LE COMBAT DE ROKIA TRAORÉ POUR SA DIGNITÉ

La chanteuse et guitariste malienne de renommée internationale, Rokia Traoré, vient de publier “Je suis née libre” aux éditions JC Lattès. Dans cet ouvrage, l’artiste revient sur son parcours exceptionnel, son engagement pour la culture et la liberté, et une douloureuse bataille judiciaire qui a profondément marqué sa vie. Elle s’est confiée à France 24 dans le cadre du Journal de l’Afrique.​

Rokia Traoré relate avoir passé plusieurs mois en prison dans trois pays différents, séparée de ses enfants à la suite d’une affaire de garde. Arrêtée à Paris en novembre 2019 alors qu’elle devait se rendre à Moscou, l’artiste se retrouve plongée dans une procédure judiciaire d’enlèvement et séquestration concernant sa propre fille. Elle explique : « Beaucoup de gens pensent que j’ai pris l’enfant et fui l’Europe, alors que j’ai toujours vécu au Mali. La justice belge a émis un mandat d’arrêt européen avant même la fin de l’instruction du dossier. »​

Face à ces accusations, Rokia Traoré témoigne de son incompréhension du système judiciaire : « Je me sens en insécurité, et une mère qui se sent en insécurité protège son enfant. » Elle insiste sur le fait que son refus d’amener sa fille devant la justice belge était motivé par le souci de sécurité et la volonté d’attendre la procédure d’appel. Malgré ses démarches auprès des autorités, des ONG et des associations, elle se retrouve condamnée et incarcérée de Bruxelles à Bamako, en passant par Paris et Rome.​

L’artiste raconte aussi les rencontres marquantes faites en prison, notamment avec une jeune fille de 18 ans : « Malgré la difficulté, j’essayais de garder ma part d’humanité et de soutenir cette adolescente aussi en détresse. »​ Fragilisée par l’épreuve, Rokia Traoré confie avoir longtemps perdu l’envie de chanter ou de jouer de la guitare. Mais son livre témoigne de sa volonté de ne jamais renoncer à sa liberté, à son identité mandingue et “à ce qui fait la fierté de l’Afrique”.

Évoquant ses racines maliennes, Rokia Traoré rappelle l’importance de la culture et des traditions familiales reçues de son père. Elle s’insurge contre les préjugés sur l’Afrique : « Je ne comprends pas qu’on puisse dire que l’Afrique est sous-développée. Ici, on mange très bien, la vie est belle et fière. »​
Elle dénonce également la vision de certains juristes européens selon laquelle l’Afrique ne serait pas “faite” pour accueillir des enfants, ce qui lui rappelle, dit-elle, la nécessité de “dire au monde que l’Afrique porte sa propre valeur et sa dignité.”

Interrogée sur la scène, Rokia Traoré confie qu’elle commence à retrouver le goût de la musique : « J’espère bientôt pouvoir revenir en tant qu’artiste, car la chanson et la guitare font partie de moi. » Elle remercie ses lecteurs et téléspectateurs de leur soutien et rappelle que le combat continue pour l’Afrique, la création et la liberté.