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Le Président Bassirou Diomaye Faye en Guinée : Les enjeux d’une visite dans une poudrière politique

Le président Bassirou Diomaye Faye continue de sillonner la sous-région. Après un tour chez les Anglophones (Gambie, Ghana et Nigeria), il revient chez les voisins guinéen et cap-verdien. Si pour Praia, les transitions se sont faites sans heurts, à Conakry, les séquelles persistent. Le président Faye abordera principalement les questions de coopération, de migration et de sécurité, tout en naviguant dans un environnement politique délicat.


Rédigé par leral.net le Samedi 25 Mai 2024 à 11:24 | | 0 commentaire(s)|

D’après une annonce officielle des autorités sénégalaises, le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Diakhar Faye effectue une visite d’amitié et de travail du vendredi 24 au samedi 25 mai 2024, en République de Guinée et au Cap-Vert. Ces deux pays voisins seront les 7e et 8e États qu’il visitera depuis son arrivée au pouvoir le 2 avril 2024. Le président et ses conseillers diplomatiques se conforment à la diplomatie de bon voisinage. Ils cherchent à perpétuer l’œuvre de son prédécesseur (Macky Sall), qui avait entretenu de bons rapports avec ces derniers, malgré quelques incidents occasionnels.

Ces deux visites, qui s’inscrivent dans cette dynamique, revêtent, en revanche, une particularité en raison du contexte politique en Guinée marqué par des restrictions libertaires et une grogne populaire croissante. Faye et Doumbouya ne devraient pas esquiver ces sujets, même si l’agenda du président sénégalais portera principalement sur les questions de coopération, de migration et de sécurité.

Pour rappel, le 21 mai, le ministre de l’Information et de la Communication de la Guinée, Fana Soumah, a ordonné le retrait de l’agrément de quatre radios et deux chaînes de télévision privées très suivies en Guinée. Cette mesure a suscité la colère de plusieurs Guinéens qui l’ont manifestée sur les réseaux sociaux. De nombreux acteurs politiques et de la société civile ont exprimé leur solidarité et dénoncé une mesure liberticide. Quant aux responsables des médias concernés, ils n’excluent pas de saisir la justice.

Le Forum des forces sociales de Guinée (FFSG), une association d'organisations de défense des droits humains et de la société civile, a fustigé dans un communiqué un retrait d'agréments "massif et incongru". L'influent chanteur de reggae Élie Kamano a crié au "paroxysme de la dictature". L'opposant Cellou Dalein Diallo a condamné "fermement cette autre manifestation de la folie liberticide de la junte" dans un communiqué.

Forum civil guinéen : "Nous espérons que Bassirou Diomaye Faye abordera les questions de démocratie."

Pour le président du Forum civil guinéen, Ibrahima Balaya Diallo, la société civile attend beaucoup de cette visite pour insuffler une nouvelle dynamique en Guinée.

"Nous espérons que Bassirou Diomaye Faye abordera les questions de démocratie avec le président du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD). Depuis la transition, les autorités ont tourné le dos à ces questions de vertus démocratiques. Peut-être qu’il va aborder ces questions et tordre le bras à son homologue. On souhaite qu’il parvienne à faire changer d’avis Mamadi Doumbouya. S’il réussit, on va applaudir. Nous avons un gouvernement autiste. Les dérives que nous avons dénoncées au cours de l’ancien régime persistent toujours : coupure des services de l’Internet et des signaux de certains médias", signale le porte-parole des Forces sociales de la Guinée.

Dans la foulée, l'opposition a brandi la menace de nouvelles manifestations pour forcer les militaires à partir fin 2024. Même si Conakry reste dans le giron de la CEDEAO, contrairement aux pays de l’Alliance des États du Sahel (AES), la situation sociale reste très agitée et scrutée de près par Dakar.

"Il est notre devoir de conseiller le président Doumbouya et les autres acteurs politiques à empêcher le pays d’entrer dans un nouveau cycle de violence comme au cours des précédentes années", révèle un diplomate.

Pourtant, deux semaines auparavant, c’était le Premier ministre Ousmane Sonko qui était annoncé en Guinée en sa qualité de président de parti politique. Une stratégie critiquée par beaucoup d’observateurs et certains diplomates qui avaient manifesté leur souhait de voir le président fouler le sol de ces pays en premier, car "c’est lui qui incarne la politique diplomatique du Sénégal", précise toujours ce diplomate qui souligne qu'"on ne peut pas avoir deux orientations ou visions diplomatiques. Diomaye pour les démocrates et Sonko pour les putschistes", ironisait-il.

Il faut se conformer à cette citation : "Un pays fait son histoire, mais subit sa géographie", répétait le chancelier prussien Bismarck.

Est-ce un revirement de situation ou un alignement sur une vision réaliste ? "Même si Doumbouya a pris le pouvoir par la force, nous devons discuter avec lui. Nous en avons des intérêts", renchérit le même diplomate.

Pour sa part, Balaya Diallo pense que cette visite tombe à pic, car "Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye sont des panafricanistes assumés. C’est tout à fait normal de promouvoir le développement entre Africains. On doit commencer à amorcer des relations plus étroites. D’autant plus que nous avons commencé à exploiter des ressources minières".

Après Conakry, cap sur Praia où le président Diomaye effectuera aussi une visite de travail et d’amitié. Le Cap-Vert et le Sénégal sont les deux seuls pays de la CEDEAO qui n’ont pas encore connu de coup d’État. Loué pour sa culture démocratique et ses performances économiques, le pays reste un modèle dans une région mouvementée. Beaucoup d’observateurs avaient suggéré que le premier déplacement de Bassirou Diomaye Faye se fasse dans cet archipel, au regard de ses acquis.

S EnQuete