L’Éternel Recours : Hommage de Talla Sylla à Serigne Saliou Mbacké

« Il y a des hommes qui traversent le temps, et d’autres qui le sculptent. En ce 28 décembre, le Sénégal se souvient de celui qui fut, pour des millions d’âmes, bien plus qu’un guide : un refuge. Serigne Saliou Mbacké, cinquième Khalife de Cheikhoul Khadim, nous a quittés physiquement il y a dix-huit ans, mais son empreinte sur nos cœurs et sur la terre de ce pays reste inaltérable.

« Seriñ Salihu sang ba ca baatin ba ak leer yu Yaatu ya »... Maître des arcanes spirituels et des lumières infinies. Sa dimension dépassait l'entendement ordinaire. Il incarnait cette rare alchimie soufie où l'immense compassion (yërmandé) ne dilue jamais la rigueur des principes. Comme le dit le poème que je lui dédie : « Yiiw ga ak seddaay ba téré wul fulla ja ». Sa sainteté et sa douceur n’ôtent rien à sa fermeté. Une fermeté nécessaire pour porter le legs lourd et sacré de Cheikh Ahmadou Bamba.

Fidèle à la voie tracée par le Fondateur, Serigne Saliou a magnifié la philosophie mouride qui unit indissociablement la Foi et le Travail. Agriculteur hors pair, il a fait jaillir de la terre aride de Khelcom non seulement des récoltes abondantes, mais surtout une génération d'hommes et de femmes éduqués par l'effort. Bâtisseur infatigable de mosquées et de Daaras, il a enseigné par l'exemple que le travail, lorsqu'il est voué à Dieu, devient la plus haute forme de prière.

Il s'inscrivait majestueusement dans le sillage de ses illustres prédécesseurs. Il avait la vision de Serigne Modou Moustapha, le charisme de Serigne Fallou, la rigueur de Serigne Abdoul Ahad et la piété de Serigne Abdou Khadre. Il était le point de convergence de toutes ces lumières, le « Donn Lahad ak Jiily ca Bamba Ja », l'héritier total au service de l'Islam.

Pour ma part, cet hommage revêt une dimension intime et viscérale. J'ai eu l'immense privilège de bénéficier de son manteau protecteur dès janvier 2000. Mais c'est dans les heures les plus sombres de mon existence que j'ai mesuré la puissance de sa bénédiction. Lorsqu'en 2003, puis en 2007, je fus cloué au lit, meurtri par les conséquences d'une tentative d'assassinat, ses prières furent pour moi un baume et une forteresse. C’est sous son ombre bienveillante que j’ai puisé la force de survivre et de me relever.

Je n'oublierai jamais qu'il avait béni notre Doxu Safar, cette marche de dévotion reliant Thiès à Touba. Par ce geste, il validait notre démarche de foi et d'endurance, nous rappelant que chaque pas vers Touba est une élévation vers Dieu.

Aujourd'hui, alors que le monde change et que les repères vacillent, sa figure demeure notre boussole. Il est ce « Suturay jamono », le voile protecteur de notre époque, la lumière pour ceux qui cherchent leur chemin dans l'obscurité.

En ce jour de souvenir, nous réitérons notre amour et notre gratitude éternelle.

CĒY SERIÑ SALIHU NAMM NANULA...
Ô Serigne Saliou, tu nous manques. »

Talla SYLLA