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Le Sénégalais et l’Argent ou la crise d’intégrité (Gawlo)

Depuis plus d’une décennie, presque tous les scandales politiques, les crises sociales et les problèmes judiciaires qui ont éclaté au Sénégal ont pour cause essentielle l’argent. C’est de notoriété que le Sénégalais aime l’argent. La passion qu’il lui manifeste est simplement alimentée par un rêve schizophrénique d’enrichissement qui, le plus souvent, est syndrome de culpabilité. Les agressions, les cambriolages, le détournement de deniers publics, le blanchissement d’argent sale, le trafic de faux billets, le trafic d’influence, le faux et usage de faux, la corruption, entre autres, sont autant de manœuvres par lesquelles la personne passe pour avoir un coffre-fort garni. Des personnalités publiques ne sont même pas épargnées par cette tragédie de la logique alimentaire.


Rédigé par leral.net le Lundi 8 Juin 2015 à 02:48 | | 1 commentaire(s)|

Le Sénégalais et l’Argent ou la crise d’intégrité (Gawlo)
Par Madior SALLA


Les procès politico- judiciaires et les épreuves carcérales que subissent certaines célébrités sont liés à l’argent. Ils amènent naturellement à s’interroger sur le rapport que la personne humaine, et plus particulièrement, le citoyen sénégalais entretient avec lui. Ce rapport est délicat et finalement pernicieux. Il est toujours source de délits et parfois même d’actes qui discréditent la personne s’ils ne la mènent pas à la Cour d’Assises.

Mais cet amour désinvolte, alimentaire et illimité de l’argent n’est ni un fait banal, ni une réalité hasardeuse. Il est devenu la nouvelle passion des Sénégalais, de tous les secteurs. La volonté de s’enrichir, l’esprit de rivalité, le penchant vicieux de vouloir atteindre l’autre et le dépasser en matière de fortune et la fourberie de certains ruffians à gonfler par des louanges et des flagornerie ceux qui s’illustrent par des billets de banque sont tels que la logique alimentaire anime certain sénégalais à n’épier que des liasses de CFA , d’Euro ou de Dollar, prêts à tout pour en avoir à gogo.

Les causes sociales de l’amour de l’argent

La civilisation sénégalaise est orale. Le griot, aujourd’hui appelé communicateur traditionnel, y a toujours joué un rôle central. Aujourd’hui, le Sénégal a suivi la marche du temps et a changé. La nouvelle civilisation qui y prévaut se fond dans une pseudo-aristocratie de type nouveau qui ne se forge plus dans une cour royale mais dans les nouveaux espaces d’ostentation où les louanges sont chantées à tue-tête selon les billets de banque auxquels on s’identifie.

La noblesse n’est plus acquise seulement par naissance ou selon les actes de grandeur posés. Elle est aussi et surtout obtenue selon le train de vie mené et la situation sociale pro domo caractérisée par la fortune et la richesse des biens matériels dont on dispose. L’argent seul permet d’y aboutir. Naturellement, tous les moyens sont bons pour l’obtenir, encourageant un comportement risqué, peu glorieux et même pervers.

L’écrivain Axelle Kabou s’en révolte et généralise : « l’Africain, c’est une constante historique, ne voit pas plus loin que le bout de son ventre, même quand il est suffisamment aisé pour être en mesure de prendre des risques ».

Cette volonté d’avoir de l’argent jusqu’à prendre des risques, de ne jamais se suffire de ce que l’on gagne légalement et licitement provoque naturellement une crise d’intégrité morale.

Le nouveau mode de vie du peuple sénégalais est rythmé par une civilisation de l’Euro et du Dollar, et une culture de la Jet-set dont les rencontres sélectes sont des parades de prestance et, d’élégance et d’aisance manifestées par le port vestimentaire ou par une bagnole impressionnante.

Finalement, la personne publique, surtout si elle évolue dans le monde des arts, s’émancipe de toutes les règles, principes et valeurs pour disposer d’une immense fortune qui légitime son appartenance à cette communauté des aisés. Si elle anime une émission dans une radio, elle porte le manteau du laudateur.

