Les adieux de Alioune Badara Cissé : «Je demeure maître de mon destin»

Compagnon du président Macky Sall de la période de vaches maigres, Alioune Badara Cissé n’a gouté au prestige et aux délices de la haute diplomatie sénégalaise que pendant 6 mois, pour être débarqué du ministère des Affaires étrangères, contre toute attente et à l’étonnement général. En passant le témoin à son successeur, mercredi, il ne s’est pas empêché de dire combien il s’est investi pour « réviser la position du Sénégal (...) partout où il y avait besoin». «Pendant 6 mois, je n’ai manqué à aucune réunion, je n’ai raté aucun sommet international », a clamé ABC comme pour dire qu’il n’y a aucune raison pour qu’il soit limogé si précocement, alors qu’il assure fort bien la tâche à lui confiée. Le désormais ex-compagnon du chef de l’Etat dit qu’il lui arrivait d’atterrir à l’aéroport et de n’avoir que juste le temps d’aller au salon d’honneur, avant de reprendre un autre vol pour une autre destination.

Au cours de la cérémonie, l’ancien pilier de l’Alliance pour la République (APR), au pouvoir, a eu des propos obligeants à l’endroit de ses collaborateurs, dont il a magnifié la compétence avec beaucoup d’insistance et loué leur complicité. ABC s’est aussi attardé sur les qualités personnelles de ces derniers. « Je vous renvoie à vos familles. Je vous quitte avec beaucoup d’amour. Je vous quitte avec beaucoup d’admiration. Je vous quitte avec beaucoup d’estime», a-t-il dit sous le regard attentif de ceux-ci. Il a rappelé à son successeur les défis qui l’attendent à la tête de la diplomatie sénégalaise. Par ailleurs, ABC n’a pas manqué de rendre hommage à Madické Niang, qui est son prédécesseur à la tête de ce ministère de souveraineté. « Mon prédécesseur Madické Niang ne m’a jamais quitté. C’est extraordinaire. C’est comme s’il était toujours là». ABC, pour ceux qui qui l’ont présenté comme un insubordonné, entreprenant des voyages à l’insu de la présidence et du gouvernement, apporte une réponse claire. « Je n’ai jamais quitté le pays sans que les autorités compétentes de ce pays ne le sachent». Ainsi, toutes les fois qu’il a voyagé, les documents ont été signés et contre-signés par le secrétaire général de la présidence de la République et le Premier ministre, a-t-il précisé. Tout compte fait, le « géniteur » de l’APR, prend acte de la décision du chef de l’Etat. Selon lui, c’est depuis deux mois que son ministère faisait l’objet de tirs groupés. Maintenant que les dés sont jetés, il prendra son destin entre les deux mains.

« Je demeure maître de mon destin »

Quant à ses détracteurs qui ont pu le soupçonner de favoritisme, de népotisme ou de clientélisme, ABC dit n’avoir « jamais aidé » qui que ce soit pour obtenir quelque chose. Au contraire, il dit avoir souvent fermé les yeux sur les « récriminations» de ses collaborateurs. A quoi devrait-on s’attendre dans les prochains mois ? L’histoire d’Alioune Badara Cissé rappelle celle d’un autre ancien ministre des Affaire étrangères, Cheikh Tidiane Gadio. Mais contrairement à M. Cissé, M. Gadio, lui, était resté en poste pendant une dizaine d’années avant son débarquement. Il a suffi de quelques semaines après son limogeage pour qu’il couche un manifeste pour lancer une grande offensive contre Abdoulaye Wade et son « projet de transmission monarchique du pouvoir », dont il l’accusait. Et nul doute que Gadio qui est un homme de réseaux avait participé à rendre impopulaire Wade surtout à l’étranger, et à précipiter la chute de son régime. ABC va-t-il emprunter le même chemin pour faire mal à son ancien compagnon ? En tout état de cause, la décision du chef de l’Etat parait risquée. Il se dit qu’ABC est aussi un homme de réseaux. Or, manifestement, l’APR n’a pas encore une bonne assise. Et qui peut garantir que le compagnonnage avec les alliés fera long feu, étant donné que c’était un mariage de circonstance ? Les alliés n’avaient fait que choisir le moindre mal, quand on sait que Macky Sall est aussi un produit de l’ancien régime.

FREDERIC ATAYODI

Le Pays au Quotidien