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L’Etat du Sénégal peut revenir sur cette transaction (Pr Ababacar Guèye )

Etant encore président de la République, le 22 février dernier, le président de la République, Me Abdoulaye Wade, avait le pouvoir de prendre des engagements au nom de l’Etat Du Sénégal, tel l’octroi d’une quatrième de téléphonie. Les nouvelles autorités peuvent toutefois revenir sur cette vente. Nulle poursuite ne peut être engagée contre l’ancien chef de l’Etat, sauf en cas de haute trahison.


Rédigé par leral.net le Jeudi 3 Mai 2012 à 03:19 | | 0 commentaire(s)|

L’Etat du Sénégal peut revenir sur cette transaction (Pr Ababacar Guèye )
La Gazette : Le 22 février 2012, trois jours avant le premier tour de la présidentielle, le président de la République sortant Abdoulaye Wade a signé un document qui octroie la 4ème licence de téléphonie. Quelle est la valeur juridique de cette négociation ?

Professeur Ababacar Guèye : Le 22 février, Abdoulaye Wade était encore Président de la République du Sénégal. Du fait des pouvoirs qui lui sont dévolus par la constitution, il avait encore la compétence d’engager l’Etat du Sénégal, de prendre des engagements au nom de l’Etat du Sénégal. Le fait qu’on était dans une période électorale ne remet pas en cause les compétences du président de la République. Donc la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvait le Sénégal n’est pas une cause d’illégalité des actes du Président de la République dés l’instant que ses actes restent conformes au droit et sont pris dans le cadre de ses compétences. Maintenant, on peut se poser des questions par rapport à l’éthique du fait de l’incertitude du moment. Peut-on prendre une décision aussi stratégique dans une période aussi délicate en sachant qu’on peut ne plus être président de la République quelques semaines plus tard ? D’autant plus qu’il n’y avait aucune urgence et que l’octroi de la licence aurait pu se faire après les élections de manière réfléchie, en toute tranquillité et sérénité. Ce qui aurait permis de prendre avec le maximum d’efficacité les intérêts de l’Etat du Sénégal. Ensuite j’ai l’impression que les négociations ont été entourées d’un grand secret et c’est ce qui pose surtout problème du point de vue du droit. La directive 0 4 – 2005 de l’UEMOA exige la publicité des marchés d’un certain seuil et l’octroi de la licence rentre dans ce cadre. De même les textes sénégalais notamment le code des obligations de l’administration ainsi que le code des marchés publics déterminent des conditions de négociation et de passation des marchés permettant de leur assurer une grande transparence avec les obligations de publicité et de mise en concurrence, et l’approbation par une autorité administrative indépendante.

L’Etat du Sénégal peut il annuler cette vente ?

Bien sûr que l’Etat du Sénégal peut revenir sur cette vente. Mais ceci va sans doute ouvrir un contentieux juridictionnel car l’acheteur pourra attaquer cette décision devant le juge. Déjà là, tous ceux qui étaient intéressés par cette licence et qui estiment que les règles de procédures n’ont pas été respectées, notament celles relatives à la publicité peuvent saisir le juge pour lui demander d’annuler la vente.

Quelles poursuites peuvent être exercées sur le président Wade et les personnes qui l’ont accompagnée dans ce dossier ?

A priori on ne peut pas exercer de poursuites pénales contre le Président Wade et ses collaborateurs dans ce dossier. Vous savez, la constitution ne prévoit de poursuites contre le président de la République qu’en cas de haute trahison. Or, en l’espèce, il ne s’agit que de la vente de licence de téléphonie, ce qui à mon avis ne peut être constitutive de haute trahison, même si cette vente s’est faite dans des circonstances particulières. Des sanctions, notamment l’annulation, sont prévues lorsque les conditions de validité des marchés sont violées.

Quelle est la valeur du serment du président de la République au vu de certains comportements qui semblent désacralisés certains de ses actes ?

Le serment, c’est l’acte solennel par lequel, le président de la République nouvellement élu prend fonction et s’engage à respecter les principes de l’Etat de manière générale. C’est un acte obligatoire. Certes, on peut se poser des questions sur la valeur d’un tel acte notamment du fait du comportement que le Chef de l’Etat peut avoir. A titre d’exemple, lorsqu’il prête serment, le Chef de l’Etat jure de respecter la constitution et de la faire respecter. Cependant, il arrive que le président de la République viole lui-même la constitution ou participe à sa violation. Mais il faut dire que le droit constitutionnel de manière générale n’est pas pénalement sanctionné. Concernant le Président de la République, la seule possibilité de sanction pénale est la haute trahison. Or, il s’agit d’une notion indéterminée dont le contenu n’est pas précisé. La commission d’actes contraires au serment pourrait être rangée de manière très pertinente dans la notion de haute trahison. Les sanctions au viol du serment pourraient être politiques. Mais là aussi des problèmes sont réels. Faut-il par exemple destituer un chef d’Etat sénégalais parce qu’il n’a pas œuvré pour la réalisation de l’Unité Africaine ?

Pape Amadou FALL lagazette.com

( Les News )