Les hommes politiques, les marabouts et les personnalités de la société civile n’échappent pas à cette passion de l’argent.

L’homme politique ou l’Homme d’Etat n’est adoubé par un marabout qu’à partir du degré de sa générosité monétaire. Celui-ci l’élève au rang de noble, de modèle à soutenir pour l’intérêt qu’il manifeste pour la cité confrérique, dit-il, une cité qui, en réalité, ne se limite qu’au foyer du marabout auréolé d’argent.

Quand un homme politique ou un Homme d’Etat haut placé ne donne pas de l’argent au marabout, alors l’ongle de celui-ci devient une griffe. Il est diabolisé, combattu ou simplement ignoré.

Si la transhumance est aussi présente dans le monde maraboutique, c’est en raison du penchant que beaucoup de marabouts ont pour l’argent, un vieux penchant qui mène à des turpitudes.

Des marabouts ont des rapports vicieux et flagrants avec l’argent. Ils ne sont qu’avec le pouvoir qui a l’avoir et certains parmi eux tiennent des discours contextuels sur fonds de dithyrambes qui les rendent peu digne d’estime.

Ce penchant excite l’homme politique (ministre, député, DG, ou PCA,) et parfois même le haut fonctionnaire qui ne se suffisent jamais de leurs rémunérations. Au contraire, pour davantage embellir leur train de vie et entretenir leur courette, ils en veulent encore et toujours plus. En conséquence, ils utilisent leur position dans les Institutions à leurs biens personnels passant de malversations à des concussions, vidant le trésor public.

En conséquence, l’idéologie de l’intérêt général et du service public qui s’est toujours fondée sur la réputation des agents de l’Etat est aliénée. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre la colère de Habib Bourguiba qui, s’adressant aux africains condamne « l’indélicatesse des rapports que certains ont avec l’argent qui jaillit toujours sur l’Etat et pervertit les mœurs en donnant aux non fonctionnaires de contre-modèles ».

L’amour de l’argent amène des détournements de deniers publics subtilement orchestrés qui finissent par donner une image négative et regrettable de l’Administration et des Institutions de la République qui est naturellement imputée au comportement de certains hauts fonctionnaires et de certains responsables politiques. Et pour preuve !

Tahibou Ndiaye déclare que tous ceux qui ont été Directeur du Cadastre se sont enrichis. Et Idrissa Seck contre Wade affirme que le conflit est l’histoire de grands bandits qui se disputent à l’heure du partage du butin.

L’argent aliène et inflige des souffrances

Les observateurs s’interrogent toujours, en privé, ou en public, sur l’origine de la fortune dont disposent certaines personnes. Mais les masques finissent toujours par tomber.

De hauts fonctionnaires, des responsables politiques, des marabouts, des artistes, des acteurs de presse voient leur crédibilité s’effondrer, leurs noms étant associés à une quête d’argent pratiquée sous forme de malversations.

La quête d’argent mène très souvent à l’alvéole sous deux formes.

Soit on est corrompu indirectement par une sinécure d’Etat qui fait oublier la grande crédibilité dont on jouissait, soit on se mêle à des combines et des combinaisons qui culpabilisent.

L’avoir du pouvoir a éloigné de nombreuses personnalités de la société civile qui, jouissant de planques, ont rompu avec l’intérêt national et noué partenariat avec l’intérêt partisan. Dans le secret de leur intimité, beaucoup souffre du désintérêt que leur sont manifesté. Autant, elles jouissent de l’argent du pouvoir, autant elles savent que leur image s’assombrie et s’affaisse.

Les autres épieurs d’argent, animés par la passion des richesses, se complaisent à amasser sans cesse jusqu’à se retrouver dans un appât qui les conduits au supplice carcéral.

Ainsi, l’amour de l’argent est devenu si démesuré qu’il aboutit à une souffrance que l’on s’inflige soi-même. Le juste se retrouve dans l’abime. Ondonne le sceptre au délit. L’intégrité morale est trahie. Les cagoules tombent. Et on affiche au coin des rues, à la Une de Journaux, le déshonneur de leurs noms dont ils sont les seuls et uniques responsables.

N’est-ce- pas, Thione ?

Madior SALLA

( Les News )