il n’est pas arrêté.

Pourtant, le décret leur permet de stopper cette personne qui est train de livrer le pain dans des conditions qui ne sont pas hygiéniques. Les Services d’hygiène aussi devaient aujourd’hui non seulement rentrer dans les boutiques mais aussi veiller à l’application de l’interdiction de vente de pain dans les boutiques pour assurer la sécurité alimentaire des populations.

Aussi, un autre constat est fait. Sur les 8 millions de baguettes de pain produites dans le pays, les 5 ou 6 millions sont consommées entre Dakar, Thiès, Saint-Louis et Touba et on recense beaucoup de cas de covid-19 dans ces villes. Est-ce que le pain n’est pas un vecteur de transmission du virus ? Aujourd’hui, c’est la question qu’on doit se poser ?»





SudQuotidien

Ndèye Fatou Kébé