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L'hypothèse d'une vie basée sur l'arsenic remise en cause

Rédigé par leral.net le Mardi 10 Juillet 2012 à 13:38 | | 0 commentaire(s)|

La Nasa avait déclaré en 2010 avoir découvert des bactéries dont l'ADN contenait de l'arsenic. Deux études indépendantes viennent contredire l'agence américaine.


L'hypothèse d'une vie basée sur l'arsenic remise en cause
En décembre 2010, la Nasa annonce la découverte d' «une nouvelle forme de vie»: des bactéries intégrant de l'arsenic dans leur ADN. L'annonce fracassante crée une grande controverse chez les biologistes. Ces derniers estiment que les conclusions de Felisa Wolfe-Simon, auteure principale de l'étude publiée dans Science, sont prématurées. Rien ne permet selon eux d'affirmer avec certitude que les organismes découverts ont réellement remplacé dans leur hélice ADN le phosphore - un des six éléments de base de la vie avec le carbone, l'hydrogène, l'oxygène, l'azote et le soufre - par de l'arsenic, un élément aux propriétés chimiques avoisinantes.

Dix-huit mois plus tard, les frondeurs exposent dans deux papiers indépendants (disponibles ici et là), mis en ligne dimanche soir par , les résultats des expériences qu'ils ont menées sur cette bactérie, GFAJ-1, découverte en 2010 dans le lac Mono en Californie. Les deux équipes arrivent aux mêmes conclusions: GFAJ-1 est un organisme remarquable de résistance capable de se développer dans un milieu très riche en arsenic mais il ne parvient jamais à se «nourrir» avec l'élément toxique.

Des traces d'arsenic, mais pas dans l'hélice ADN
Les chercheurs ont commencé par démontrer qu'en dessous d'une certaine concentration en phosphore, les bactéries étaient incapables de se développer. Cela prouve qu'elles n'arrivent pas à remplacer le phosphore par l'arsenic comme cela était suggéré. L'analyse précise de leur ADN a certes révélé des traces infimes d'arsenic mais celui-ci était toujours isolé, c'est-à-dire qu'il ne faisait pas de liaison chimique avec d'autres éléments. Cela démontre que ces traces ne font pas partie intégrante de la molécule d'ADN.

«En conclusion, les nouvelles recherches montrent que GFAJ-1 ne modifie pas les principes fondamentaux de la vie», écrit la revue Science dans un éditorial électronique en forme de mea culpa. Rosie Redfield, auteure référente de l'un des deux papiers contradicteurs, avait dès le premier jour exprimé ses réserves et reproché à la revue et à son comité de lecture d'avoir laissé passer l'article de la Nasa pour faire un coup médiatique alors qu'il comportait beaucoup (trop) de zones d'ombre.

Une victoire de l'«open science»
La chercheuse se félicite au passage d'avoir mis en valeur le concept d' «open science» puisqu'elle a travaillé en collaboration ouverte avec la communauté scientifique. Elle a régulièrement publié des résultats préliminaires sur son blog, invité les spécialistes du domaine à les interpréter et à participer à l'élaboration des protocoles les plus pertinents. L'ensemble des travaux avait enfin été mis en ligne dès janvier sur ArXiv, une base de publications scientifiques en accès libre, pour permettre au plus grand nombre de les commenter.

En fervente défenseure de cette démarche encore assez neuve, Rosie Redfield a d'ailleurs contraint Science à rompre l'embargo sur les deux publications qui ne devaient paraître que fin juillet dans la version imprimée de la revue. «Il était ridicule d'attendre un mois pour m'exprimer sur le sujet alors que tout le monde pouvait avoir accès librement à mes travaux», a-t-elle justifié. Elle a obtenu gain de cause. Une double victoire en somme.


Par Tristan Vey
Journaliste web,